Toujours fidèles. Depuis leur fondation en 2002, les Ultras montréalais ont fait honneur à leur devise. Des matchs anonymes au complexe Claude-Robillard aux grands rendez-vous en Ligue des champions, ces irréductibles partisans ont continuellement soutenu l'Impact aux moyens de chants, drapeaux et autres animations visuelles. Pascal Milano nous fait découvrir cette culture après avoir suivi les Ultras durant un match local de l'Impact.

23 avril, 13h45. Les écharpes sont nouées autour du cou et les drapeaux flottent dans les airs. Se faufilant à travers les rues du quartier Hochelaga-Maisonneuve, la centaine d'Ultras donnent de la voix en guise d'échauffement. Dans moins d'une heure, ils auront un rôle important à jouer au Stade Saputo: celui du 12e joueur.

Plus encore qu'à l'habitude, l'excitation est palpable au sein du groupe, à l'occasion de l'ouverture locale de l'Impact, face au FC Tampa Bay. Malgré la pluie fine et le fort vent, il n'est pas question de déroger à la tradition. Avant chaque match à domicile, les Ultras effectuent la courte marche qui sépare la Brasserie 99 du Stade. Et comme chaque fois, ils ne passent pas inaperçus.

«C'est assez marrant. On passe dans des rues résidentielles et les gens sortent sur leurs balcons pour prendre des photos et faire des vidéos, explique Éric, l'un des deux porte-parole du mouvement. C'est assez bien accepté, même si on interrompt un petit peu la circulation. Les gens autour du 99 et du Stade olympique sont habitués de nous voir.»

Sans grande surprise, le groupe est dominé par des hommes âgés de 18 à 35 ans. Il compte toutefois sa part d'adolescents, de jeunes femmes et de partisans aux tempes un peu plus grises. Le français y est parlé majoritairement, même si quelques anglophones font également partie du mouvement montréalais. Toutes ces différences s'estompent cependant devant l'objectif commun: soutenir activement l'Impact.

«C'est une mosaïque. Il y a beaucoup d'universitaires de tous les milieux, de toutes les langues et de toutes les origines. Un de nos capos est innu, indique Christian, le second porte-parole.

«Ce que j'aime du mouvement ultra, c'est qu'on ne te juge pas si tu es beau ou pas, si tu as la belle bagnole, le bon salaire. Cela vient des fondements du mouvement, qui est très égalitaire», ajoute celui qui occupe un poste important au sein d'une entreprise montréalaise.

S'ils font partie du décor du parc olympique depuis l'inauguration du Stade, au printemps de 2008, les UM02 ont été fondés - tel que le laisse deviner le nom - en 2002. Avec comme point de départ un match face à Toronto durant lequel les partisans de la Ville reine ont vocalement gagné la bataille des tribunes.

Si lors des matchs importants de l'Impact au Centre Claude-Robillard, les Ultras n'étaient pas plus de 80, ils ont petit à petit gagné en nombre. L'inauguration du Stade y a contribué tout comme le fait de se voir assigner une section dans le stade. La 114, tout juste derrière le but qui fait face à la Tour olympique.

«C'est certain que cela nous a aidés, explique Éric. Cela nous a donné de la visibilité à la télévision et cela a pu attirer les curieux. Mais ce qui nous a aidés le plus, c'est la Ligue des champions. Visuellement, cela nous a permis de faire de beaux tifos (voir lexique) et de connaître une belle progression en 2008.»

Ils étaient d'ailleurs 700 face à Santos Laguna, en quarts de finale de Ligue des champions, en février 2009, au Stade olympique.

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14h00. Après être passé devant le Biodôme, le groupe remonte la petite pente qui mène à l'entrée principale du Stade. Le contraste est saisissant entre le public plutôt familial du Stade et les Ultras qui enchaînent les chants au rythme d'un tambour et réagissent à chaque intervention du capo, muni d'un mégaphone.

