« C’était complexe comme parcours, je dois te le dire. »

C’est la seule façon de résumer l’incroyable odyssée de Moïse Bombito jusqu’à la MLS.

Cinq ans avant de se faire repêcher au troisième rang du MLS SuperDraft à titre de défenseur central par les Rapids du Colorado, Bombito représentait les Aigles du collège Ahuntsic dans le réseau collégial comme… ailier et attaquant.

Une série d’évènements fortuits et une bonne dose de courage l’ont propulsé vers des sommets qu’il n’aurait jamais anticipés. Et tout commence avec sa relation avec François Bourgeais.

Bourgeais connaît bien Bombito, il est l’un de ses protégés comme pilote des Aigles du collège Ahuntsic. Également entraîneur-chef du CS Saint-Hubert en Première Ligue de soccer du Québec – le meilleur circuit de la province –, Bourgeais offre un poste à Bombito dans son club semi-professionnel. Toutefois, s’il donne son aval, il devra accepter d’être plus souvent sur le banc que sur la pelouse.

Bombito décline.

Alors âgé de 18 ans, le Montréalais décide de continuer à porter l’uniforme du CS Saint-Laurent dans la Ligue de soccer élite du Québec. Maintenant plus musclé et plus grand de quelques pouces, l’athlète de 6 pi 3 po accepte de dépanner comme milieu défensif et joue généralement comme défenseur latéral. Il peut exploiter ses qualités techniques tout en profitant de son gabarit.

Il assimile rapidement les rudiments des nouveaux postes et se tire bien d’affaire. Dans le cadre d’une rencontre entre Saint-Laurent et la formation des moins de 21 ans du CS Saint-Hubert, où exceptionnellement Bourgeais dirige l’équipe de réserve, Bombito attire le regard de son ancien entraîneur.

Bourgeais, fort impressionné par les aptitudes défensives de Bombito, lui propose à nouveau de rejoindre l’équipe séniore du CS Saint-Hubert. Mais cette fois, il veut le faire évoluer comme défenseur central.

« Ça va être compliqué », se dit Bombito quand il apprend les intentions de son nouvel entraîneur.

Finalement, c’est un succès sur toute la ligne. Malgré la saison écourtée en raison de la COVID-19, Bombito en fait assez pour obtenir sa chance aux États-Unis. Il pourrait bien rejoindre une équipe de première division en NCAA, mais ses résultats scolaires au collège Ahuntsic contrecarrent son plan. Il doit donc faire le pont avec un collège américain. Une décision qui n’a pas fait l’unanimité parmi sa garde rapprochée.

Les gens me demandaient souvent : “Mais pourquoi tu fais ça ?” En réalité, j’étais à Montréal, j’avais 20 ans et j’avais le sentiment que ça n’avançait pas. Les années avançaient, mais de mon côté, je stagnais. Je me suis dit : “Si ça ne fonctionne pas, je peux juste retourner à Montréal. Ce n’est pas grave. Moi, je veux essayer quelque chose et peut-être qu’il va y avoir une autre opportunité. Je dois essayer.”

Moïse Bombito

Et que dire ? Ce ne sont pas les occasions qui ont manqué. En rétrospective, c’est ce choix qui a permis à Bombito d’aspirer aux ligues professionnelles.

Avec les Reivers d’Iowa Western, Bombito apprend autant sur le terrain qu’à l’extérieur. S’il se souvient d’une façon de procéder « militaire » et des couvre-feux à 22 h, il sait qu’au bout du compte, c’est cette mentalité qui a rendu possible son ascension. Il n’oublie pas aussi l’aide additionnelle qu’il a reçue pour parfaire son jeu de tête, jusque-là défaillant, et son positionnement.

Le jeu individuel de l’ambitieux défenseur central s’améliore et l’équipe progresse. Finaliste lors de la saison 2021, elle triomphe au championnat national quelques mois plus tard.

