(Doha) Tendu vers son grand rêve d’un sixième titre, mais encore rattrapé par la réalité du terrain, le Brésil a chuté dès les quarts de finale du Mondial-2022 contre la Croatie (1-1 a. p., 4-2 t. a. b), sonnant sans doute le glas de la génération Neymar, incapable d’égaler ses illustres devancières.

Inaccessible sixième étoile… La Seleçao pensait avoir mis toutes les chances de son côté en arrivant au Qatar, forte d’une défense solide, d’une attaque redoutable orchestrée par « Ney », et d’un technicien expérimenté, vainqueur de la Copa América 2019. Son début de tournoi plutôt maîtrisé avait alimenté tous les espoirs, malgré la blessure de son maître à jouer.

Et puis patatras : ce n’est pas encore cette année que le Brésil décrochera son « hexacampeonato », cette sixième Coupe du monde qui se refuse à l’équipe auriverde depuis son dernier sacre en 2002. Soit 24 ans de disette au moins, comme la longue traversée du désert entre le Brésil de Pelé, sacré pour la troisième et dernière fois en 1970, et celui de Romario titré en 1994.

En chutant avant les demi-finales, l’équipe de Neymar n’a pas fait mieux qu’en 2006, 2010 et 2018. Et son meilleur parcours, depuis le titre de 2002, la demi-finale du Mondial-2014 à domicile, reste marqué par l’humiliation subie contre l’Allemagne (7-1), futur vainqueur.

« Nous portons ce poids »

Cela pose évidemment la question des attentes, immenses, placées sur les épaules des infortunés joueurs brésiliens tous les quatre ans et résumées fin novembre par les mots de la légende Pelé : « Ramenez ce trophée à la maison ! », avait lancé l’ancien attaquant.

« Nous portons ce poids comme tous les Brésiliens », avait admis l’ailier Raphinha avant le tournoi. « Depuis 2006, tout le monde veut que le Brésil gagne la sixième étoile. »

Mais les années passent et le Brésil a désormais rendez-vous en 2026, dans un tournoi organisé au Canada, aux États-Unis et au Mexique, pour recommencer son inlassable quête.

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Ce sera, a priori, sans Thiago Silva (38 ans), sans Dani Alves (39 ans) et surtout sans Neymar : la superstar du Paris SG avait prévenu l’an dernier que la Coupe du monde au Qatar serait probablement sa « dernière ».

« Je ne sais pas si j’aurai encore la condition, le mental, pour supporter encore plus de football », avait dit l’attaquant sur la plateforme de streaming DAZN.

« Ney » peut encore changer d’avis, d’autant qu’il n’a que 30 ans et un long contrat au PSG.

Mais l’échec de vendredi acte peut-être l’impuissance de la génération Neymar, humiliée en 2014, décevante en 2018 et finalement en 2022.

Taxé d’arrogance avant le tournoi pour avoir publié un blason du Brésil surmonté d’une hypothétique sixième étoile, l’ancien joueur de Santos a une nouvelle fois été rattrapé par la pression. Et ces larmes après l’échec de Marquinhos sur le tir au but décisif ont montré l’ampleur du désastre.

La vedette du PSG risque de finir sa carrière en n’ayant à son palmarès international que la défunte Coupe des Confédérations (2013) et la médaille d’or olympique (2016), puisqu’il était blessé en 2019 lorsque le Brésil de Tite a remporté la Copa América.

Goût d’inachevé

Vertèbre, pied, cheville… La relation de Neymar (124 sélections, 77 buts, avec la Seleçao), aura été très contrariée par les blessures et laisse un goût d’inachevé, même si l’attaquant a rejoint le Roi Pelé comme meilleur buteur de l’histoire de la sélection, avec son 77e but, inscrit lors de la prolongation (115e +1).

Le bilan oscille aussi vers le négatif pour le sélectionneur Tite (61 ans), qui avait annoncé son départ avant le tournoi. « Je sais que le football est fait de cycles et j’ai eu une opportunité unique de me retrouver à ce poste », résumait-il il y a quelques mois.

Adenor Leonardo Bachi, surnommé Tite, avait pris les rênes de la Seleçao en 2016, après le limogeage de Dunga.

Il a su redresser la Seleçao, qu’il a qualifiée sans heurts pour deux Mondiaux successifs, et guidée jusqu’au sacre sud-américain en 2019.

Mais le technicien est régulièrement critiqué pour son jeu jugé parfois trop défensif, la sélection ayant habitué ses « torcedores » (supporters) à pratiquer un football éblouissant avec des légendes comme Pelé, Ronaldo ou Ronaldinho.

Avec son inépuisable vivier de talents, comme les jeunes Richarlison, Vinicius, Rodrygo, Antony ou Gabriel Martinelli, la Seleçao saura se réinventer, quel que soit son futur sélectionneur. Mais la pression de gagner à nouveau, elle, sera toujours là en 2026, encore accrue, encore plus étouffante.