(Malmö) Avec beaucoup d’amour mêlé d’un soupçon de haine, la Suède a salué lundi la retraite de son « plus grand footballeur de l’histoire » Zlatan Ibrahimovic, enfant terrible qui a « influencé toute une nation ».

Ces sentiments mêlés résument la relation tumultueuse qui a uni la Suède et Ibrahimovic, fils d’immigrés yougoslaves d’une cité de Malmö devenu en 41 ans le Suédois vivant le plus connu à travers le monde, plébéien des quartiers autoproclamé « roi ».

Star perçue comme arrogante et grande gueule aux sorties fracassantes dans un pays qui élève la modération et le collectif au rang de vertus cardinales, « Zlatan » a été, dans son pays, adulé autant qu’il a agacé.

« C’est très triste qu’il arrête. C’est la fin d’une ère », dit à l’AFP Mohammed Salem devant le stade du Malmö FF, où le jeune « Ibra » entama sa carrière de professionnel en 1999-2001.

Le sélectionneur de l’équipe nationale, Janne Andersson, l’a adoubé « plus grand joueur suédois de tous les temps ».

Celui qui avait réussi à mettre un terme à la bouderie entre Zlatan et la sélection en 2021 a rendu hommage dans un communiqué « à un athlète et un sportif hors du commun, un footballeur unique ».

Le premier ministre conservateur Ulf Kristersson a lui salué « une fierté zuédoise » (sic), avec ce Z distinctif du joueur que les Suédois ont du mal à prononcer.

Nul autre endroit que Malmö, où il a grandi dans le quartier difficile de Rosengård, n’incarne mieux les contradictions du personnage.

Zlatan l’a d’ailleurs dit lui-même : « Vous pouvez sortir un gars de Rosengård (banlieue de Malmö, NDLR), mais vous ne pourrez jamais faire sortir Rosengård de lui ».

La ville du sud de la Suède a du mal à lui pardonner d’avoir investi fin 2019 dans un club rival de Stockholm, un acte de trahison absolue pour celui qui était jusque là son héros sans rival.

Statue au rancart

Installée peu auparavant, la statue du joueur a été vandalisée à de nombreuses reprises.  

Rénovée à grands frais, elle reste toujours cachée loin des regards des années plus tard, déboulonnée sine die.

« Les supporters “ultra” de Malmö FF ne lui pardonneront sûrement pas, mais dans mon cœur, il sera toujours un gosse de Malmö », console toutefois Anton Kallholm, un employé de 22 ans travaillant dans une école.    

Pour Johan Lund, employé municipal de 38 ans, ce que ressentent les habitants de Malmö à l’égard d’« Ibra » peut se résumer à « un mélange de haine et d’amour ».  

« La plupart des gens l’aiment, mais il y aura toujours des “haters” », explique celui pour qui le joueur a « beaucoup compté ».

C’est que la bête médiatique n’a jamais mâché ses mots, lui valant nombre de polémiques au pays du « lagom », le « juste ce qu’il faut » suédois qui commande de ne pas tomber dans l’excès.

Du côté du Malmö FF, la pilule ne semble pas encore être passée. Le club s’est contenté d’une phrase laconique et précisé qu’il ne prévoyait ni hommage ni jubilé.

« Une longue carrière couronnée de succès a commencé à Malmö et s’est terminée à Milan. Bonne chance pour la vie en dehors du foot », a écrit le club sur Twitter.

Pour Erik Niva, journaliste sportif au quotidien Aftonbladet qui a suivi toute sa carrière, Zlatan « a influencé une nation entière ».

Footballeur hors norme, le joueur symbolise aussi les changements d’une Suède devenue plus métissée et plus individualiste que lorsqu’Ibrahimovic a débuté son premier match en pro en septembre 1999.

« Nous sommes passés d’une nation collectiviste à un peuple individualiste. Et personne n’a été plus important dans ce changement que Zlatan Ibrahimovic », estime le chroniqueur.