Alors, pourquoi Wilfried Nancy a-t-il décidé de quitter le CF Montréal ? Selon le principal intéressé, « c’était le moment de partir ».

« Le club était au courant que je voulais partir depuis longtemps », a affirmé le nouvel entraîneur-chef du Crew de Columbus, mardi en fin d’après-midi, dans une visioconférence organisée pour les médias montréalais.

« À partir de là, j’ai été loyal envers le club. Je ne dis pas que le club n’a pas voulu me retenir, bien entendu. Mais les choses ont été claires par rapport à ça. »

Quelques heures plus tôt, le président du CFM, Gabriel Gervais, avait donné plus de détails sur le fil des évènements.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Le président et chef de la direction du CF Montréal, Gabriel Gervais

Et la soirée du 9 juillet dernier, au cours de laquelle Nancy et le président Joey Saputo ont eu une altercation devant le vestiaire des joueurs, est au centre du récit.

Nancy a fait une demande formelle pour quitter le club après cette défaite contre le Sporting Kansas City, au stade Saputo.

Puis, « il s’est ravisé », a expliqué Gervais, mardi, au Centre Nutrilait. « Il a décidé de rester et de finir la saison. Et de là […], on a décidé de ne pas parler de contrat ou d’option jusqu’à la fin de la saison. Avec du recul, on a vu les performances de l’équipe, et c’était la bonne décision à prendre. »

Interrogé pour savoir quand est venu le premier contact avec le Crew, Nancy refuse de répondre. « J’ai été contacté par le Crew, normalement, comme ça doit se faire avec tous les coachs. »

La question est litigieuse, en vertu d’un potentiel enjeu de maraudage évoqué par Olivier Renard lors du bilan, et encore par Gervais mardi.

« Moi, j’espère qu’il n’y a pas eu de maraudage, indique le président. C’est vraiment la ligue qui est en charge de ça. Nous, on a respecté les règles. Personnellement, je n’aime vraiment pas ça. Ça m’interpellait. J’ai travaillé avec la ligue pour protéger les intérêts du CF Montréal.

« Dès que [Columbus] m’a demandé la permission de parler avec Wilfried Nancy, le reste du processus s’est bien passé. »

Un processus qui s’est entamé en bonne et due forme il y a trois semaines, assure-t-il.

Une relation irréparable avec Saputo ?

Gervais raconte une anecdote importante, qui donne un regard différent sur la relation qu’entretiennent Nancy et Saputo.

Après la défaite en éliminatoires contre le New York City FC, le propriétaire a demandé à Nancy d’entrer dans le vestiaire pour s’adresser à l’équipe. L’entraîneur a accepté.

« [Joey] s’est exprimé très honnêtement que l’équipe avait dépassé ses attentes, révèle Gervais. Il a tour à tour remercié différents membres de l’organisation, il a remercié les joueurs. Il a remercié Wil spécifiquement pour son travail. Auparavant, il avait même tendu la main, mais ce n’était pas réciproque. À un moment donné, quand tu frappes un mur de la sorte, il faut avancer. »

La question a été posée à Nancy directement par le collègue Jean-Luc Legendre en visioconférence. A-t-il quitté le club en raison d’un conflit de personnalités avec Joey Saputo ?

L’entraîneur a mis un long, très long moment à répondre. Puis s’est limité à dire : « Je pars pour un tout. Donc ma décision est prise. »

On a alors tenté de creuser un peu plus. Votre relation avec le propriétaire était-elle irréparable ?

« Je le répète : mon rôle a été de continuer et bien finir la saison. À partir de là, je suis très content de comment ça s’est terminé, parce que j’ai continué mon travail sachant que les choses avaient été claires. »

Je pars grandi, je pars content, je pars pour une nouvelle aventure.

Wilfried Nancy

Gervais assure « avec conviction » que les motivations de Nancy n’étaient pas financières.

« Personnellement, je lui ai dit que s’il y avait une offre, on était prêt à l’égaler. Il a refusé. On n’a même pas eu la chance de se rendre là. »

Le président maintient aussi qu’il a lui-même « mené toutes les discussions ».

