À première vue, la trentenaire assise tout près de l'écran géant du Bier Markt a tout de la partisane belge classique. Pour ce huitième de finale - que les Diables Rouges ont finalement remporté 4-0 contre la Hongrie -, elle porte un chandail de la sélection et arbore, à l'occasion, un chapeau de cowboy noir, jaune et rouge. Elle célèbre les buts avec passion, grommelle devant le nombre d'occasions ratées et craint, alors que le score est longtemps bloqué à 1-0, que la Hongrie ne revienne au score.

Simple attachement à une équipe belge qui n'a jamais possédé une telle génération dorée? Pas tout à fait, puisque Diana Ciman, numéro 23 dans le dos, suit également la compétition avec la perspective de femme de joueur.

«Je vis le match de la même manière qu'il soit sur la pelouse ou pas. Évidemment, c'est encore plus stressant s'il joue, mais je garde la même effervescence», confie l'affable compagne du joueur de l'Impact, tout juste avant le coup d'envoi.

Sitôt le match terminé, elle échange quelques messages textes avec lui. À distance et malgré un horaire très chargé, le défenseur trouve des petits moments pour partager ses émotions et prendre des nouvelles de sa petite famille.

Car si la vie d'un joueur professionnel est forcément jalonnée d'absences, que ce soit lors des stages de pré-saison ou des nombreux déplacements, rien n'atteint la dimension d'un long tournoi international.

Il y a deux ans, Mme Ciman ne s'était pas rendue au Brésil puisque son deuxième enfant, Achille, n'était âgé que de 6 mois. Le sélectionneur Marc Wilmots avait, de toute façon, limité les rencontres familiales pour ses troupes.

«Cette fois-ci, je ne pouvais pas m'absenter pour aller en Europe. J'ai mes deux enfants qui ont besoin de moi. Comme ils passent avant tout, je suis restée à la maison pour être près d'eux.»

« Ça commence à devenir très, très long. Je commence à devoir parler de gestion au niveau des enfants, parce que ça devient très difficile émotionnellement de vivre avec l'absence de leur père », explique-t-elle.

«C'est le manque du papa. Mais c'est une histoire fantastique et trois semaines ou un mois dans une vie, ça passe très vite au bout du compte.»

Solidaire

En tout début de compétition, l'Agence France-Presse avait d'ailleurs fait de Ciman la « première belle histoire de l'Euro ».

Avouons-le, le défenseur de l'année dans la MLS revient de loin.

Encore au début du mois de mai, il semblait victime de l'éloignement sportif et du choix, de Wilmots, de se tourner vers des défenseurs plus jeunes. Une série de blessures lui a alors ouvert la porte alors qu'il était seulement dans le groupe des réservistes.

«Au début, c'est vrai qu'il y a eu la déception parce qu'avec l'absence de [Vincent] Kompany, il s'imaginait avoir des chances d'y aller, décrit sa femme. Il a eu une grosse déception quand il n'a pas entendu son nom, mais Laurent est quelqu'un qui relativise très vite les choses. Il s'est dit: "Voilà, il y a pire que ça, ce n'est pas grave". Après, on est allés de surprise en surprise. Il a été appelé, il a marqué le but de la victoire contre la Norvège et il a joué contre la Grande Italia.»

Ciman n'a plus été aligné depuis cette entrée en matière, au poste d'arrière droit, où il avait pourtant été plus que correct. Hier encore, son successeur Thomas Meunier a livré un match propre et s'est installé comme titulaire dans ce tournoi.

«Laurent, c'est quelqu'un qui respectera toujours les choix de son coach. C'est certain qu'il ne doit pas vivre ça de façon encourageante parce qu'il était content de lui après le match contre l'Italie. Sa prestation a été à la hauteur contre un grand adversaire. Mais il reste solidaire et il se tient prêt pour le coach

Justement, Wilmots devra revoir la composition de son quatuor défensif, pour le quart de finale contre le pays de Galles, après la suspension de Thomas Vermaelen. Il devra notamment choisir entre Ciman, le plus expérimenté, Jason Denayer ou Jordan Lukaku.

Démonstration

Dans une partie de tableau assez favorable, la Belgique a une belle carte à jouer après sa démonstration contre la Hongrie.

La maladresse dans la finition l'a longtemps empêchée de plier le match et de prendre le large, hier. Le dernier quart d'heure, avec trois buts belges, reflète davantage un match bien maîtrisé qui la place finalement à la hauteur des attentes initiales.

Doit-on demander à Diana Ciman si son conjoint et les autres diables iront jusqu'au bout? «En étant la plus objective du monde, j'aimerais que ce soit la Belgique, évidemment. Mais je pense que l'Italie est très forte avec son entraîneur [Antonio] Conte, qui est très tactique et qui propose une intelligence dans sa composition et ses choix de jeu.»

Belgique-Italie, voilà une confrontation qui ne pourrait pas survenir avant la finale, le 10 juillet au Stade de France. Une victoire conclurait parfaitement la belle histoire des Ciman même si les rêves en rouge, eux, ne sont pas prêts de s'évaporer.

«La Coupe du monde est dans deux ans et il ne sera pas si vieux. Je suis très optimiste. S'il continue à faire de belles saisons avec l'Impact, parce qu'il ne faut pas oublier qu'il a apporté la MLS en Europe, je me dis qu'à 32 ans, il a toutes ses chances d'aller au Mondial [2018].»