Grand joueur mais homme discret, Andres Iniesta ne passera plus jamais inaperçu: il s'est réveillé sur la fin du match ce dimanche et a fait basculer l'Espagne dans le rêve en marquant l'unique but en finale du Mondial-2010 contre les Pays-Bas (1-0).

Cent seizième minute. Fabregas, devant la surface de réparation, décale Iniesta à droite qui d'un contrôle orienté se met dans le bon sens et exécute Stekelenburg d'une frappe à mi-hauteur du droit. L'Espagne est championne du monde, et Iniesta en est le héros. Son 8e but en 49 sélections était le bon.

L'«Accélérateur de particules» a pourtant mis du temps. Il est sorti de sa torpeur dans le dernier quart d'heure du temps réglementaire, pour grappiller des fautes, insuffler du mouvement, proposer des solutions.

Pourtant, déjà lancé par Fabregas, il oublie ses partenaires démarqués et tergiverse, si bien que Van Bronkhorst éloigne le danger pour les Pays-Bas (99e). Mais ce n'était qu'une mise en jambes pour ce milieu offensif polyvalent de 26 ans, au physique d'enfant malingre (1,70 m, 65 kg).

Il marque peu de buts (un seul en championnat cette saison), mais son rendement dépasse la simple comptabilité statistique. Lui, son truc, c'est les passes. Il est le principal représentant avec Xavi, son compère du Barça, du «tiqui-taca», ce jeu de passes courtes sur fond de possession hégémonique de la balle devenu la marque de fabrique de la Roja.

Comme un symbole, c'est lui qui marque l'unique but contre l'Angleterre (1-0) en amical, à Manchester en février 2007. «Une période merveilleuse a commencé à partir de ce jour-là et nous espérons qu'elle dure longtemps, avait-il commenté. A Manchester est née une nouvelle ère, la période qu'on connaît sous le nom de tiqui-taca et de laquelle nous sommes tous fiers.»

Discrétion

«La Seleccion était en quête d'un nouveau style, d'un jeu de passes, avait-il ajouté. Ç'a été le point de départ, mais tout ce qu'on a réussi après, y compris l'Euro, est beaucoup plus important.»

Cette victoire allait propulser l'Espagne vers les sommets, de l'Euro-2008 au Mondial-2010, en passant par le record de 35 matches consécutifs sans défaite, comme le Brésil 1993-1996.

Le record de victoires consécutives s'arrête à 15 unités en demi-finale de la Coupe des Confédérations contre les États-Unis (2-0). Justement, Iniesta n'avait pu participer au tournoi, blessé. Et contre la Suisse lors du premier match (0-1), la deuxième défaite de la Roja depuis fin 2006, il doit quitter ses partenaires en boitant à la 77e minute.

Son importance ne se démentira pas... Il était pourtant souvent le grand oublié des récompenses. En 2008, le nom d'un des artisans majeurs du titre de champion d'Europe n'apparaît même pas parmi les nommés pour le Ballon d'Or ! Plusieurs joueurs professionnels s'étaient émus de cet oubli.

Sa discrétion le rend-elle transparent, sa pâleur peut-être? Il est souvent chambré pour ce teint blafard. Quand le gardien remplaçant Reina présente les 23 champions d'Europe un par un sur une estrade devant tout Madrid et en direct à la télévision, il lance pour Iniesta: «Avec le 6, l'homme qui s'est fâché avec l'astre roi, qui n'était pas en bons termes avec le soleil, Andres... Iniesta !»

Son village de Fuentealbilla (en Castilla-La Manche), lui, ne l'oublie pas, et inaugure une rue Andres Iniesta en juillet 2008. Il reste à lui élever une statue.