« J’ai travaillé en étroite collaboration avec Olivier Renard. Je me rapporte à un conseil d’administration qui inclut Joey Saputo comme président du C.A. Chaque décision est prise avec le C.A. »

Est-il déçu de la tournure des évènements ?

« En toute transparence, oui, dit le président. Mon souhait était de continuer avec Wil. Je l’apprécie beaucoup comme coach, comme personne. Malheureusement, on n’a pas pu s’entendre. »

« Nous, on veut des gens qui veulent être ici, qui croient au projet, qui croient réellement à notre philosophie. Et Wilfried n’était plus là, donc on est passé à autre chose. »

« Pas de comparaison à faire »

« Je crois beaucoup au moment », a expliqué Nancy, assis dans le vestiaire du Crew.

Il a fait référence vaguement à un « exercice », il y a cinq ou six ans, au cours duquel il a « appris à [se] connaître ».

« Je suis très fier de ça. Le fait d’avoir appris à me connaître, toutes les décisions que je prends sont toujours cohérentes avec la personne que je suis. »

On semble entendre dans ses propos un lien avec ses fameuses « valeurs » chères auxquelles il a fait référence en commentant l’altercation avec Saputo, quelques jours après celle-ci l’été dernier.

« Si j’ai pris cette décision-là, c’est parce que c’est cohérent avec un nouveau projet, avec ce que je veux mettre en place.

« J’ai été à Montréal à partir de 2010, environ. J’y ai passé beaucoup de temps et j’ai appris beaucoup de choses. Je suis plus sage, j’ai grandi, je suis plus mature. C’était le moment pour moi de quitter et de faire quelque chose de différent. Il n’y a pas de comparaison à faire entre les deux clubs. C’est un nouveau projet. J’ai hâte de commencer et je suis heureux, ici. »

Une compensation pour le CF Montréal

Wilfried Nancy avait un contrat jusqu’en 2023. Et donc, pour que le Crew puisse lui parler, il a dû s’entendre avec le CF Montréal pour une compensation. La somme reçue est confidentielle, explique Gervais. Appelé à commenter celle-ci, ainsi que les montants de transferts reçus récemment avec les ventes d’Ismaël Koné, d’Alistair Johnston et de Djordje Mihailovic, le président souligne que ce ne sont pas des « montants forfaitaires que l’on reçoit d’un coup la première année ».

« Ça dépend de l’entente. On va dépenser cet argent de façon responsable. On va continuer sur notre trajectoire pour obtenir de bons jeunes joueurs et les développer. »

À noter que l’adjoint Kwamé Ampadu, le préparateur physique Jules Guéguen et l’analyste vidéo Maxime Chalier ont suivi Nancy à Columbus.

ILS ONT DIT

Laurent est ici pour rester. Il a fait un travail phénoménal avec notamment nos défenseurs. Presque tous nos défenseurs canadiens ont été sélectionnés avec notre équipe nationale. […] Il y a beaucoup de respect. Il est très proche de nos joueurs. Laurent, s’il veut rester, il va rester.

Gabriel Gervais, au sujet du maintien en poste de Laurent Ciman

Avec ce que Wil a fait avec son dernier club dans les deux dernières années, c’était impossible qu’il ne soit pas notre homme. La manière dont [les joueurs du CF Montréal jouaient], c’était divertissant. Ils marquaient des buts. Avaient l’habileté de dicter le jeu. Dès le début, quand nous avons vu que [Nancy] était désormais disponible, il est devenu notre cible.

Tim Bezbatchenko, président et directeur général du Crew de Columbus

Je suis un coach de soccer. J’aime mon travail et je suis passionné par le jeu. J’aime les gens. Oui, je suis un coach, mais c’est très important de comprendre les gens. En faisant ça, nous serons capables de faire quelque chose de très bien. […] Quand je suis venu ici la première fois dans ce stade, que j’étais sur le terrain, j’ai eu des frissons. Je viens de l’Europe et ce stade-là est mieux que certains en Europe.

Wilfried Nancy, lors de sa présentation officielle avec le Crew de Columbus, mardi matin