22 ans. C’est à cet âge que Louan Schlicht est devenu l’analyste vidéo du CF Montréal. Et il n’est pas intimidé par le défi.

« Il n’y a pas de : tu as l’âge ou tu n’as pas l’âge, ça ne veut rien dire, ça. Si tu es bon, tu es sur le terrain, tu assumes. Si tu n’es pas bon, tu te tais et tu restes sur le banc et tu regardes les autres », a dit la vedette française Kylian Mbappé. Schlicht en a un peu fait son mantra.

« Oui, j’ai 22 ans, mais au final, je veux être traité comme l’analyste vidéo. Si je fais une connerie, je ne veux pas qu’on dise que ce n’est pas grave. Je travaille dans une équipe professionnelle », raconte-t-il dans un long entretien avec La Presse dans une salle de classe au Centre Nutrilait.

Et la façon avec laquelle il a obtenu ce rôle est particulièrement intéressante.

Des débuts comme analyste amateur

Féru de soccer depuis aussi longtemps qu’il se souvienne, Schlicht s’est fait découvrir par les passionnés du ballon rond grâce à ses analyses tactiques sur un site spécialisé, ses comptes rendus des performances des joueurs du CFM sur Twitter – on y reviendra – et ses chroniques à Génération Soccer à RDS.

Schlicht a entamé son parcours dans le monde du soccer de haut niveau comme entraîneur. Après sa carrière de joueur, un ancien coach lui a proposé de venir l’aider à diriger les U-14 du Celtix du Haut-Richelieu. Comme il a rapidement fait sa marque, on lui a offert le poste d’analyste vidéo de l’équipe sénior, qui évolue dans la meilleure ligue au Québec, la PLSQ.

En compagnie de David Sauvry, désormais entraîneur adjoint de l’équipe réserve du Galaxy de Los Angeles, il a travaillé d’arrache-pied pour aider au succès du club. Le Celtix a terminé au troisième rang, et leurs efforts respectifs ont été remarqués.

[Sauvry et moi], on a passé beaucoup trop de temps à travailler sur le club par rapport à notre salaire. On ne faisait pas un sou avec ça.

Louan Schlicht, analyste vidéo du CF Montréal

Puis, quand l’Université du Québec à Trois-Rivières, qui était championne universitaire canadienne en titre, a instauré un programme de vidéo, vers qui s’est-elle tournée pour donner le coup d’envoi du programme ? Vers un jeune Louan Schlicht, qui avait également eu droit à des avis favorables de joueurs dirigés avec le Celtix.

Au passage, il dit avoir lu « une centaine de livres » pour parfaire ses connaissances sur le monde du soccer. Même s’il était en « mode éponge », son bagage de connaissances et sa feuille de route devenaient de plus en plus attrayants pour un futur employeur.

Puis, par magie, l’an dernier, il est apparu sur le radar de Maxime Chalier, analyste vidéo du CFM. Ce dernier a eu droit à un peu plus de budget et pouvait se permettre d’aller recruter un adjoint. Et qui de mieux que Louan Schlicht, qui a gravi les échelons du petit monde de l’analyse vidéo québécoise à la vitesse grand V ?

« En trois semaines, c’était réglé », se rappelle Schlicht. Après quelques rencontres avec Chalier, il a discuté avec l’entraîneur-chef de l’époque, Wilfried Nancy, puis avec le vice-président et chef de la direction sportive, Olivier Renard, et ils ont tous été sur la même longueur d’onde. S’entame alors son parcours dans le grand club.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

L’analyste vidéo du CF Montréal, Louan Schlicht

Ça signifiait également la fin d’un autre chapitre pour Schlicht. Il a mis un terme à son baccalauréat en journalisme pour faire le grand saut et finalement travailler, à temps plein, dans le milieu qui le passionne.

C’est bien. Très bien même. Mais après, il faut y rester. Le départ de Nancy, Chalier et plusieurs membres du personnel d’entraîneurs lors de la saison morte pour le Crew de Columbus a créé un flou autour du rôle qu’aurait Schlicht durant la prochaine campagne. En fait, il n’avait plus de garantie.

Finalement, le nouvel entraîneur-chef du CFM, Hernán Losada, a décidé non seulement de garder Schlicht au club, mais également de lui offrir une promotion en faisant de lui l’unique analyste vidéo du onze montréalais.

« Je suis chanceux et reconnaissant que le club décide de me faire confiance après seulement une année dans le monde professionnel, a-t-il lancé. Après une saison comme assistant, il me donne les rênes du poste d’analyste. »

Contrairement à l’an dernier, Schlicht sera sur la route avec le club cette saison. Même s’il sera parfois épaulé par Hervé Diese, entraîneur adjoint, la personne responsable de la vidéo et du data, c’est lui.

« Travailler pour mon club »

Né en France, Schlicht a instantanément encouragé l’Impact quand il est arrivé au Québec en 2011. Mais commencer à diriger le club qu’il regardait venait aussi avec des doutes, explique l’ancien détenteur d’abonnement de saison.

« Quand je suis arrivé, j’avais peut-être un peu peur de l’avis de certains joueurs. J’écris des trucs sur les réseaux sociaux et même si les joueurs disent qu’ils ne regardent jamais ça, la plupart le font… »

Donc au départ, je me disais : “Est-ce que le petit jeune de 21 ans, qui fait des commentaires sur les réseaux sociaux, a vraiment les épaules pour dire quelque chose à Victor Wanyama, qui était sur le banc lors d’une finale de la Ligue des champions ?”

Louan Schlicht, analyste vidéo du CF Montréal

Même s’il n’a jamais douté de ses connaissances tactiques, petit à petit, Schlicht a prouvé aux joueurs qu’il méritait leur confiance. L’un des exemples qui l’illustrent le mieux, c’est qu’après une rencontre, Kei Kamara, qui figure parmi le top 3 des plus vieux joueurs du circuit, a demandé à Schlicht de passer les clips du match en revue avec lui. Comme quoi on peut toujours apprendre. Et qu’on n’est jamais trop jeune pour enseigner.

« Quand j’y pense, j’ai 22 ans et je vis de ma passion. C’est bizarre à dire », lance-t-il tout bonnement. Il y a fort à parier qu’il devra continuer à se pincer, car ça devrait être son quotidien pour un bon nombre d’années.

Précision :
Une version précédente de ce texte indiquait que David Sauvry est analyste vidéo de l’équipe réserve du Galaxy de Los Angeles alors qu’il est maintenant entraîneur adjoint. Nos excuses.