L'entraîneur-chef de l'Impact, Jesse Marsch, a accroché ses crampons en 2009 après une carrière de 14 saisons en MLS, mais il tient toujours la forme. Lors d'un récent voyage en Californie, notre collaborateur est allé jogger avec lui et en a profité pour discuter de sa philosophie du coaching.

«Tu vas avoir droit au grand tour du proprio», m'annonce Jesse Marsch dès le départ. Il est 16h05 lorsque nous quittons le hall de l'hôtel Belamar pour entamer un jogging dans les rues et les sentiers de Manhattan Beach, là où l'Impact a élu domicile pendant l'étape californienne de son camp d'entraînement.

Afin de ne pas abuser de la générosité auprès des médias du nouvel entraîneur-chef de l'Impact de Montréal, j'ai proposé de faire cet entretien durant sa séance quotidienne de course à pied. L'idée a semblé lui plaire. Il me donne rendez-vous quelques heures après que l'Impact eut remporté un match amical par la marque de 3-0 contre le Galaxy de Los Angeles. Jesse Marsch, qui est originaire de Racine, au Wisconsin, semble avoir gardé d'excellents souvenirs de Manhattan Beach. Il faut dire qu'il a vécu pendant plus de cinq ans dans cette banlieue située au sud de Los Angeles. Avec des résidants comme Bruce Arena, Mia Hamm ou Alexi Lalas, la municipalité représente une sorte de Mecque du soccer américain et elle occupe une place de choix sur la longue liste des ports d'attache que Marsch a eus depuis le début de sa carrière dans le monde du soccer.

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Début de sortie, nous empruntons le sentier Veterans Parkway en direction d'Hermosa Beach. «Je cours pour maintenir la forme, mais j'avoue que je n'ai jamais vraiment aimé le faire quand j'étais joueur.» Marsch, qui a aujourd'hui 38 ans, n'éprouve toutefois aucun ennui à maintenir une bonne vitesse tout en entretenant la conversation. «Durant mon enfance, dans ma ville natale, il y avait chaque année une course de 10 milles [16 km]. La première fois que je l'ai courue, j'avais 8 ans. Je l'ai gagnée dans ma catégorie d'âge chaque année jusqu'à l'âge de 15 ans. Par la suite, j'ai arrêté d'y participer à cause du soccer.»

Voilà une preuve parmi tant d'autres que Jesse Marsch carbure à la victoire. Après ses études à Princeton, où il a été la figure de proue des Tigers au milieu des années 90, il passe chez les pros et dispute les 14 premières saisons de l'histoire de la MLS. Sans être une des étoiles du circuit, il se distingue en devenant le premier joueur à remporter le championnat de la ligue à trois reprises.

Nul doute que Marsch aspire à connaître autant de succès maintenant qu'il est entraîneur, mais son discours demeure prudent. N'essayez pas de lui extirper un objectif mesurable pour la saison 2012 séries, position, etc. , il vous répétera que la construction d'une équipe gagnante est un procédé qui requiert du temps.

Nous croisons au passage Phyllis Arena, femme de l'entraîneur du Galaxy, qui promène son chien sur le sentier. Marsch la salue et souligne la victoire des siens en souriant. J'en profite pour lui dire que l'Impact semblait être la seule équipe habitée par un désir de vaincre. «Pour ce qui est du résultat, l'important pour nous, c'est de ne pas nous enfler la tête après une telle victoire ni d'être trop affectés après une défaite», répond-il. De sages paroles que l'entraîneur aura eu à répéter à son équipe la semaine suivante en Floride, au lendemain d'une dégelée de 0-3 devant les Whitecaps de Vancouver.

À l'époque où il jouait, Marsch était reconnu pour son caractère bouillant. Or, il semble conserver la maîtrise de ses émotions lorsqu'il s'adresse à ses hommes. On décèle toutefois une pointe d'agressivité dans le ton quand il insiste sur la nécessité d'avoir une mentalité très combative. «Il faut qu'on soit durs à battre.»

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Nous quittons le sentier Veterans Parkway pour amorcer la descente vers la mer. Marsch me montre l'école où étudiaient ses trois enfants avant de déménager à Montréal. Quelques coins de rue avant d'atteindre la plage, nous passons devant son ancienne demeure, vaste maison de style moderne dont les hautes fenêtres s'ouvrent sur l'océan.

Engagé dans un club qui a 18 ans d'histoire et une cul tu re bien implantée, Marsch a choisi de s'entourer d'adjoints Mike Sorber, Denis Hamlett, Preston Burpo qui ont beaucoup d'expérience en MLS. Du groupe, seul Mauro Biello n'a pas évolué dans le circuit au préalable.

Ne risque-t-il pas d'y avoir un choc culturel entre le personnel d'entraîneurs et le reste de l'organisation? «Il y a parfois des conversations animées, convient Marsch. Mais je crois fermement que ces discussions nous permettent d'avancer.»

Il revient à la charge avec son fameux « processus » de construction qui, dit-il, nécessite la collaboration de tout le monde. «Il est impératif que chaque membre de l'organisation s'en tienne aux plus hauts critères d'excellence pour que le projet réussisse. C'est le plus grand défi auquel je fais face depuis mon arrivée.»

Nous arrivons sur la plage où nous courons sur le sable lissé par les vagues. Marsch fait pour la première fois référence à son mentor Bob Bradley, entraîneur de la sélection américaine dont il était l'adjoint avant de se joindre à l'Impact. «S'il y a une chose que l'on a apprise avec Bob, c'est qu'on peut exprimer une opinion, mais il faut être prêt à défendre ses idées Quand on apporte quelque chose à la conversation, on peut s'attendre à ce qu'on nous demande pourquoi!» Bradley était l'entraîneur de Marsch avec les Tigers de Princeton puis chez les professionnels à DC United, Chicago et Chivas USA. Son inf luence est si grande sur Marsch qu'il est facile de confondre les réponses des deux hommes en entrevue.

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Nous remontons l'avenue Rosecrans pour retourner à l'hôtel. Notre course s'achève après environ 50 minutes. Je remercie Marsch d'avoir accepté l'invitation ainsi que pour son ouverture même si j'ai l'impression qu'il ne dévoile pas toutes les cartes de son jeu.

Je ne me fais pas d'illusion. L'entraîneur et les journalistes ont des desseins difficilement conciliables. Or, je sens chez Marsch un calcul dans ses réponses qui lui permet de guider son interlocuteur là où il veut bien le mener.

Obligation professionnelle ou penchant pour le mystère? Libre à vous d'interpréter. Je possède pour ma part une certitude, c'est que derrière ses ruses se cache un féroce désir de réussir. Et puis, j'ai eu droit à une agréable balade