Zinedine Zidane, le magicien du ballon rond au regard taciturne, n'apprécie pas que l'on parle de lui sans son accord. L'idée d'une biographie non autorisée avait donc tout pour lui déplaire.

Il n'a pas hésité à le faire savoir, notamment par l'entremise de son agent, Alain Migliaccio, qui a «conseillé» en décembre 2007 à la journaliste Besma Lahouri de renoncer à son projet en lui proposant en échange... une entrevue avec son sujet.

 

«Et pourquoi pas un autographe?» s'agace l'auteure, qui a persisté dans son projet même si elle savait que son action était presque «blasphématoire» aux yeux de l'athlète et de ses partisans.

Le résultat: Zidane, une vie secrète, sorti en librairie cette semaine en France, explore sur 400 pages les moments marquants de la vie et de la carrière de la vedette, des quartiers populaires de Marseille jusqu'au pinacle du monde du soccer. En égrenant des révélations qui n'ont rien pour le faire trembler mais qui abîment un brin son piédestal.

L'auteure revient longuement sur le fameux épisode du coup de tête asséné à Marco Materrazzi lors de la finale de la Coupe du monde 2006 entre la France et l'Italie. Son expulsion, souligne-t-elle, a mis en furie les autres joueurs de l'équipe. Ils n'oseront pas pour autant le questionner à ce sujet après le match. Même le président français Jacques Chirac s'emportera, qualifiant Zidane de «con» devant quelques proches avant de se montrer tout miel avec lui en public.

Le débordement n'était pas le premier pour le fougueux milieu de terrain, dont la carrière a été parsemée de cartons rouges. L'auteure du livre évoque son caractère impulsif pour expliquer le geste, suggère qu'un conflit avec sa femme a pu le mettre sous tension, cite plus loin un spécialiste en dopage qui s'interroge sur son agressivité... mais ne livre pas le fin mot de l'histoire.

Le footballeur lui-même a toujours refusé de présenter des excuses à Materazzi, qui avait traité sa soeur de «pute». Selon l'auteure, il s'est montré plus conciliant lors d'un voyage en Algérie durant lequel il a sommé un cousin éloigné de ne pas dire que ce qu'il avait fait était «bien».

Une image à protéger

Son attitude publique dans cette affaire était largement dictée par ses conseillers en image, qui ont tenté, avec passablement de succès d'ailleurs, de reporter la responsabilité du coup d'éclat sur le joueur italien, écrit Besma Lahouri. Il faut que Zidane «reste Zidane, pur, sans défauts, immaculé», relève l'auteure, qui insiste longuement sur l'importance des rentrées publicitaires de la vedette, dont la fortune est évaluée à 80 millions d'euros.

Entouré de ses frères et soeurs, qui l'ont aidé à assurer sa transformation en homme d'affaires avisé, le joueur continue quelques années après sa retraite de veiller précieusement sur son image, utilisée par des géants industriels comme Danone ou Orange. Et il n'hésite pas à écarter manu militari de son entourage quiconque s'avise de lui porter ombrage.

Le populaire animateur de variétés Michel Drucker en sait quelque chose. Il dit avoir été mis à l'écart par la famille du joueur parce qu'un humoriste connu a fait référence, durant son émission, à une présumée aventure de Zidane avec une chanteuse populaire.

Durant sa carrière, les chroniqueurs sportifs français se montraient aussi très réticents à critiquer l'athlète, qui n'hésitait pas à refuser les entrevues pour tenter de garder les scribes dans le rang. Mme Lahouri, qui s'irrite de cette complaisance médiatique, explore aussi de manière peu concluante les rumeurs de dopage entourant l'ancien champion. Elle souligne qu'il n'a pas subi de contrôle après avoir été expulsé d'un match contre l'Arabie Saoudite lors de la Coupe du monde 1998, même si le règlement le préconise. Et revient sur le fait qu'il a été interrogé par la justice lors d'un scandale touchant l'un des grands clubs où il a évolué, le Juventus de Turin.

Le célèbre athlète, insiste l'auteure, n'est qu'un homme, parfois superficiel, parfois généreux, parfois belliqueux. Une évidence, en quelque sorte, que l'ancien premier ministre français Laurent Fabius avait mise en relief en 2006 en commentant le fameux épisode du coup de tête: «Il y a les dieux, il y a les humains et il y a les demi-dieux qui s'appellent des héros. On croyait que Zidane était un dieu et c'est simplement un héros».

 

Mystérieux cambriolages

Des copies du manuscrit de Zidane, une vie secrète ont été volées à deux reprises. Une fois lorsque l'éditeur du livre s'est fait dérober dans son appartement parisien un ordinateur contenant une version incomplète du texte. Et cinq jours plus tard, lorsqu'une amie de l'auteure, chargée de corriger les dernières épreuves, s'est également fait dérober un portable. Une enquête est en cours relativement à ces délits mais elle n'a pas permis de déterminer s'ils sont liés. «L'avenir dira peut-être s'il ne s'agissait que d'une très malheureuse coïncidence ou si quelqu'un a voulu se renseigner sur le contenu d'un travail qui faisait beaucoup parler de lui bien avant d'atteindre le public», souligne l'auteure Besma Lahouri.

 

Une icône planétaire

Qu'il soit au Bangladesh, en Indonésie, au Brésil ou en France, Zinedine Zidane est pratiquement assuré de créer une commotion, ses exploits sur le terrain lui ayant attiré une notoriété planétaire. Même le Vatican, que l'on imaginerait plus tourné vers des préoccupations spirituelles que sportives, n'échappe pas à l'engouement. L'athlète verra son pouvoir de fascination confirmé en 2002 lors d'une visite privée à la résidence du pape Jean-Paul II avec ses coéquipiers du Real Madrid. Alors qu'il tente de se faire discret, le joueur français est pris d'assaut par les cardinaux présents, «excités comme des enfants», qui lui réclament un autographe ou un cliché dédicacé. Une scène «surréaliste» que le principal intéressé accueille avec calme.