Après un court séjour avec les Phantoms de Seacoast United en USL2, l’équivalent de la quatrième division américaine, Bombito réussit finalement son objectif initial : rejoindre une équipe de la NCAA.

Ce à quoi il ne s’attendait pas, c’était de rester seulement cinq mois dans le circuit universitaire américain. Après plusieurs performances éclatantes avec les Wildcats de l’Université du New Hampshire, dont 4 buts en 16 duels, il est convié au camp de démonstration de la MLS.

Et, pour une énième fois, Bombito réussit à se démarquer. À peine un mois plus tard, son nom est prononcé par les dirigeants des Rapids au troisième rang.

Je n’y pensais pas. Même pas un peu ! […] Ben non. Ce n’est pas possible. Je ne savais pas quoi en penser. J’étais à la fois sous le choc et tellement content.

Moïse Bombito

Il peut être amusant de noter que Bombito a été sélectionné avec un choix appartenant initialement au Toronto FC, mais que le club de la Ville Reine a fait une transaction pour acquérir son compatriote Mark-Anthony Kaye.

Bombito n’est pas le premier Canadien choisi parmi les 10 premiers du MLS SuperDraft. Tajon Buchanan (9e rang en 2019), Dayne St. Clair (7e rang en 2019), Richie Laryea (7e rang en 2016) et Cyle Larin (1er rang en 2015) ont tous réalisé ce tour de force et ont aussi pris part à la Coupe du monde au Qatar en 2022. Il entame donc son périple dans la MLS sous des auspices favorables.

Quand l’exception veut briser la règle

Quand Bombito parle de son parcours, il explique vouloir ouvrir la voie aux autres Québécois qui ne sont pas passés par le chemin traditionnel. Pour accéder aux rangs professionnels dans la Belle Province, se tailler une place dans l’Académie du CF Montréal et y gravir les échelons est la façon la plus simple. Or, ce n’est pas la seule avenue.

Bombito veut se servir de l’exemple de Charles Auguste – un membre du Dynamo de Houston – et du sien pour promouvoir les vertus des universités américaines pour les talents québécois.

Ça ouvre des portes pour les autres gars de Montréal. Ceux qui se sont fait couper de l’Académie et qui ne savent pas s’ils veulent poursuivre. Jouer aux États-Unis, c’est une opportunité en or. Il y a trop de talents à Montréal pour une seule académie.

Moïse Bombito

Faisant lui-même partie du groupe de joueurs n’ayant pas été retenus par l’Académie, il voulait bien remettre la monnaie de la pièce au CFM dès cette année. Le hic, c’est que les deux clubs ne croiseront pas le fer durant la saison.

« Je suis un peu déçu de ne pas affronter Montréal, admet-il. Je voulais vraiment montrer ce qu’ils ont laissé glisser entre leurs mains. »

Prêt pour la MLS

À peine une semaine avant le début du calendrier en MLS, Bombito sent que ce n’est « qu’une question de temps » avant qu’il devienne un titulaire indiscutable avec l’une des équipes fondatrices du circuit Garber.

« On a passé trois semaines au Mexique, raconte-t-il. J’ai vraiment impressionné l’équipe technique et j’ai été sélectionné pour la deuxième portion du camp, qui se déroule à Orlando. Je dois être constant, mais surtout bon. »

Malgré tout, il demeure lucide et sait que les défenseurs d’expérience seront favorisés. Mais il ne peut s’empêcher de croire à un rôle de titulaire quand ses performances ne laisseront pas d’autre option au club.

La dernière question de l’entretien par visioconférence avec Bombito n’a même pas été totalement posée que le Montréalais de 22 ans s’est empressé de répondre.

« Bien sûr que c’est dans mes plans [de jouer avec le Canada] ! C’est le rêve de tous les jeunes. En 2026, je vais devoir y être », lance-t-il en riant.

Même si le temps est contre lui, qu’est-ce qu’un obstacle de plus sur l’autobahn Bombito ?