Le Brésil, «LE» pays du soccer, donne le coup d'envoi du Mondial à Sao Paulo jeudi sur fond de heurts entre la police et des manifestants, juste avant le match d'ouverture Brésil-Croatie.

Suivie par plus d'un milliard de téléspectateurs, la cérémonie d'ouverture a célébré la diversité culturelle du Brésil en fin d'après-midi, à l'Arena Corinthians, le stade de Sao Paulo de 61 600 places qui n'était encore qu'aux deux-tiers plein.

Pendant environ 25 minutes, quelque 650 danseurs ont mis en lumière la nature luxuriante et la diversité raciale et culturelle de ce pays de 200 millions d'habitants.

La cérémonie s'est achevée sur l'hymne du Mondial We are one, interprété par la star américaine Jennifer Lopez, la Brésilienne Christine Leitte et le rappeur Pitbull, qui portait le maillot du Brésil, comme la grande majorité des spectateurs. Le trio était accompagné par les Tambours afro-brésiliens d'Olodum.

Une douzaine de leaders mondiaux assistaient à la cérémonie, avec en tête le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon et la présidente du Brésil Dilma Rousseff.

Dans un contexte de grogne sociale à quatre mois de la présidentielle d'octobre, Mme Rousseff n'a pas fait de discours.

Cette cérémonie d'ouverture a été précédée d'affrontements sporadiques entre policiers et manifestants, dans la matinée et en début d'après-midi, à une dizaine de kilomètres du Stade. Les manifestants voulaient bloquer une grande avenue menant à l'Arena Corinthians.

Une journaliste américaine de CNN a été légèrement blessée par une capsule de gaz lacrymogène, a twitté le correspondant de la chaîne américaine à Sao Paulo.

Des affrontements violents ont ensuite éclaté entre un petit groupe de radicaux masqués et la police, en marge d'un rassemblement pacifique de quelques centaines de manifestants près des bureaux de la compagnie du métro de Sao Paulo.

Ces heurts sont intervenus alors que des appels à manifester ont concerné neuf des douze villes hôtes du Mondial, via les réseaux sociaux.

À Belo Horizonte, des agences bancaires et commerces ont barricadé leur devantures par craintes d'actes de vandalisme.

Une manifestation d'abord pacifique à Rio a fini également dans la confusion. Une autre manifestation était sur le point de débuter sur la plage de Copacabana, noire de suppporteurs brésiliens et d'autres pays, non loin du fan-fest de la FIFA.

Éviter la répétition de 2013

À 430 kilomètres de Sao Paulo, des grévistes de l'aéroport international Carlos Jobim/Galeao de Rio ont bloqué pendant un moment, la principale voie d'accès aux terminaux, provoquant un embouteillage et faisant manquer leur vol à des passagers. À Natal, une grève partielle des autobus a provoqué des files d'attente.

Cette agitation pour le moment d'ampleur limitée laisse planer la menace d'une réédition des manifestations historiques qui avaient enflammé le Brésil en juin 2013 en pleine Coupe des Confédérations, la répétition grandeur nature du Mondial.

En dehors de ces mouvements, l'ambiance était plutôt bon enfant au Brésil pendant la journée.

Dans le centre d'affaires de Rio, presque tout le monde, de l'employé(e) de bureau au livreur en bicyclette était vêtu de déclinaisons du drapeau national: jupes à rayures bleus et vertes, robes jaunes, t-shirts de Neymar...

Une grand drapeau du Brésil a été déployé aux pieds du Christ Rédempteur.

Le pape François a appelé de ses voeux «une fête de solidarité entre les peuples» et au respect mutuel des joueurs et supporters, dans un message en portugais à destination des médias brésiliens.

Ce Mondial constitue un défi immense pour le géant émergeant d'Amérique latine, après sept ans de préparation laborieuse et troublée.

Ce pays continent de 200 millions d'habitants devra démontrer qu'il est capable d'organiser un événement sportif majeur, quatre ans après le succès du Mondial en Afrique du Sud.

Les organisateurs doivent lever les premiers doutes dès l'arrivée des spectateurs dans l'Arena Corinthians, qui symbolise les soubresauts traversés depuis la désignation du pays en 2007.

La Seleçao détient la clé

Le stade, dont la livraison à la FIFA était initialement prévue en décembre 2013, est à peine terminé. La construction a été interrompue à de multiples reprises et trois ouvriers sont morts sur ce chantier interminable.

Le match d'ouverture du Mondial servira de «test» à pleine capacité, dans des domaines aussi cruciaux que la circulation et l'orientation des flux de spectateurs (61 600), l'accès des équipes dans un environnement saturé ou la sécurité.

À Sao Paulo, qui s'est réveillée sous un grand ciel bleu, la journée a été décrétée fériée. Et la circulation, d'ordinaire chaotique, était plus fluide que d'habitude dans le centre-ville.

Dans un pays où le football est considéré comme une véritable religion, les Brésiliens attendent de belles victoires de la «Seleçao» locale, dirigée par le débonnaire Luiz Felipe Scolari, qui avait largement contribué à coudre une cinquième étoile sur le maillot auriverde en 2002, avec la génération Ronaldo.

Celui que l'on surnomme «Felipao», soutenu par 68% des Brésiliens, a enfilé les habits de prêcheur. «À tous les Brésiliens, je veux dire que l'heure est arrivée. Nous sommes tous ensemble. C'est notre Coupe du monde», a-t-il lancé lors de la conférence de presse d'avant-match mercredi soir.

Jeudi matin, tous les médias étaient sur le pied de guerre pour la «Copa do Mundo».

«L'heure est venue», titrait notamment le grand quotidien O Globo, alors que le journal sportif Lance! clamait «Nous sommes tous le Brésil». De son côté, Folha de Sao Paulo pointait «Une Seleçao en forme et une organisation en berne».

Une victoire face à la Croatie permettrait à la Seleçao d'entamer de manière idéale son Mondial.

Mais aussi de donner un élan à l'événement en faisant se lever une vague d'enthousiasme dans tout le Brésil, après les polémiques sur l'attribution du Mondial 2022 au Qatar et les histoires de gros sous qui ont pollué le Congrès de la FIFA au cours des dernières 48 heures à Sao Paulo.

Les différends à la FIFA ont d'ailleurs connu un nouveau développement jeudi: quelques heures avant l'ouverture du mondial. Michel Platini, président de l'UEFA, a annoncé qu'il ne soutiendrait pas Joseph Blatter, président de la FIFA qui ne cache plus ses envies de 5e mandat, même s'il respectait l'homme.

Photo Miguel Schincariol, AFP

Des affrontements ont éclaté entre la police et des manifestants, à Sao Paulo, à quelques heures du coup d'envoi du Mondial.