«La Suisse peut battre n'importe qui.»

Sean Simpson lance cette phrase sans sourciller. L'entraîneur de l'équipe nationale suisse parle depuis 10 minutes à l'auteur de ces lignes. Aucun autre journaliste n'est en vue. Les hockeyeurs helvètes sont loin d'être favoris à Sotchi. Ils n'attirent pas les médias. Mais Simpson n'en prend pas ombrage.

Dans les dernières années, les Suisses ont surpris à peu près tout le monde en se rendant là où personne ne les attendait; un peu à l'image de leur entraîneur, finalement.

Sean Simpson adore raconter sa soirée du 29 septembre 2009. C'est ce soir-là que sa carrière a pris son envol, que le parcours ordinaire du Canadien a pris un tour extraordinaire.

Ses Lions de Zurich affrontaient alors les Blackhawks de Chicago. C'était la dernière Coupe Victoria, un tournoi présenté à deux occasions et qui opposait la meilleure équipe européenne à une formation de la LNH.

On ne donnait pas cher de la peau des Suisses. Les Hawks devaient logiquement les réduire en raclette. Mais le massacre appréhendé n'a pas eu lieu. Mieux, les modestes Lions de Zurich l'ont emporté 2-1.

«Eh oui, on a battu les Blackhawks de Chicago, raconte Simpson en agitant les mains, où scintille une énorme bague du championnat suisse. Je ne vais pas mentir: si on avait joué 20 matchs de plus contre eux, on aurait perdu les 20 matchs. Mais ce soir-là, on a gagné.»

Des Pays-Bas à l'Italie

Sean Simpson a su très tôt qu'il ne ferait pas carrière dans la LNH. Choix de 7e ronde en 1980, il n'avait tout simplement pas «ce qu'il faut pour jouer dans la grande Ligue nationale».

Le natif de Brampton, en banlieue de Toronto, a passé quelques saisons à écumer la Ligue américaine. À 26 ans, il est parti pour l'Europe en désespoir de cause. Il voulait voir du pays, faire un dernier tour de piste.

«J'avais dit à mon père que je partais un an jouer en Europe. Je prévoyais prendre l'argent de ma saison pour ensuite voyager et revenir au Canada pour travailler, raconte-t-il. Mais j'ai bien joué et on m'a offert un autre contrat. Et les choses ont déboulé comme ça.»

Il a roulé sa bosse pendant cinq saisons, des Pays-Bas à l'Italie en passant par la Suisse. «Une fois ma carrière de joueur terminée, je me suis essayé entraîneur. Mais je n'avais jamais pensé finir ma carrière comme ça.»

Son premier emploi était modeste: il a pris la barre de l'équipe de Lyss, une ville suisse de 11 000 habitants. «J'entraînais l'équipe professionnelle, mais aussi tous les groupes d'âge, même des enfants de 6 ans!»

Puis il y a eu un titre de champion de Suisse avec le club de Zoug en 1998, celui de champion d'Allemagne avec les Barons de Munich deux ans plus tard, deux autres championnats suisses. Puis la victoire sur les Blackhawks.

Quand, peu après les Jeux de Vancouver, l'équipe helvète a congédié l'entraîneur Ralph Krueger - un autre Canadien - , tous les regards se sont tournés vers lui.

Objectif quarts de finale

Les regards se sont aussi tournés vers les Suisses au cours des dernières années. Les Canadiens ont eu besoin de se rendre en fusillade pour les défaire à Vancouver. Les Helvètes ont aussi remporté l'argent aux derniers Mondiaux.

Le hockey suisse progresse rapidement, prévient Sean Simpson. «Depuis 10 ans, les Suisses se sont beaucoup améliorés. Il y a eu une explosion de joueurs suisses dans la LNH. Avant, il y avait Jonas Hiller, Mark Streit, Martin Gerber, David Aebischer... Mais maintenant, il y en a une dizaine. Il n'y en a plus deux ou trois à la fois. Et je vous le dis, il va y en avoir beaucoup plus dans les prochaines années.»

«Le hockey suisse est très bien organisé, ajoute Simpson. Le développement des joueurs est pris au sérieux. Par exemple, les entraîneurs dans le hockey mineur sont rémunérés.»

Avec huit joueurs de la LNH dans leurs rangs, les Suisses espèrent se rendre en quarts de finale à Sotchi. «Ce serait une belle victoire», dit Simpson.

Mais il est toujours difficile pour la Suisse de se faufiler entre les grandes et moyennes puissances du hockey international. La dernière médaille olympique de l'équipe masculine de hockey suisse remonte à 1948.

Dans le palais des glaces Bolchoï, où ses joueurs viennent de terminer leur entraînement, Simpson explique que le format du tournoi olympique avantage les Suisses. Il ne s'agit pas d'un quatre de sept comme lors des séries éliminatoires.

«La Suisse est capable de jouer contre le Canada, la Russie, la Suède et les grosses équipes. On peut même les battre parfois. On ne peut pas les battre chaque jour, mais ils doivent se méfier parce qu'on est capables de faire de grands matchs, lance-t-il. Dans ces tournois, ça se joue en un match.»

Puis, l'entraîneur des Suisses rappelle ce qu'une partie de hockey lui a appris en 2009: «Tout peut arriver en un match.»

Comme contre les Blackhawks? «Comme contre les Blackhawks!», répond-il dans un éclat de rire.