Entendu par la police dans une affaire de moeurs, suspendu mercredi pour faute sur le terrain, le meneur de jeu aggrave le malaise au sein de l'équipe de France.

Rien ne va plus pour Franck Ribéry. Et donc pour l'équipe de soccer de France, dont il est devenu la vedette (plus ou moins) incontestée depuis le départ à la retraite de Zinédine Zidane. À un peu plus d'un mois du Mondial qui doit avoir lieu en Afrique du Sud, les ennuis de l'attaquant du Bayern de Munich ne pouvaient pas plus mal tomber pour les Bleus.

 

Cela fait au moins 18 mois que les joueurs français n'ont guère brillé dans les compétitions internationales. De peine et de misère, ils ont obtenu, il y a trois mois, leur qualification pour le Mondial en battant in extremis la petite équipe d'Irlande, mais grâce à une faute de la main de Thierry Henry dans la phase de jeu décisive. Que le monde entier a vue et revue depuis sur l'internet. Ce douteux exploit n'a pas aidé les choses pour l'entraîneur Raymond Domenech, dont beaucoup ont réclamé avec insistance le départ. En vain. C'est dans un climat plus que morose que les Français se préparaient pour la grand-messe en Afrique du Sud.

Ce qui est devenu «l'affaire» Ribéry est peut-être en train de transformer le malaise ambiant en psychodrame national. Tout a commencé le 13 avril dernier, avec une descente de police au Zaman Café, boîte de nuit huppée des Champs-Élysées à Paris. Dix-neuf jeunes femmes, interrogées, reconnaissent pratiquer la prostitution «de luxe», à raison de 1000 ou 2000 la «passe». L'une d'elles, Zahia D., âgée de 18 ans, révèle le nom de trois de ses clients: trois footballeurs membres de l'équipe de France, dont Franck Ribéry.

L'information ne filtrera dans les médias que le lundi 19 avril: Ribéry a bel et bien été entendu par la police au cours de la semaine dernière. Il aurait reconnu avoir eu des relations avec Zahia D., lui avoir à tout le moins payé son voyage et son séjour à Munich. Des révélations embarrassantes, en particulier pour une star du foot qui a bâti son image sur des origines extrêmement modestes à Boulogne-sur-Mer, sur une vie de famille simple et exemplaire, notamment avec sa femme, Wahiba, qu'il fréquente depuis l'âge de 15 ans, et pour qui il s'est converti à l'islam en 2006. Mais jusque-là, cela relève de la vie privée et reste parfaitement légal.

Léger problème: la jeune femme avait forcément 17 ans au moment des faits reconnus par Ribéry lui-même, et toute relation avec une prostituée de moins de 18 ans constitue un délit puni par une peine allant jusqu'à trois ans de prison. Encore faut-il établir que le client connaissait l'âge de la fille: Zahia soutient que Ribéry n'était pas au courant. Et celui-ci a confirmé qu'il ignorait tout de la minorité de la jeune femme.

Il n'empêche que le trouble a été jeté sur le monde du soccer français. Au Bayern de Munich, dont il est actuellement l'attaquant vedette, Franck Ribéry est devenu la cible de tous les regards. Et des journaux allemands à grand tirage, dont le Bild, qui a produit à la une un photomontage de Ribéry et de Zahia D. Apparemment serein et détendu jeudi, lors de la séance d'entraînement de son club à Munich, Ribéry avait pourtant commencé par briller par son absence lors de la traditionnelle conférence de presse du Bayern précédant le match aller contre Lyon comptant pour la demi-finale de la Ligue des champions. Et, le soir même, à la 37e minute de la partie, il a commis sur un joueur adverse une faute grave qui a entraîné son expulsion définitive pour les matchs aller et retour. Signe de nervosité, à tout le moins, ont noté les spécialistes.

Pour l'équipe de France, déjà bringuebalante sous la direction de Raymond Domenech, cette affaire de moeurs - même si elle ne tourne pas au feuilleton judiciaire - porte indéniablement un coup supplémentaire au moral des troupes. Dont Ribéry doit être le meneur de jeu, de fait sinon en titre.

Affaire d'autant plus embarrassante que, dans ses déclarations à la police, Zahia D. a mis en cause une autre vedette du soccer: Karim Benzema, qui joue actuellement au sein du Real Madrid, l'un des clubs les plus prestigieux d'Europe. À l'époque des faits supposés, Zahia D. avait 16 ans. Encore là, il faudrait prouver que le joueur connaissait l'âge de la prostituée. Ce qui paraît difficile. Cependant, même s'il n'y a aucune suite judiciaire, ces révélations jettent un éclairage pas vraiment flatteur sur les Bleus.

Il reste l'hypothèse la plus grave: au vu du dossier - où quatre proxénètes supposés sont déjà en détention provisoire -, un juge d'instruction pourrait décider, dans un avenir proche, de mettre les deux vedettes du ballon rond en examen. Dans ce cas, Raymond Domenech pourrait-il décemment les sélectionner pour l'Afrique du Sud?

Comme l'a dit hier un supporteur fidèle de l'équipe de France: «Les Bleus n'avaient vraiment pas besoin de ça!»