Le meilleur buteur de l'histoire de l'équipe de France peut-il marquer un but contre son camp? Les retrouvailles avec Thierry Henry, désormais au service de la Belgique, sont un crève-coeur pour les fans français, qui craignent d'être privés d'une finale mondiale à cause de leur ex-attaquant vedette.

À deux jours près, ils devaient fêter ensemble les 20 ans du sacre de 1998. Entre les anciens coéquipiers Didier Deschamps et Thierry Henry, seul l'un d'entre eux aura la chance de pouvoir redevenir champion du monde, le 15 juillet, lors de la finale du Mondial 2018: le vainqueur du duel France-Belgique, mardi à Saint-Petersbourg.

«Oui ça fait bizarre parce qu'il est Français et il va être sur le banc de l'adversaire. Pour lui aussi je pense que ça va être bizarre», a confié le sélectionneur des Bleus au micro de TF1, dimanche.

«Je suis content de le revoir - là je suis sûr de le revoir comme il est pas mal pris, on ne se croise pas tout le temps. C'est quelqu'un que j'apprécie beaucoup, il y a toujours eu beaucoup de respect entre nous», a ajouté «DD», champion du monde avec «Titi» lorsque celui-ci «avait pratiquement l'âge de Kylian (Mbappé)». Une autre époque.

Désormais âgé de 40 ans, Henry, également champion d'Europe en 2000 et meilleur buteur de l'histoire des Bleus (51 buts en 123 sélections), est devenu à la surprise générale l'adjoint du sélectionneur des «Diables Rouges» Roberto Martinez depuis août 2016. Sa mission? Insuffler sa culture de la victoire à la talentueuse «génération dorée», toujours à la recherche d'un premier trophée.

Exil après la main irlandaise et Knysna

«C'est sûr que j'aurais préféré qu'il soit avec nous et nous donne ses conseils, à moi et aux autres attaquants, mais il ne faut pas être jaloux», a déclaré l'attaquant français Olivier Giroud. «Il a beaucoup apporté à l'équipe de France, on a beaucoup de respect pour ce qu'il a fait».

Mais pourquoi n'est-il pas aux côtés de son ancien capitaine pour guider lui aussi les Bleus vers une «deuxième étoile»? «On ne m'a rien proposé, jamais», a affirmé Henry, dans des propos rapportés par le quotidien L'Équipe l'an dernier. En fait, il a juste accepté la seule proposition «difficile à refuser» qu'il a reçue...

«On l'a un peu perdu de vue», a admis le président de la Fédération française de football, Noël Le Graët. «C'est la vie qui est comme ça, il a toujours joué en Angleterre. Il a peu de présence en France et peu de contacts avec la Fédération».

Comment expliquer un lien devenu si distant avec son pays natal? Exilé à Londres, où il a une statue à son effigie devant le stade d'Arsenal, Henry passe le plus clair de son temps outre-manche en raison de son travail de consultant pour Sky Sports. Mais l'explication est davantage traumatique que géographique.

Auteur de la fameuse main, pour la passe sur le but qui a qualifié les Bleus pour le Mondial 2010, Henry n'a pas digéré la violente polémique qui avait suivi. Relégué sur le banc comme un vulgaire anonyme en Afrique du Sud, il verra sa prestigieuse carrière s'achever avec le scandale de Knysa et la grève de l'entraînement en mondiovision...

«Son coeur sera uniquement belge»

Suffisant pour changer définitivement de camp? «Pendant 90 minutes son coeur sera uniquement belge», ose Jean-Marie Pfaff, l'ancien gardien de la Belgique lors de la demi-finale du Mondial 1986.

Professionnel hors-pair, l'homme aux deux finales de Coupe du monde s'investit totalement, à l'image des entraînements, où il effectue un travail spécifique avec les attaquants à la fin de chaque séance, ou sur le banc, où il n'hésite pas à donner de la voix.

«Il adore parler de son expérience, raconte l'avant-centre belge Michy Batshuayi. C'est un amoureux du foot, il aime beaucoup parler de ce qu'il a fait, de comment c'était avant, de sa première Coupe du Monde et tout ça... Il m'a donné beaucoup de conseils pour m'améliorer.»

De là à dire qu'il est à l'origine des 14 buts belges inscrits en 5 matchs, le meilleur bilan du tournoi? «Son impact est vraiment très important», s'est félicité Roberto Martinez.

«Thierry nous a amené un élément important, l'expérience, son savoir-faire dans ce tournoi. Il sait ce que ressentent les joueurs dans cette situation, il connaît la pression pour remporter ces matchs», a-t-il ajouté. Contre son pays, ce sera la première fois.

AFP

Thierry Henry a contrôlé le ballon avec sa main avant un but crucial contre l'Irlande en 2009.