Aucune skieuse ne pouvait être éliminée après la première ronde des qualifications de l'épreuve de bosses des Jeux olympiques de Sotchi, jeudi soir, à la veille de la cérémonie d'ouverture. Ce n'était pas une raison pour se la couler douce au parc extrême Rosa Khutor.

Les 4 bosseuses canadiennes ont bien saisi le message de leurs entraîneurs, terminant toutes parmi les 10 premières, ce qui leur procure un accès direct aux phases finales de samedi soir et le privilège de faire une descente de moins.

Si, pour les soeurs Chloé (2e) et Justine Dufour-Lapointe (3e), médaillées aux derniers Mondiaux, le mandat paraissait relativement aisé, il en allait autrement pour l'aînée Maxime Dufour-Lapointe (8e) et Audrey Robichaud (9e), cette dernière ayant souffert d'une sérieuse blessure à un genou un mois plus tôt.

Première mission accomplie, donc, à la grande satisfaction des entraîneurs Jean-Paul Richard et Marc-André Moreau. «On veut que les filles attaquent, on veut qu'elles atteignent exactement le potentiel dont elles sont capables, a expliqué Richard. Dans certaines courses, elles se sont retenues. Ça ne nous a jamais servis. Elles ont appris de ça. C'est exactement la façon dont on les a préparées. Même si c'était leur première descente, même si tout le monde va encore skier dans les prochains jours, on voulait vraiment mettre la barre où elle devait être. C'est ce qu'on veut faire samedi aussi.»

Les Canadiennes ne sont pas seules. L'Américaine Hannah Kearney a précisément les mêmes intentions et compte défendre chèrement son titre acquis à Vancouver. Première, elle a été la seule concurrente à atteindre le seuil des 23 points grâce à la descente la plus rapide de la soirée.

«Je me suis dit que si je ne gagnais pas la descente de qualification, je ne donnais pas le ton convenablement», a lancé Kearney, dont la mère est née à Montréal. «J'ai besoin d'être celle à battre. Je la veux [cette médaille d'or] et je ne tiens rien pour acquis.»

La double championne mondiale s'en est gardé sous la pédale, mais pas autant que d'habitude en qualifications. «Ce sont les Jeux olympiques, a souligné la skieuse aux lulus. Je ne voulais vraiment pas être en troisième place parce que j'ai skié trop lentement ou quelque chose comme ça.»

Pendant que Kearney s'arrêtait devant qui bon voulait lui parler et signait même des autographes dans la foule à la fin de la soirée, les trois soeurs Dufour-Lapointe préféraient la jouer discrète au possible. Skis toujours aux pieds, elles ont glissé devant caméras et calepins dans le serpentin de la zone mixte, comme le règlement olympique les y oblige. Elles ont toutefois refusé de répondre à la moindre question, même à celles de Radio-Canada, diffuseur officiel, qui a dû se rabattre sur les parents présents dans la foule. On a quand même eu droit aux sourires de Justine.

Apparemment, cette façon de procéder était décidée de longue date. «On connaît nos filles, a justifié Jean-Paul Richard. Il y en a qui sont émotives et cette émotivité-là, quand elles en mettent le bon degré en piste, on a les résultats qu'on a ce soir.» Marc-André Moreau a ajouté: «Ça faisait partie de leur plan autant que les aspects physiques et nutritionnels.»

Audrey Robichaud n'avait pas de tel plan, simplement celui de rebondir après un long mois à se rétablir d'un ligament étiré. «C'est sûr que j'avais du bon stock [à l'entraînement], mais il me manquait de mettre toutes les pièces ensemble», a lancé celle qui en est à ses deuxièmes JO après sa huitième place à Turin, à l'âge de 17 ans.

Anecdote en terminant: j'ai eu le malheur d'être le 73e journaliste à lui demander comment elle composait avec le fait d'être la seule de l'équipe à ne pas s'appeler Dufour-Lapointe. Comme elle a de la classe, elle ne m'a pas envoyé promener: «Je ne veux pas dire que c'est tannant, mais revenez-en!» Je vais finir par croire que de couvrir des qualifications en ski de bosses est aussi un sport extrême.

Photo Bernard Brault, La Presse

Justine Dufour-Lapointe