Olivier Giroud n’avait enregistré aucun tir au but en 2018, lorsque la France avait été sacrée championne du monde. Quatre ans plus tard, c’est en grande partie grâce à lui que les Bleus se retrouvent en demi-finale. Ils ont éliminé l’Angleterre par la marque de 2-1 en quarts, samedi, au Qatar.

Comme un grand cru, on l’a laissé vieillir. Et voilà que l’attaquant de 36 ans vient chatouiller nos papilles en prenant d’assaut le Mondial 2022.

C’est son but de la tête, à la 77e, qui a fait la différence pour le 2-1 face à une Angleterre en grande forme, au demeurant. C’était son quatrième dans ce tournoi, pratiquement tous des filets décisifs dans l’allure des rencontres.

La France avait été dominée en deuxième période. Les Anglais, portés par le lumineux Bukayo Saka, trouvaient de plus en plus de brèches dans des remparts français plus ou moins solides.

Puis, un petit éclair de génie d’Antoine Griezmann, un acteur de soutien de luxe dans cette équipe de France. Après un corner, sur la ligne de touche, Grizou envoie un long ballon vers le filet. Giroud s’impose sur Harry Maguire, et le ballon dévie sur l’épaule de ce dernier.

Sa réaction voulait tout dire. Parce que s’imposer dans un duel entre deux équipes d’aussi grand talent, c’est confirmer de plus en plus ce qui ne fait plus de doute depuis plusieurs jours déjà : la France semble partie pour la gloire pour une deuxième Coupe du monde consécutive.

« Je suis trop fier, a lancé Olivier Giroud. Ce soir, on a sorti un très gros match. On connaissait le potentiel de cette jeune génération anglaise. Ils ont tout. Nous, on a fait preuve de beaucoup de générosité. On a été la chercher au mental. »

« On a vraiment rencontré une très belle équipe d’Angleterre, a dit Didier Deschamps, le sélectionneur français. Par ce qu’elle est capable de faire athlétiquement et techniquement. On a répondu. C’est magnifique de pouvoir accéder encore au dernier carré. On a envie de suspendre un peu le temps. »

La malédiction anglaise

Mais l’histoire aurait très facilement pu être bien différente. Et Harry Kane va probablement en faire des cauchemars.

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Harry Kane

En retard 1-0, l’Angleterre est ressortie des vestiaires le couteau entre les dents, déterminée à effacer plus d’un demi-siècle de déceptions et de traumatismes.

Et le résultat est rapidement venu. À la 52e, Saka obtient un penalty sur une faute d’Aurélien Tchouaméni. Kane s’amène. Devant lui, son coéquipier de longue date à Tottenham, le gardien Hugo Lloris. Mais pas de problème : il marque, et c’est 1-1 à la 54e.

Il est ainsi devenu le codétenteur, avec Wayne Rooney, du premier rang des buteurs de la sélection masculine anglaise, avec 53 filets.

Et il aurait bien pu le devancer. Quelques minutes après que Giroud a donné les devants à la France, l’Angleterre se voit octroyer un autre penalty. Théo Hernandez a poussé très manifestement Mason Mount dans la surface, et c’est même une surprise que l’on ait dû se référer à la reprise vidéo pour le confirmer.

Kane se présente au point de penalty à nouveau. Devant lui, encore ce Lloris, évidemment. Le Français est à Tottenham depuis 2012. Kane évolue avec l’équipe senior depuis 2013. Vous estimez à combien le nombre de tirs que les deux ont tentés l’un contre l’autre à l’entraînement ? Indice : beaucoup.

C’est la 84minute. C’est 2-1 la France. Les espoirs d’une nation sur ses épaules, Kane… envoie le ballon dans les gradins, au-dessus de la barre transversale.

« On sait combien de penaltys Harry a marqué pour nous, a relativisé Jordan Henderson. Il a marqué le premier. Et combien de buts a-t-il marqués pour ne serait-ce que nous amener ici ? Il reviendra plus fort sur le long terme, j’en suis certain. C’est un buteur de classe mondiale. Notre capitaine. On ne serait pas là sans lui. »

La malédiction perdure. On rappelle que l’Angleterre n’a pas gagné de titre international depuis son sacre mondial de 1966. Cette équipe, jeune, fringante, belle, courageuse, mais peut-être encore complexée, devra attendre encore.

« C’est nous qui leur donnons les munitions avec ces deux penaltys, a convenu Deschamps. Mais c’est avec le cœur et les tripes qu’on a tenu ce petit but d’avance. »

Tchouaméni, pourquoi pas ?

Nos excuses à Aurélien Tchouaméni, auteur de la frappe sublime qui a ouvert la marque à la 17e. La deuxième mi-temps mouvementée de ce choc de titans a relégué son but flamboyant au troisième segment de ce compte rendu. Accordons-lui donc quelques bons mots.

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Aurélien Tchouaméni

Encore une fois, c’est Griezmann qui l’a servi. Une petite passe tout juste à l’orée du dernier tiers. Le jeune milieu du Real Madrid a reçu le ballon dans l’axe. Et a armé sa frappe du pied droit. Le ballon a pris une trajectoire basse, mais directe. Et est allé se loger dans le coin gauche du filet, derrière un Jordan Pickford étendu de tout son long.

« J’ai eu la même action contre la Pologne, a rappelé Tchouaméni. C’était une frappe pas mal, mais celle-là était encore plus tranchante. Je travaille souvent ça avec le coach [Carlo] Ancelotti à Madrid. »

Un but contre le cours du jeu – l’Angleterre a dominé les élans dans la majorité de ce match, d’ailleurs –, mais démontrant toute l’étendue du talent français.

Dans ce match, on salivait aussi à l’idée d’un affrontement entre Kylian Mbappé et Kyle Walker dans le couloir gauche. Walker a été battu sur une des belles courses du joyau de la France à la 56e, mais autrement, Mbappé a été somme toute discret.

Il aura l’occasion de sortir le grand jeu contre le Maroc en demi-finale. Et la France en aura bien besoin : les Marocains n’ont accordé aucun but, sauf un contre son camp face au Canada, depuis le printemps dernier.

« Ça va être un match acharné du début à la fin, estime Tchouaméni. On essaie de rester calmes parce que rien n’est fait, on n’a encore rien gagné. »