Dans une banlieue ouvrière de Berlin, Franz, l'employé de bureau et Stefan, l'étudiant en informatique détachent la vieille pelouse du stade en larges rouleaux, tandis que Gisela la caissière de supermarché peint les tribunes.

Depuis juin 2008, quelque 1600 supporteurs du FC Union Berlin ont retroussé leurs manches pour moderniser le rustique Stadion an den Alte Foersterei (littéralement, stade près de la vieille maison forestière), situé à Köpenick, dans la banlieue est de la capitale allemande.

Ils veulent offrir à ce club atypique de l'ex-RDA un stade flambant neuf pour son retour en 2e division.

«C'est une opération unique en Allemagne et a priori dans le monde. On n'a pas vraiment eu le choix, mais ces travaux collent bien à l'image et à l'histoire de notre club», souligne Christian Arbeit, le porte-parole du FC Union.

«Les autorités nous ont dit que le stade n'était plus conforme. Elles pouvaient nous donner un autre stade, mais on aurait perdu notre stade, nos racines, et c'était impensable, surtout pour aller dans le stade occupé jusqu'en 1990 par le BFC Dynamo», explique M. Arbeit.

Avant la réunification allemande, le BFC Dynamo, club soutenu par la Stasi, la police secrète est-allemande, et sacré champion de RDA à dix reprises, était l'ennemi honni du FC Union qui, lui, n'avait pas les faveurs du régime et n'a jamais remporté le moindre trophée.

Expressionniste

«On était le club des opposants, on est aujourd'hui hostile au football commercial. On ne veut pas de ce football de m...e, avec des cheerleaders», s'emporte celui que tout le monde connaît sous le nom d'Andora.

Ce peintre expressionniste, supporteur du club depuis 1968, est venu de Vienne pour participer pendant une semaine aux travaux de construction et se retrouve à... barbouiller de rouge, la couleur du FC Union, les grilles des tribunes.

«Il fallait être là, ce qui se passe en ce moment va décider de l'avenir du club pour les 20 à 30 prochaines années», martèle-t-il, coiffé d'un chapeau portant la devise du club «Einmal Unioner, immer Unioner» (unioniste un jour, unioniste toujours).

Franz a fait des heures supplémentaires pour pouvoir apporter sa contribution même si, il l'avoue volontiers, il n'est pas vraiment bricoleur: «C'était un besoin pour moi d'être là», souligne ce costaud de 30 ans.

«Deuxième famille»

Chaque matin, ils sont entre 30 et 50 à se présenter aux chefs de chantier, les seuls professionnels du bâtiment, avec la société en charge de la construction des toitures des tribunes.

Grâce à ses supporteurs acharnés qui avaient réussi à sauver leur club de la faillite en 2005 notamment en donnant leur sang, le FC Union a économisé 2 M EUR en frais de personnel sur un budget total de cinq millions.

La nouvelle enceinte avec ses tribunes de béton d'une capacité de 23.500 places et son système de chauffage de la pelouse, sera inaugurée début juillet lors d'un match amical contre le Hertha Berlin, actuel 3e du Championnat de 1re division.

Les joueurs ont eux aussi apporté leur pierre à l'édifice en dominant de la tête et des épaules le Championnat de 3e division.

Le FC Union, dont le titre de gloire est une finale de Coupe d'Allemagne perdue en 2001 contre Schalke 04, continue de faire rêver Bernd Raasche qui, comme tous les bénévoles, recevra en récompense deux billets d'entrée pour le match inaugural.

«Ce club, c'est ma deuxième famille. Quand j'ai épousé ma femme, je lui ai dit que rien n'avait d'importance, sauf le FC Union», sourit le retraité en charge de la surveillance du chantier.