Les militants russes de la cause homosexuelle espéraient une chose de la tenue des Jeux: qu'elle attire l'attention du monde entier sur la situation des gais et lesbiennes en Russie. Mais à quatre jours de la cérémonie de clôture, ils constatent avec amertume que ça ne s'est jamais produit.

«Je surveille les médias très attentivement depuis le début des Jeux et je n'ai rien vu. Il n'y a eu aucune déclaration forte de la part d'un athlète en faveur des droits de l'homme, des droits des gais et lesbiennes. On espérait plus», lance la présidente de la Coalition LGBT de Russie, Anastasia Smirnova.

«C'est décevant. J'avais l'impression que plein de monde avait envie de se faire entendre, de dire quelque chose sur la situation en Russie et puis, finalement, rien», ajoute-t-elle avec dépit.

La militante ne s'attendait pas à un coup d'éclat, à un drapeau aux couleurs de l'arc-en-ciel brandi sur le podium, par exemple. Le Comité international olympique (CIO) avait fait savoir que de tels gestes seraient sanctionnés. Mais elle pensait que plusieurs athlètes n'auraient pas hésité à critiquer la loi «anti-gais» lors d'entrevues avec les médias.

«Le CIO a dit, une semaine avant les Jeux, que les athlètes avaient le droit de parole et pouvaient s'exprimer librement lors des conférences de presse et lors des entrevues avec les médias, rappelle Anastasia Smirnova. Les athlètes n'ont pas utilisé cette option qui leur était offerte sans aucun risque.»

«Je comprends que les Jeux sont surtout une affaire de compétition, de victoire, de défaite. Mais en même temps, ils offrent une tonne de chances aux athlètes pour exprimer leur point de vue, leurs opinions. Ici, en Russie, les militants des droits de la personne n'ont pas du tout cet accès aux médias. Les athlètes auraient pu nous aider.»

Arrêtée pour une bannière

Anastasia Smirnova en sait long sur les limites de la liberté de parole en Russie. Le jour de la cérémonie d'ouverture des Jeux, le 7 février dernier, trois autres militants et elle se sont fait arrêter à Saint-Pétersbourg.

Ils avaient le projet de dérouler une banderole sur un pont de la ville, sans entraver la circulation. Sur la bannière, on pouvait lire le principe 6 de la Charte olympique, qui interdit la discrimination dans le sport.

Les quatre militants se sont arrêtés pour prendre une photo de la banderole en guise de souvenir. Ils n'ont même pas eu le temps de se rendre au pont qu'ils étaient encerclés par la police, arrêtés et détenus. «Je ne sais pas comment la police a su, nos téléphones sont peut-être sur écoute», dit celle qui a été libérée quelques heures plus tard.

Le CIO n'a pas voulu réagir à l'arrestation de ces militants, ni à la poignée d'autres qui ont eu lieu durant les Jeux. «Nous sommes responsables d'appliquer la Charte olympique dans le Parc olympique et auprès des athlètes», a simplement commenté son président, Thomas Bach.

«Nous espérons que les Jeux ne deviendront pas une plateforme pour des manifestations», a ajouté un porte-parole du CIO, Mark Adams.

Les souhaits de M. Adams ont été exaucés. Les Jeux se sont déroulés sans que la question des droits de l'homme ne suscite le moindre murmure.

«Ces Jeux sont un échec en terme de droits de la personne. Je sais que le rejet de la discrimination, c'est simplement une phrase dans la Charte olympique. Mais, tout de même, je pense que les Jeux doivent laisser un héritage dans le pays hôte», dit Anastasia Smirnova.

Mme Smirnova aurait aimé que cet héritage se calcule en avancées pour la démocratie russe. Il se calculera plutôt en immeubles, en médailles et en kilomètres de nouvelles routes.