Au revoir, Wilfried Nancy. L’entraîneur-chef du CF Montréal a finalement quitté le navire pour s’entendre avec le Crew de Columbus.

Toutes nos informations pointaient en ce sens depuis quelques jours. Le CFM a confirmé la nouvelle mardi matin, quelques minutes avant la conférence de l’état-major du Crew. Le Crew a d’ailleurs publié une courte vidéo sur ses réseaux sociaux lundi soir, annonçant de « nouveaux commencements », et on y aperçoit la silhouette reconnaissable de Wilfried Nancy.

Puisque Nancy était toujours sous contrat pour la prochaine saison, le CF Montréal a conclu une entente financière avec le Crew. Cette entente inclut également les départs de l’entraîneur adjoint Kwame Ampadu, du préparateur physique Jules Gueguen et de l’analyste vidéo Maxime Chalier.

« Malgré les efforts déployés par le Club pour que Wilfried continue notre projet, nous avons été contraints d’accepter sa décision de quitter l’organisation. Nous voulons des gens qui souhaitent être avec nous et Wilfried voulait prendre un chemin différent, a déclaré le président et chef de la direction du CF Montréal, Gabriel Gervais. Je tiens à le remercier pour ses nombreuses années avec le Club et, notamment, ce qu’il a accompli avec l’équipe première lors des deux dernières saisons. On lui souhaite bonne chance ainsi qu’à ses adjoints pour la suite de leur carrière. »

« Je remercie Wilfried pour ses deux années comme entraîneur-chef. J’aurais aimé poursuivre le projet du Club avec lui. Malgré son départ, notre philosophie demeure inchangée, a dit le vice-président et chef de la direction sportive du CF Montréal, Olivier Renard. Le processus d’embauche du prochain entraîneur-chef est déjà en cours et je suis confiant pour le futur. »

Les détails

Ainsi, les mois de silence assourdissant de Nancy au sujet de son avenir avec l’équipe étaient donc prémonitoires à son départ. Au cœur du problème, un enjeu qui va au-delà de la simple mésentente entre le propriétaire Joey Saputo et l’entraîneur.

C’est que durant l’année, le lien de confiance entre le CFM et Nancy a été rompu.

Sous l’aile de son agent Ron Waxman, l’entraîneur a commencé à être plus ambitieux, et pas juste sportivement. Financièrement, aussi. Avant même l’altercation avec le propriétaire au stade Saputo le 9 juillet dernier, il y avait de la friction entre le club et le clan Nancy.

Waxman est même allé jusqu’à parler de Nancy à d’autres équipes alors que l’entraîneur avait encore un contrat avec Montréal – son option pour 2023 a été activée dans les derniers mois. Cela équivaut à du maraudage, une accusation grave en MLS. La ligue aurait même mis son nez dans l’histoire à un certain moment. Une suspension pour Nancy n’était pas en dehors du spectre des possibilités.

Les évènements du 9 juillet avec Saputo ont pesé dans la balance, oui. À ce moment, Nancy souhaitait partir sur-le-champ. Mais Gabriel Gervais et Olivier Renard ont convoqué les leaders de l’équipe, et ces derniers sont parvenus à convaincre Nancy de terminer la saison.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Joey Saputo

Mais même si l’entraîneur-chef avait fait volte-face et souhaité revenir en poste à long terme, le club lui aurait dit non, nous dit-on. Les ponts avaient été brisés. C’est pourquoi, au final, Montréal a donné le droit à Columbus de parler à Nancy.

Rappelons que le 25 octobre dernier, jour du bilan du CFM, une rumeur relayée par l’informateur Tom Bogert a fait surface. Le journaliste affilié à la MLS indiquait que Columbus était intéressé aux services de Nancy.

« J’espère que c’est faux, avait dit Renard quelques heures plus tard. Parce qu’il y aura de gros problèmes. Notre coach est sous contrat. Aucun club du monde ne peut contacter notre coach, et encore plus précisément un autre club de la MLS. »

L’altercation Saputo-Nancy

L’histoire a été maintes fois racontée. Le 9 juillet dernier, après une défaite contre le Sporting Kansas City, pire équipe de la ligue, Joey Saputo sort en trombe des coulisses du stade Saputo, accoste son président Gabriel Gervais devant la salle de presse et lui fait bruyamment connaître ses états d’âme au sujet de son entraîneur-chef. « Ton entraîneur n’a aucun respect pour moi ! », lance Saputo à Gervais, devant votre représentant de La Presse.

Visiblement, une scène s’est produite entre les deux hommes quelque part entre la sortie du terrain et ce moment précis, qui se déroulait quelques minutes seulement après le coup de sifflet final.

Une semaine après l’altercation avec Saputo, en conférence de presse en vue du prochain match, l’entraîneur, toujours en poste, l’a commentée.

« Je suis au club depuis longtemps, dit-il. J’ai vu plein de choses. Chaque leader gère sa compagnie comme il le souhaite. Je n’ai aucun problème avec ça. Par contre, j’ai des valeurs auxquelles je ne dérogerai jamais. »

Pourquoi partir ?

À ce moment, le club a recommencé à gagner et à obtenir des résultats à un train d’enfer. Galvanisé, il s’est hissé jusqu’au 2rang de la Conférence de l’Est, à 2 points de la première position. La saison a été belle, la plus belle de son histoire. Et le transfert de Djordje Mihailovic, qui a maintes fois vanté les qualités humaines et sportives de son entraîneur, est un autre fait d’armes démontrant l’apport particulier qu’a procuré Nancy à l’organisation.

Organisation qui veut continuer de développer de jeunes joueurs pour qu’ils prennent la même trajectoire que Mihailovic vers l’Europe. Qu’Ismaël Koné, qui vient d’être transféré en deuxième division anglaise. Ou même qu’Alistair Johnston, qui a rejoint le Celtic de Glasgow il y a deux jours.

Wilfried Nancy est même passé à un petit cheveu d’être nommé meilleur entraîneur-chef de la MLS.

L’argent était-il vraiment le seul motivateur de Nancy ? L’Impact de Montréal n’a pas connu que des moments glorieux en matière de gestion de personnel dans son histoire. L’exemple du congédiement de Mauro Biello et de toute son équipe – dont le bon ami de Nancy, Jason Di Tullio – en 2017 vient en tête en premier.

Après plus d’une décennie chez l’Impact, l’évènement du 9 juillet a peut-être été la goutte qui a fait déborder le vase de Nancy. Celui-ci s’en est du moins servi pour faire valoir son point de vue farouchement.

À partir de ce moment, et même s’il a terminé la saison à Montréal, Nancy n’a pas voulu discuter de son contrat. Ni publiquement ni en négociations. Renard a confirmé au bilan que son option avait été enclenchée pour l’année 2023.

Par ailleurs, du côté du CF Montréal, on assure que le propriétaire Joey Saputo ne s’est jamais interposé pour que Nancy soit congédié ou que son contrat ne soit pas renouvelé.