Une finale de Coupe du monde, c'est le rêve d'une vie, celui de l'Argentine de Lionel Messi et celui de l'Allemagne de Thomas Müller, opposés dimanche dans un des lieux sacrés du football, le stade Maracana à Rio.

Ce rêve, la Seleçao aurait voulu le tutoyer. Mais le désir d'une sixième étoile à coudre sur le maillot auriverde s'est fracassé contre l'Allemagne en demi-finale (7-1) et a encore été un peu plus souillé samedi par les Pays-Bas, vainqueurs (3-0) du match pour la troisième place.

Près de 200 millions de Brésiliens fous de soccer assistent depuis les tribunes, devant des écrans géants, ou moins grands, au duel au sommet de deux bastions du foot qui les irritent. L'Argentine, car c'est un des grands rivaux dans cette région du monde, comme l'Uruguay. L'Allemagne, car c'est le bourreau qui a gâché la fête.

Les 22 finalistes s'en moquent comme de leurs premiers crampons. Il s'agit pour Messi ou pour Müller d'arriver au bout des sentiers de la gloire et de donner une troisième Coupe du monde à l'Argentine, une quatrième à l'Allemagne.

Soulever le trophée fera oublier tous les efforts et sacrifices endurés au long d'une saison harassante entre compétitions nationales et Ligue des champions, prolongée par la préparation pour l'épreuve reine au pays du «futebol» roi.

Messi s'est-il mis la pression?

Messi s'est-il mis la pression? Le quadruple Ballon d'Or a écrit sur sa page Facebook la veille du grand jour: «Nous jouerons le match le plus important de notre vie pour notre pays. Nous savions que c'était possible. Les gens de chez nous, les Argentins, nous ont portés jusqu' ici. Mais le rêve n'est pas fini. Nous voulons gagner et nous sommes prêts».

Comme en demi-finale face aux Pays-Bas (0-0, 4 t.a.b. à 2), le crack du Barça sera privé de l'un de ses lieutenants, le milieu de terrain Angel Di Maria. En phase de reprise après une blessure musculaire, il débutera le match sur le banc.

En attaque, Lavezzi a été de nouveau préféré à Agüero, qui relevait de blessure depuis la fin du premier tour, et n'était rentré qu'en fin de demi-finale. Le Parisien épaulera le capitaine Messi et Higuain.

Côté allemand, le sélectionneur Joachim Löw a reconduit dix des onze joueurs de la demi-finale, en 4-2-3-1, avec Klose en pointe, devant une ligne Müller-Kroos-Özil, et à la récupération la paire Schweinsteiger-Kramer, ce dernier remplaçant à la dernière minute Khedira.

La bande à Müller (5 buts dans le tournoi) a avancé jusqu'ici sans trop de poids sur les mollets. Car le monde entier s'est focalisé sur le naufrage de la Seleçao en demi-finale. Jusqu'à la veille de la finale. Où les questions ont fusé. Jamais une équipe européenne n'a été sacrée sur le continent américain.

Cet enjeu pimente-t-il davantage le plat de la Mannschaft? «Nous savons bien sûr que nous pouvons entrer dans l'histoire en faisant quelque chose qui n'est jamais arrivé, les Sud-Américains ont toujours dominé sur ce continent. Ce serait une joie supplémentaire si on devenait les premiers Européens à remporter le titre ici», a répondu Joachim Löw, coach allemand toujours mesuré, mais toujours aussi confiant.

Pour la presse argentine, l'Albiceleste joue face à l'Allemagne «le match de sa vie» avec des «rêves de gloire» tandis que le pays tout entier, «ému et anxieux», ne parle que de ça.

«Le match de leurs vies», titrait dimanche matin la version numérique du quotidien Olé, ajoutant que «la tension se ressentait dans tout le corps, même si d'autres seront sur le terrain». Les écrans géants ont fleuri dans tout le pays et à Buenos Aires commerces, supermarchés et petits cafés seront fermés deux heures avant le coup d'envoi.

Du côté de l'Allemagne, on vibre comme jamais derrière la Nationalmannschaft qui rêve de décrocher un quatrième titre de champion du monde, le premier depuis la réunification du pays en 1990.

«80,8 millions de coeurs battent aujourd'hui pour vous», titrait dimanche le quotidien Bild, le plus lu du pays, en consacrant sa une et... 54 pages à cette finale. Quelque 200 000 partisans devaient se rassembler devant la porte de Brandebourg à Berlin.

300 manifestants dispersés

Dans les tribunes, non loin de la légende Pelé, arborant un Polo aux couleurs d'une compagnie aérienne, il y a une grande fan de la Mannschaft, Angela Merkel. La chancelière allemande s'est installée la première en tribune d'honneur pour ne rien manquer de la cérémonie de clôture, plus d'une heure et demie avant le coup d'envoi. Elle a été rejointe par Sepp Blatter, président de la FIFA, et par le président russe Vladimir Poutine.

L'autre «match» se joue dans les rues autour du Maracana, où la police de Rio a dispersé avec des gaz lacrymogènes quelque 300 manifestants opposés à la Coupe du monde qui tentaient de forcer un cordon de sécurité pour s'approcher du stade, juste avant le coup d'envoi de la finale.

Les manifestants protestaient contre les sommes investies dans l'organisation du tournoi au détriment de l'amélioration des services publics (éducation et santé), au lendemain de l'arrestation de 19 activistes accusés de vandalisme lors de précédentes manifestations

Pour faire face aux manifestants et d'éventuels débordements, les grands moyens ont été déployés à Rio: 25 787 hommes seront mobilisés dont 14 984 policiers militaires, 9300 soldats, 800 policiers d'élite et 1600 agents privés de la FIFA à l'intérieur du Maracana.

Un dispositif plus important que celui mis en place pour la visite du pape François en juillet 2013 pour les Journées mondiales de la jeunesse catholique (JMJ) à Rio.