«Oui, on peut impressionner, mais ça fait partie de la game, souligne Eric. Si on arrive tous au stade en nous tenant la main et en chantant de belles petites chansons, l'équipe adverse n'aura pas peur de nous. On a un rôle d'intimidation, tout comme celui de galvanisation de nos propres troupes.»

Si le spectateur nord-américain est plutôt passif dans son rapport à l'évènement sportif, l'essence même de l'Ultra est de se placer au centre. Beau temps, mauvais temps, résultat favorable ou non, il chante, saute et applaudit pendant 90 minutes. D'où les raccourcis idéologiques qui peuvent surgir dans les perceptions du grand public qui fréquente peu ou pas du tout les stades de soccer.

«Les gens ne sont pas habitués à voir ce genre de soutien dans les tribunes, croit Christian. Ils font le rapprochement entre hooliganisme et Ultras car leurs seules références sont les grands drames comme le Heysel ou Hillsborough. En Europe aussi, la perception pouvait exister au début du mouvement, mais cela a beaucoup changé aujourd'hui. Les gens font la différence entre un soutien actif en tribunes et le hooliganisme.»

Bernard Brault, La Presse

Agissant comme un chef d'orchestre et tournant le dos au terrain, le capo lance les chants et les chorégraphies, armé d'un mégaphone.

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14h45. Après six mois d'attente, le grand moment arrive. Les joueurs de l'Impact pénètrent sur le terrain au son de la chanson Wake Up d'Arcade Fire. Les Ultras ont également prévu un accueil spécial avec notamment une voile de plus de 20 mètres. Sauf que les bourrasques de vent empêchent son déploiement, balayant du même coup la douzaine d'heures nécessaire à sa préparation.

Car le travail d'un Ultra ne se limite pas au kop les jours de matchs. Il comprend l'implication dans la gestion du site et du forum internet, la réalisation de vidéos, la confection et la vente d'écharpes ou de t-shirts qui permettent au groupe de s'autofinancer.

Mais c'est bien connu, quand on aime, on ne compte pas. «On n'a pas de saison morte, affirme Éric. Les joueurs arrêtent de jouer, mais pas nous. Je n'ai pas arrêté depuis 2005. À part quand je pars en vacances où je décroche, j'ai toujours ça en tête.»

Éric fait d'ailleurs partie des trois capos qui se relaient durant le match. Agissant comme un chef d'orchestre et tournant le dos au terrain, c'est lui qui lance les chants et les chorégraphies. Armé d'un mégaphone, il n'hésite pas à ramener à l'ordre les éléments trop passifs en ce premier match de la saison. Le tout dans une ambiance bon enfant, très loin des dérives qui peuvent survenir dans certains stades d'Europe et d'ailleurs. Pas ou peu d'écart de langage et encore moins de revendications autres que sportives.

«Un commentaire raciste en tribune, ça ne passe pas, explique Christian. On est capable d'exclure assez rapidement les gens qui commettent des imbécilités.

«On a voulu fonder un groupe à priori apolitique. Sauf lors des déplacements, on a toujours banni les drapeaux du Québec et du Canada parce qu'ici, on leur rattache une connotation trop politique à notre goût. On n'est ni un groupe à tendance de droite, ni de gauche. On a voulu évacuer cette dimension-là.»

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L'après-midi se termine sur un triste 0-0. Pour certains Ultras, l'heure est à la troisième mi-temps où l'on refait le match et où l'on aborde l'avenir. Que ce soit le court terme avec les prochains matchs au Stade et bien sûr 2012 qui verra l'Impact faire son entrée dans la MLS. Avec quelles conséquences pour les Ultras?

«On pense que notre groupe va grandir, mais on pense qu'il va y avoir d'autres groupes de supporters qui ne voudront peut-être pas se réclamer du mouvement ultra et qui vont prendre leur place dans le stade», soutient Christian.

Avec comme doux rêve, la présence de deux kops qui se répondent à tour de rôle durant les matchs: «Aux armes, nous sommes Montréalais...»

Bernard Brault, La Presse

Si le spectateur nord-américain est plutôt passif dans son rapport à l'événement sportif, l'essence même de l'Ultra est de se placer au centre.