Le mythe d'une équipe de France soudée, fabriqué autour du leitmotiv «le groupe vit bien», a volé en éclat samedi au Mondial, avec la révélation des insultes proférées contre Raymond Domenech par Nicolas Anelka, finalement exclu du groupe dans la soirée.

«Devant le refus du joueur de se livrer à des excuses publiques», le président de la Fédération française de football (FFF) Jean-Pierre Escalettes «a pris la décision en plein accord avec le sélectionneur et les membres de la délégation présents à Knysna d'exclure Nicolas Anelka du groupe».

Cette sanction a été prise après que le journal l'Équipe ait raconté, samedi, une altercation de vestiaire, survenue jeudi soir. «Anelka aurait dû être dans l'avion dès vendredi matin, puisque ça s'est passé jeudi soir. Pourquoi attendre que l'histoire soit sortie dans la presse?», s'est étonné Bernard Saules, membre du conseil fédéral de la FFF.

Éliminer le traître

Patrice Evra, capitaine des Bleus, a regretté le départ d'Anelka et a réagi en chef de bande, en colère à l'idée d'une taupe dans le vestiaire parlant à la presse: «Le problème de l'équipe de France n'est pas Anelka, mais le traître qui est parmi nous. Il faut éliminer ce traître du groupe (...) Cela vient de quelqu'un qui est dans le groupe et qui veut du mal à l'équipe de France».

Evra a conclu en disant qu'il ne pouvait plus dire que le groupe était sain avec ces fuites. L'ambiance au Pezula, l'hôtel cinq étoiles des Bleus au bord de l'Océan Indien, va devenir vraiment pesante avec cette chasse au traître...

Selon le journal l'Equipe, Anelka a lancé au sélectionneur national: «Va te faire enculer, sale fils de pute», lorsque Domenech lui a reproché son positionnement tactique à la mi-temps du match France-Mexique.

«Ce ne sont pas mes mots», a affirmé Anelka à France-Soir. M. Escalettes a assuré que ces propos, maugréés mais «audibles», n'étaient pas tout à fait exacts, mais que la «teneur» était la même.

Sarkozy: «inacceptable»

Après cet accrochage et le remplacement d'Anelka par Gignac, la France a encaissé deux buts en seconde période (64e et 79e minutes) et s'est inclinée 2 à 0, compromettant sérieusement ses chances de qualification pour les huitièmes de finale.

Dans un communiqué très sec publié à la mi-journée samedi, Roselyne Bachelot, ministre de la Santé et des Sports, a appelé à la décence: «Les joueurs doivent se rappeler qu'ils portent les couleurs de la France et qu'ils sont considérés comme des modèles par beaucoup de jeunes. Cela les oblige à la retenue et à la dignité».

Anelka a toujours eu des rapports conflictuels avec les sélectionneurs en équipe de France. En août 2003, il avait déclaré dans l'hebdomadaire Paris Match à propos de Jacques Santini: «Je n'ai pas besoin de l'Équipe de France. Qu'il s'agenouille devant moi, s'excuse d'abord, et après je réfléchirai».

L'attaquant avait lancé au début de l'ère Domenech: «Je pense que je ne reviendrai pas en bleu tant que Raymond Domenech sera en place. Même quand il y a 60 000 blessés, il ne me prend pas!». Puis, le joueur avait fait amende honorable et, le 5 octobre 2006, Raymond Domenech l'avait rappelé dans le groupe France.

Depuis, le joueur semblait apaisé. Mais sur le terrain, en préparation et en Coupe du monde, il est soudainement redevenu cet individualiste, jouant à contre-courant de l'attaque.

Ces insultes ont provoqué un tollé en France et le président Nicolas Sarkozy a qualifié ces propos «d'inacceptables».

Michel Hidalgo, ancien sélectionneur des Bleus (1976-1984), a estimé pour sa part qu'Anelka «ne doit plus porter le maillot de l'Équipe de France. «À mon avis, il ne portera plus jamais ce maillot», a-t-il ajouté. À 31 ans, c'était sans doute sa première et dernière Coupe du monde.