Un site internet de journalisme de données lancé lundi par le militant russe Alexeï Navalni dresse un portrait peu reluisant des dépassements de coûts et des présumés conflits d'intérêts aux Jeux olympiques de Sotchi.

La Russie a dépensé environ 51 milliards de dollars US pour «livrer les Jeux», qui se tiendront du 7 au 23 février, ce qui en fait les plus coûteux de l'Histoire - même si les jeux d'hiver accueillent moins d'athlètes que ceux d'été.

Selon M. Navalny, la Russie a payé deux fois plus que nécessaire pour la construction d'au moins 10 des bâtiments olympiques, dont le Palais des glaces de Bolchoï, le stade Fisht destiné aux cérémonies d'ouverture et de fermeture, et l'aréna pour les épreuves de patinage de vitesse.

Les allégations de corruption planent sur les préparatifs de Sotchi depuis des années. Le site de M. Navalny, Sochi.FBK.info, disponible en anglais et en russe, collige des informations provenant de ses propres enquêtes ainsi que de divers médias ou d'autres militants, présentées avec plusieurs graphiques colorés.

Les athlètes ne sont pas les seuls en compétition à Sotchi, écrit M. Navalny sur le site. Les autorités et les entrepreneurs prennent aussi part aux jeux, jusqu'à en faire une source de revenus.

Le président russe Vladimir Poutine a rejeté les allégations de corruption à Sotchi, affirmant que la hausse des prix était due à de simples erreurs des investisseurs qui ont sous-estimé les coûts.

«Si quelqu'un possède ces informations, s'il vous plaît, qu'il nous la montre, a affirmé M. Poutine en entrevue télévisée, récemment. Mais jusqu'à maintenant, on n'a vu rien d'autre que de la spéculation.»

Un rapport de 2012 de la chambre des audits du gouvernement a révélé qu'environ 15 milliards de roubles, soit environ 480 millions de dollars US, constituaient des dépassements de coûts «déraisonnables» dans les préparatifs pour les Jeux olympiques.

Les vérificateurs ont aussi découvert que certains employés d'Olympstroï, la société d'État responsable de la construction, avaient «induit des dépassements de coûts déraisonnables». Des employés d'Olympstroï font l'objet d'au moins trois enquêtes criminelles, mais aucun n'a encore été poursuivi. La société a changé d'administration depuis.

Le comité organisateur des JO n'a pas voulu commenter le site internet de M. Navalny.

Celui-ci ne semble pas disposer de preuves solides des détails de la corruption dans les projets de construction. Les jeux n'étant pas couverts par la loi russe sur les soumissions et l'approvisionnement, les autorités ne sont pas imputables pour les dépenses. Cela rend particulièrement complexe la tâche de prouver que l'argent a été volé.

Olympstroï a eu carte blanche de M. Poutine pour la sélection des investisseurs et des soumissionnaires, ce qui a créé un terreau fertile pour la corruption dans l'attribution des enveloppes, a jugé Ivan Ninenko, directeur adjoint de Transparency International à Moscou.

Le nouveau site web nomme aussi quelques cas de conflits d'intérêts évidents. Un exemple frappant est celui du centre de curling «Ice Cube», construit par la société de l'homme d'affaires Aleksander Svishchev, qui est le père de Dimitri Svishchev, président de la fédération russe de curling.

Le contrat de construction d'un parc d'attractions a été accordé à la compagnie du gendre d'un gouverneur russe.

L'ami d'enfance du président Poutine, Arkady Rotenberg, détient la majorité des actions d'une compagnie qui a aussi hérité d'une dizaine de contrats.