La pression croît sur le sélectionneur italien Marcello Lippi: alors que son équipe peine à convaincre qu'elle sera en mesure de défendre son titre lors du Mondial en Afrique du Sud, médias et politiques le pressent d'appeler le jeune attaquant d'origine ghanéenne Mario Balotelli.

Mercredi soir, les Azzurri ont concédé un triste match nul face au Cameroun (0-0) en amical. Naturellement, Lippi n'a rien fait pour lever les doutes sur une équipe où les cadres champions du monde vieillissent et les plus jeunes tardent à s'imposer.

Quelques heures auparavant, Balotelli, 19 ans, a réalisé un match plein avec la sélection Espoirs, contribuant largement, même sans marquer, au succès face à la Hongrie (2-0). Trois jours auparavant, il avait déjà été excellent avec l'Inter face à l'Udinese (victoire 3-2) avec un but et une passe décisive.

Autant d'arguments pour ceux, de plus en plus nombreux, qui pressent Lippi d'appeler «Super Mario», ce que l'intéressé n'a jamais fait, évoquant simplement à son propos «le futur» et le fait qu'il devait encore «apprendre». Aujourd'hui, il semble bien être le dernier à ne pas être convaincu.

Ainsi ses prédécesseurs à la tête de la Nazionale Enzo Bearzot, vainqueur du Mondial-82, et Arrigo Sacchi, finaliste du Mondial-90, disent tout le bien qu'ils pensent d'un joueur qui, à même pas 20 ans, est décisif dans les succès de l'Inter depuis deux saisons.

«Mario est un talent unique, écrit Sacchi dans sa chronique à La Gazzetta dello Sport. C'est un bon garçon, dont les comportements ne sont pas toujours très matures, mais ce n'est pas quelqu'un qui rompt l'harmonie d'un vestiaire et du jeu. C'est un pari mais sans contre-indications. Penses-y, Marcello».

«Génération Balotelli»

Les médias sont à l'unisson: ainsi mardi, sous une photo en Une du nouveau maillot azzurro, la Gazzetta titrait: «Lippi, tu en donneras un comme ça à Mario aussi?». Et dans le Corriere della Sera, le célèbre éditorialiste Mario Sconcerti a appelé le sélectionneur à passer outre la personnalité «introvertie et ombrageuse» du joueur pour donner «de l'espace aux différences».

Car au-delà de son talent et nonobstant son attitude quelquefois agacante sur le terrain, Balotelli est le symbole évident d'une Italie tolérante et multiethnique, très loin de celle qui le couvre de cris racistes dans les stades ou, pire, qui fait «la chasse» aux immigrés à Rosarno en Calabre (sud).

Ainsi le président de la Chambre des députés, et allié de Silvio Berlusconi, Gianfranco Fini évoque-t-il la «génération Balotelli» lorsqu'il propose de légiférer sur la citoyenneté des immigrés. La gauche, elle, a toujours soutenu le joueur lorsqu'il était victime d'insultes et de cris xénophobes.

Chose rare, Balotelli réussit même à réunir tout le spectre politique autour de sa personne, puisque vendredi «La Padania», le quotidien de la Ligue du Nord, pourtant réputée pour ses positions dures sur l'immigration voire hostiles, a exalté la sélection Espoirs «multiethnique» - où figurent deux autres joueurs d'origine africaine, Stefano Okaka et Angelo Ogbonna - tout en appelant Lippi à sélectionner Balotelli afin de «rééquilibrer» l'équipe.