(Paris) Les investigations sur l’attribution controversée du Mondial 2022 au Qatar accélèrent en France : l’ancien vice-président tahitien de la FIFA Reynald Temarii a été inculpé à Paris pour corruption, une première dans ce dossier aux multiples ramifications.

Depuis 2019, des juges d’instruction français enquêtent sur le vote des instances dirigeantes de la FIFA en 2010 qui avait confié, à la surprise générale, l’organisation du dernier mondial de soccer au Qatar. Des investigations distinctes ont également été menées en Suisse et aux États-Unis.

Dans le cadre de l’enquête française, Reynald Temarii, qui était également président de la Confédération océanienne de football (OFC), a été mis en examen — équivalent d’une inculpation en France — lundi pour « corruption privée passive », a appris samedi l’AFP auprès du parquet national financier.

Contactés par l’AFP, M. Temarii et son avocat n’ont pas souhaité faire de commentaires.

Les magistrats anticorruption français cherchent principalement à savoir si le vote de 2010 en faveur du Qatar exprimé par Michel Platini, ancienne gloire du soccer français et à l’époque patron de l’UEFA, a été obtenu en échange de contreparties.

Au cœur des soupçons figure un déjeuner tenu en 2010 entre Nicolas Sarkozy, alors président de la République française, M. Platini et deux hauts dirigeants qataris.  

En juin 2019, M. Platini, qui conteste toute infraction, avait été placé en garde à vue mais aucune charge n’a pour l’heure été retenue contre lui.  

Fin novembre 2021, l’ancien patron de la FIFA Sepp Blatter, qui qualifie d’« erreur » l’attribution du Mondial au Qatar, a lui été entendu comme témoin dans le cadre de l’enquête.

Volte-face

Au fil des investigations, les magistrats français se sont aussi intéressés à la volte-face de M. Temarii à la veille de la décision de la Fédération internationale de football (FIFA) d’attribuer le Mondial 2022 au Qatar.

Suspendu un an par la FIFA le 17 novembre 2010 pour infraction au code d’éthique à la suite de révélations du Sunday Times, Reynald Temarii ne pouvait plus siéger au comité exécutif de l’organisation et n’avait donc pas le droit de prendre part au vote du 2 décembre 2010.

L’OFC devait donc désigner un remplaçant qui aurait accordé sa voix à l’Australie au premier tour de scrutin puis, en cas d’échec, aux États-Unis, principaux rivaux du Qatar.

Or M. Temarii a fait appel de sa suspension dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre alors qu’il avait préalablement annoncé accepter la sanction et qu’il ne disposait pas des motivations du comité d’éthique lui permettant ce recours.

En faisant appel, conformément aux statuts de la FIFA, il avait de fait privé l’OFC d’un représentant lors du vote. Le 2 décembre 2010, le Qatar l’a emporté devant les États-Unis, pourtant favoris.

En octobre 2022, lors d’une conférence de presse, M. Temarii s’était dit victime d’escroquerie. Il avait assuré avoir fait appel sur la foi d’une note confidentielle selon laquelle le parquet suisse envisageait de le poursuivre pour corruption, ce qui était faux, et qu’une décision de ne pas faire appel équivalait « à une reconnaissance de culpabilité et compromettrait sa défense ».  

Selon lui, il s’agissait donc de faux éléments destinés à le pousser à faire appel.

Dans ce volet, la prise en charge des frais de défense de M. Temarii pour un montant de 305 000 euros (environ 445 000 dollars canadiens) par l’influent qatari Mohamed Bin Hammam intrigue aussi les juges d’instruction.

Tout comme un voyage tous frais payés à Kuala Lumpur (Malaisie) entre sa sanction et le vote de la FIFA, pour rencontrer M. Bin Hammam.

Sa mise en examen a été saluée par l’association française anticorruption Anticor. « Nous sommes plutôt satisfaits de voir que le dossier avance et que des étapes commencent à être franchies », a réagi auprès de l’AFP Me Jean-Baptiste Soufron, l’avocat de l’association, partie civile dans le dossier.