Cher Marc, alors tu y vas avec l'Allemagne. Vraiment? En tant que Pat le Poulpe, c'est bien certain que je t'ai vu venir. Mais j'ai quand même voulu te donner le bénéfice du doute.

Dois-je réellement m'étonner que tu aies choisi d'y aller avec les nantis? Toi, l'emblématique bobo, j'en déduis que tu penches irréversiblement du côté de la bourgeoisie. Renier ton côté bohème ainsi. Désolé de te dire ça comme ça mais tu vieillis. Oser tourner le dos à une nation qui navigue en pleine crise financière... Très bien, si ta conscience te permet de vivre avec ça! Sache que ce n'est pas en dégustant quelques verres de Malbec que tout ça se réglera. Mais, à la fin, tu ne vas quand même pas me dire que tu préfères Benoît XVI à Francois 1er? J'imagine que c'est dans des moments comme ceux-là qu'on dévoile ses vraies couleurs.

Penses-y une minute et tu verras bien qu'en tant que partisan de foot montréalais, il est pourtant inconcevable de faire autrement que de se ranger derrière les Albicelestes. De quoi tu auras l'air devant la visite avec ton maillot allemand quand va arriver notre futur joueur désigné Nacho Piatti? Non mais, dois-je te rappeler que Bernardello est déjà parti? Tu vas nous faire honte! Je sais, tu vas me dire que ce n'est pas la première fois. Mais avec tes ancêtres italiens, tu devrais finir par comprendre ça. Presque tous les Argentins ont du sang italien. Ils font partie de la famiglia!

Oublie Klose ou Schweinsteiger. Eux, on est bien loin de les voir au Bleu-blanc-noir. Le jour où ça arrivera, je te laisserai me montrer à chanter Deutschland über alles. Mais contrairement à toi, je ne me laisse pas berner par leur hypocrite tentative de nous amadouer. Tu as vu ce qu'ils ont fait aux Brésiliens? Porter un maillot aux couleurs de Flamengo, sourire et serrer la main des gens les accueillant dans la rue. Et paf! 7-1 contre la Seleção. C'est sournois... Un peu comme ton choix. Même Neymar encourage l'Argentine en finale, Marc. Neymar!

Inutile de le nier, tu t'es lâchement rangé dans le camp des favoris. Ils sont bons et se croient sûrs de l'emporter. Cela dit, je ne veux pas de ta pitié. Si j'ai appris une chose durant les deux heures passées jadis à écouter Madonna - s'il te plaît, ne la confonds pas avec El Pibe - c'est que personne ne devrait pleurer sur le sort de l'Argentine. Ça ne te rappelle rien ça, toi, l'amateur de cinéma?

Tu dois quand même avouer que cette machine allemande donne froid et ne suscite pas l'émoi, ni l'authentique passion du barrio ressentie en admirant Messi et compagnie. Voyons, Marc, si tu avais le choix entre étudier le dessous du capot d'une Mercedes ou taper du ballon à l'ombre de la Bombonera, tu opterais pour quoi? Fais-moi une faveur, pour une fois, écoute donc ton coeur!

Tu veux parler foot? L'Argentine contre l'Allemagne, c'est une équipe sans prétention qui joue avec émotion contre une entité qui est le résultat de multiples années de programmation. Une petite bande qui a une âme contre un système qui s'enorgueillit de sa propre perfection. Un but de la Mannschaft, c'est le produit d'une construction logique et méthodique. C'est fort pratique. Mais un but des Albicelestes, c'est un moment d'exaltation. C'est une création. C'est même parfois le pouvoir divin qui fait intervention.

Mais comme tu rejettes ce qu'essaie de te dire ta foi... Allons-y par les grands moyens. Une traduction de Brasil decime que se siente. Juste pour toi. Répète-la jusqu'au début du match.

Ô Marc, dis-moi comme tu te sens

De voir de loin cette Copa?

Tu risques d'en pleurer comme Pelé

Maracanã sera Che ce soir

Parce que même les Allemands

Ne pourront rien au destin

Ce Mondial n'est pas européen

Il n'existe qu'un Messi

Il peut battre n'importe qui

Et tu sais bien qu'il est argentin