Accordons une petite pause à l'Impact, qui aurait intérêt à se magasiner une assurance tous risques avant son prochain voyage, et revenons à un autre chantier qui a grandement besoin d'avancer.

Il m'apparaît parfois nécessaire de le rappeler. Le soccer a fait des pas de géant au Québec dans les deux dernières décennies avec la montée en flèche du nombre de joueurs, la construction de centres de soccer intérieur et le passage de l'Impact en Ligue majeure. Mais au risque de passer pour un jeune grincheux - 35 ans, c'est jeune ou c'est vieux? -, il n'y a toujours pas plus de joueurs de haut niveau qui sortent des programmes de développement québécois.

Pourtant, les conditions semblent optimales pour réussir. Les espoirs d'aujourd'hui ont la chance de s'entraîner 5 fois par semaine au sport-études, de jouer 12 mois par année sur des terrains de soccer à 11 et de s'inspirer en regardant chaque jour les meilleurs joueurs du monde, soit sur l'internet, soit à la télé.

On est à des années-lumière de la petite pratique hebdomadaire au gymnase de la Poly Antoine-Brossard entre novembre et avril. Une époque où l'on s'arrachait les yeux à écouter Juventus contre Ascoli à Télé-Latino même si ce canal était brouillé. Pour le jeune passionné de soccer au début des années 90, les temps étaient durs!

Trop de soccer, trop vite?

En réalité, il y a certainement plus de jeunes joueurs de 12 ou 13 ans doués techniquement qu'il y a de cela des années. Chaque présentation des Jeux du Québec ou du Tournoi des Sélections Régionales sert à le prouver. Mais de tous ces prodiges qui entament l'adolescence affublés prématurément de l'étiquette de futur professionnel, bien rares sont ceux qui émergent à l'âge adulte en suscitant le même genre d'enthousiasme.

Il y a bien sûr, toute une série de facteurs qui contribuent au phénomène, mais le noeud du problème, c'est que dans la structure actuelle, tout concorde pour que la saison U13 soit le point culminant de la carrière du jeune footballeur québécois! Dans bien des cas, tant l'intérêt que la qualité ne font que décliner à partir de 14 ans.

Les défis abondent pour le talent âgé de 13 ans. Alors que s'entame l'école secondaire, il, ou elle, lutte avec tous les joueurs de sa région pour se tailler un poste au sein de la fameuse sélection - un bateau à ne pas manquer pour espérer faire l'équipe du Québec l'année suivante. Du moins, c'est le bruit qui court parmi les parents qui se morfondent sur les lignes de côté. En parallèle, on dispute une saison des plus intenses, car l'enjeu de cette catégorie est l'accès au niveau AAA en U14. Peu importe la manière, l'important, c'est de gagner pour arriver à se qualifier. Du stress? En voulez-vous, en v'là.

Mais pour les heureux élus qui traversent ces épreuves, l'avenir n'est pas si rose. Pour un club de Québec ou de Sherbrooke qui entre en AAA en U14, les voyages vers Montréal se multiplient, car la majorité des adversaires s'y trouvent. Imaginez un peu ce que c'est pour Rimouski ou l'Abitibi.

Il n'est pas rare d'assister à un écoeurement chez ceux qui sont contraints de passer une bonne partie des fins de semaine de leur adolescence sur l'autoroute 20. Ce qui est excitant à 14 ans l'est beaucoup moins pour ceux qui sont encore là à 17 ans. Et les parents qui se mettaient tant à contribution sont soudainement beaucoup moins présents. Bref, il est essentiel de remédier à cette perte d'intérêt à une période où le développement devrait s'accentuer plutôt que stagner.

Parmi les solutions envisagées, on songe à repousser le passage en AAA à la catégorie U15. Voilà qui permettrait de souffler. Mais pour revigorer l'intérêt des joueurs d'élite qui sont encore loin d'achever leur formation, la mise sur pied d'un environnement plus prestigieux en fin de cycle est essentielle. Une ligue de soccer «junior majeure» pour les joueurs de 17 à 19 ans, par exemple, constituerait une carotte un peu plus alléchante au bout du bâton.

Évidemment, c'est un dossier dont la complexité dépasse l'espace alloué pour cette chronique. Or, en attendant les changements espérés, je ne peux que souhaiter bonne route à tous les joueurs, parents et entraîneurs.