Ce fut encore une fois une descente olympique singulière, avec un vainqueur qu'à peu près personne n'attendait, à part peut-être mon voisin dans la zone mixte, un journaliste autrichien qui connaît son affaire.

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«Son père Helmut a gagné l'argent en super-G à Calgary en 1988», m'a-t-il dit hier en désignant Matthias Mayer, un frêle Autrichien de 23 ans aux cheveux hérissés, qui donnait l'impression d'avoir gagné à la loterie dans l'aire réservée au meneur.

Le bas de la piste se réchauffait, et ni Bode Miller ni Aksel Lund Svindal n'avaient pu faire mieux dans cette section. Il fallait quand même garder un oeil attentif sur l'Italien Christof Innerhofer, un maître sur la glace, qui venait de découper les virages du haut, se donnant une priorité d'une demi-seconde. Au dernier intermédiaire, son avance s'était transformée en retard d'un centième. La tension montait. Même le maire Labeaume aurait pu apprécier le spectacle de ces équilibristes rasant la neige à plus de 135 km/h.

Quand Innerhofer a franchi la ligne, l'écran a affiché «+0,06» et un gros «2» à côté du nom de l'Italien. Mon confrère a été incapable de réprimer un violent coup de coude. L'Autriche attendait ce moment depuis la médaille d'or de Fritz Strobl à Salt Lake City, en 2002.

Hors de sa zone de confort

Erik Guay était le prochain dans le portillon. La lumière tombait encore et le parcours se dégradait. Son dossard 21 n'allait certainement pas lui être favorable. Il y avait plus que ça. Les entraînements à Sotchi ne s'étaient pas déroulés comme il l'espérait. Par moments, il retrouvait l'état de grâce qui l'habitait avant que son genou ne tape un trou à Wengen trois semaines plus tôt. Mais jamais plus que sur trois ou quatre virages.

«Je savais que ça allait être dur», admettra plus tard le skieur de Mont-Tremblant.

Son rêve d'enfin remporter cette médaille olympique s'est effrité dès les enchaînements techniques au sommet. Un dixième ici, un dixième là, l'écart est vite monté à près d'une seconde. Il lui manquait la confiance de s'engager totalement sur le ski extérieur. «Il y a des virages où j'ai été impatient et où je tombais à l'intérieur», a analysé le champion mondial 2011.

Guay a conclu en beauté, mais le mal était fait: 10e à 81 centièmes de Mayer, qui ne pouvait trouver meilleur moment pour signer sa toute première victoire. Médaillé d'argent, Innerhofer avait réalisé la «manche gagnante» aux yeux du Québécois: «Il n'a pas été avantagé par son numéro de départ.» Tout le contraire du Norvégien Kjetil Jansrud, un autre invité-surprise, parti huitième et médaillé de bronze devant son compatriote Svindal, déçu de rater le podium en descente pour la première fois de l'hiver.

Déçu, mais pas abattu, Guay a fait preuve de réalisme dans l'analyse de sa prestation: «J'ai fait quelques erreurs ici et là que j'aurais pu corriger. Même sans ces petites erreurs, je ne crois pas que j'aurais pu gagner.»

Ce fut une journée de misère pour les autres descendeurs canadiens. Benjamin Thomsen (19e) et Jan Hudec (21e) n'ont pu exploiter leurs petits numéros de dossard. Manuel Osborne-Paradis (25e) en avait un petit lui aussi... jusqu'à ce que le 28 lui soit réattribué à la suite d'une «erreur humaine» lors du tirage au sort de la veille. Autant dire qu'il n'avait plus aucune chance.

Encore du travail à faire

Les collègues anglophones ont demandé à Erik Guay s'il songeait à la retraite. Le vétéran de 32 ans a répondu qu'il avait encore beaucoup à accomplir dans le ski alpin.

Avant tout, il y a un super-G pour lui dimanche à Sotchi. Le bas du parcours à Rosa Kuthor lui a souri toute la semaine, incluant à la course, où il a enregistré les troisième et cinquième temps intermédiaires.

«À ce moment précis, je suis un peu de mauvaise humeur, triste, déçu, peu importe le mot que vous voulez utiliser pour décrire cette descente, a dit Guay. Mais je suis un vétéran, je suis déjà passé à travers des choses comme ça. Donnez-moi quelques heures, je vais me secouer et me reconcentrer.»

Qui sait si ce ne sera pas au tour d'un journaliste autrichien de se faire chahuter.