Apple, qui assurera la diffusion des 34 matchs du CF Montréal cette saison, s’attaquera au marché francophone. Bien lire ici toute la francophonie et non que le Québec. Une nuance qui permet de comprendre comment le géant californien a joué ses cartes en vue de la prochaine campagne.

Apple a eu une période de huit mois entre le moment où il a annoncé avoir acquis les droits de diffusion de la MLS et le coup d’envoi pour la saison 2023. Ambitieuse, la société a aussitôt annoncé que les rencontres des trois équipes canadiennes seront décrites en anglais et en français.

Une belle surprise pour les francophones férus de la MLS. Ce n’est assurément pas la seule nouvelle qui a étonné les aficionados du ballon rond à la veille de la nouvelle campagne.

Le premier changement majeur avec lequel ils devront composer : pour la première fois depuis l’arrivée de la formation dans le circuit Garber, ils devront impérativement être abonnés à une chaîne numérique pour voir toutes les rencontres du club montréalais en MLS. Les chaînes sur le câble ne seront pas suffisantes.

Le second changement, qui est lui aussi dans l’air du temps, est plus inusité : chacune des trois paires de descriptions pourrait être appelée à décrire chaque club canadien.

Deux de ces duos sont bien connus des Québécois et sont composés de figures de proue. Frédéric Lord et Vincent Destouches, qui ont décrit les six dernières saisons de l’Impact à TVA Sports, en formeront un. Olivier Brett, descripteur des parties du CFM à la radio sur les ondes de BPM Sports lors des deux dernières campagnes, et l’ancien capitaine de l’Impact Patrice Bernier en seront un autre.

Finalement, Matt Cullen, descripteur francophone sur la plateforme canadienne OneSoccer, et l’ancien joueur de l’Union de Philadelphie Sébastien LeToux seront aussi comme larrons en foire.

PHOTO JEFF CHIU, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le vice-président services senior d’Apple, Eddy Cue (au centre), saute pour frapper de la tête un ballon de soccer, sous le regard amusé du commissaire de la MLS, Don Garber (à droite de M. Cue), durant une conférence de presse, le 10 janvier dernier.

De plus, il y aura une paire supplémentaire qui viendra prêter main-forte. Divulgâcheur, elle le sera assez souvent. Jeremy Filosa, descripteur des matchs de l’Impact au 98,5 FM lorsque la station détenait les droits, et Matthias Van Halst, créateur de contenu francophone pour la MLS, seront en soutien.

Des descripteurs qui s’échangeront le micro

C’est ici que le jeu des chaises musicales commence.

La paire Lord-Destouches s’occupera des « rencontres les plus prisées ». Lors de la première semaine d’activité, elle sera à la description entre le match du Toronto FC de Lorenzo Insigne et du D.C. United dirigé par Wayne Rooney.

Au départ je croyais qu’on m’avait engagé pour les 34 matchs du CF Montréal, car c’est ma force. Mais Apple est arrivé fort et avait une pensée un peu plus globale.

Frédéric Lord

Et ce n’est pas Olivier Brett qui décrira la première partie du CFM à Apple TV+, car il la décrira pour un autre réseau. Un peu une surprise dans l’écosystème médiatique québécois, mais Brett décrira les 14 rencontres du onze montréalais qui seront présentées à RDS. Il sera épaulé par Wandrille Lefèvre, qui, à l’instar de Bernier, est un ancien membre de l’Impact.

« La voix du soccer à RDS » selon Brett, Claudine Douville, décrira certaines des rencontres de la MLS diffusées sur le réseau.

Bernier rejoindra également Brett à RDS, mais à titre de commentateur.

« Le rôle que je vais avoir avec Apple cette année, je le trouve très cohérent avec la façon dont j’ai vu l’entente pour le CF Montréal, explique Brett. Je pense que, pour la ligue et pour le CF Montréal, cette entente de 10 années est extraordinaire, mais à court terme, le CFM a besoin d’une couverture pointue. Avec les récents défis du club, ils ont besoin de cet équilibre-là pour la première année de l’entente. »

Je vais être affecté à une couverture plus globale avec Apple et plus locale avec RDS. Je trouve que j’incarne un peu cet équilibre.

Olivier Brett

C’est donc le tandem Cullen-LeToux qui fera le baptême de feu du CFM sur AppleTV+. Une surprise pour plusieurs, mais une décision conséquente dans la vision internationale d’Apple.

Qui et comment ?

Rappelons qu’Apple avait 8 mois pour sélectionner 30 duos, dont 11 en espagnol et 3 en français. C’est peu de temps pour trouver bien des gens de milieux différents.

Les deux descripteurs cités précédemment sont sur la même longueur d’onde : la MLS a été aiguillée par quelqu’un pour trouver les bons descripteurs pour le marché francophone. La firme McKinsey ? Nenni.

« Je fais un peu un raccourci, mais Fred était la voix à la télévision et moi à la radio », souligne Brett. Effectivement, c’est logique, mais ce n’est pas si simple.

Lord et Brett savent que la Ligue – et potentiellement le CF Montréal – a eu un mot à dire avant l’embauche des candidats.

« La Ligue m’a hautement recommandé, explique Lord. Elle a reconnu mon apport. C’est toujours flatteur de voir son travail reconnu. Il y avait un désir de ma part et un désir de la Ligue de continuer. J’ai été entendu et rapidement contacté par Apple. »

Le détail qu’Apple devait négocier, c’était que la plupart des descripteurs visés avaient déjà un, voire deux emplois, comme c’est le cas pour Olivier Brett. Il assure toutefois que toutes les parties ont été souples pour permettre une transition vers la nouvelle plateforme.

Frédéric Lord abonde dans le même sens : « TVA Sports a été très conciliant. Ils voulaient me garder au tennis, mais mon patron a été lucide. Il sait que j’ai créé un lien avec les amateurs de soccer. »

Lord, qui décrit les matchs depuis 11 années, aimerait bien devenir le « Jacques Doucet du CF Montréal ». Cependant, il ne prévoit pas décrire jusqu’à l’âge de 82 ans comme l’ancien descripteur des Expos de Montréal. « Je vais quitter la table avant que l’amour soit desservi », assure-t-il.

Comme quoi on peut sortir le descripteur d’un réseau, mais jamais le descripteur du milieu.