Le chaos. Le drame. Le spectacle. Les émotions. Tout y était, jeudi, à la conclusion du groupe E. Et c’est le Japon, pas l’Espagne et encore moins l’Allemagne, qui a fini premier. Un véritable exploit.

Parce qu’après avoir fait tomber les Allemands en lever de rideau, les Samouraïs bleus ont refait le coup aux Espagnols, jeudi, en l’emportant 2-1.

Résultat : les Japonais ont remporté le groupe de la mort. L’Espagne a pris le deuxième rang. L’Allemagne est éliminée. Et le Costa Rica, momentanément vecteur de chaos total pendant sa défaite de 4-2 contre la Mannschaft, termine au dernier rang.

Ces deux heures de soccer ont probablement été les plus mouvementées de l’histoire récente de la Coupe du monde. Essayons donc de résumer cette soirée de folie au Qatar.

L’Espagne et l’Allemagne ont rapidement pris les devants respectivement dans leurs matchs. Des ouvertures de score logiques, au vu d’une domination dans le jeu, à l’œil nu, et dans toutes les statistiques.

Álvaro Morata a fait mouche à la 11minute pour la Roja, sur une belle passe de César Azpilicueta. Au stade Khalifa, la première mi-temps s’est conclue avec 83 % de possession en faveur des Espagnols. C’est simple : le Japon n’a virtuellement pas touché au ballon, et était bien chanceux de repartir aux vestiaires en retard d’un seul but.

Au stade Al Bayt, Serge Gnabry a ouvert la marque à la 10e pour les Allemands, et la période a été semblable, quoiqu’un peu plus partagée.

À ce moment, on semblait se diriger vers une suite des choses bien tranquille.

Mais les Japonais, et même les Costaricains, n’avaient pas fini de nous surprendre.

Le sélectionneur du Japon, Hajime Moriyasu, a fait entrer Ritsu Doan et Kaoru Mitoma à la mi-temps, et l’allure du match a changé instantanément. Rappelons que contre l’Allemagne, les Japonais avaient marqué coup sur coup en l’espace de quelques minutes.

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Ritsu Doan, après la rencontre

Ils n’avaient donc besoin que d’un ou deux éclairs de génie pour répéter l’exploit.

À la 48minute, c’est ce qui se produit. Doan se permet une frappe puissante de loin. Le gardien espagnol Unaï Simon y touche, mais la vélocité du ballon le fait passer tout droit. C’est 1-1.

La pression japonaise reprend de plus belle. C’est la 51minute. Doan, encore lui, envoie une longue passe vers le deuxième poteau. Mitoma parvient tout juste – et encore – à garder le ballon en jeu en profondeur. Le cuir revient à l’embouchure et touche la cuisse d’Ao Tanaka. Qui marque. C’est 2-1 Japon !

Mais le ballon est-il sorti ? On vérifie à la reprise vidéo. On a bien l’impression que le but sera annulé.

Mais il ne l’est pas. On dit que le ballon est resté en vie, de justesse. Une décision controversée, qui allait avoir des répercussions dramatiques.

« On avait le match sous contrôle, a lancé Sergio Busquets à la télévision espagnole. Du moins on le croyait. Mais ils attendaient la moindre de nos pertes de balle pour contre-attaquer. La deuxième mi-temps, ça a été ça. »

Deux matchs en un

Retournons voir ce qui se passe dans ce Costa Rica–Allemagne. À la 58e, Los Ticos égalise à 1-1, du pied de Yeltsin Tejeda. Si le Costa Rica prend les devants, non seulement il est qualifié, mais l’Espagne est éliminée. Tout comme l’Allemagne.

À la 70e, le Costa Rica marque. Et mène 2-1 contre les Allemands.

Pendant trois minutes, on était éliminés. Mais je ne le savais pas, j’aurais fait un infarctus.

Luis Henrique, entraîneur espagnol

Le but était issu d’une bévue de Manuel Neuer, pourtant un des grands portiers du soccer international. L’ordre du foot mondial était sens dessus dessous.

Jusqu’à ce que Kai Havertz vienne le rétablir. À peine. Le milieu de Chelsea fait 2-2 à la 73e. Puis remet ça à la 85; c’est 3-2. Niclas Füllkrug confirme la victoire allemande à la 89e en marquant le 4-2. Mais la qualification n’est pas encore acquise.

Non. Pour ça, ça prend un but égalisateur de l’Espagne de l’autre côté. Ce qui ferait passer et la Roja, et la Mannschaft.

Mais les Samouraïs ont d’autres idées en tête. Leur bloc défensif est solide. L’Espagne continue de se passer le ballon ; elle a effectué 968 passes dans ce match ! Contre seulement 153 pour le Japon. Un écart absolument ahurissant. D’autant que c’est le Japon qui mène encore.

Et c’est le Japon qui gagne. Ses six points, acquis contre deux puissances mondiales, le placent au sommet. L’Espagne, à quatre unités, se qualifie grâce à son différentiel de buts.

« Ça ne peut plus se reproduire, a souligné Álvaro Morata. Parce que sinon tu rentres à la maison. Ils nous ont mis deux buts en cinq minutes. Il n’est plus nécessaire d’y penser, l’important est que nous soyons en huitièmes de finale. »

Les Japonais affronteront donc les Croates, lundi. Les Espagnols ont rendez-vous avec le Maroc mardi.

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Manuel Neuer et Jamal Musiala à la fin de la rencontre… et de leur participation à la Coupe du monde.

Et les Allemands vont continuer de se poser des questions, après une élimination hâtive en 2018 et à l’Euro 2020.

« Je ne regarde jamais les autres équipes, c’est juste nous, a estimé le sélectionneur Hansi Flick. Nous sommes les seuls responsables. On avait suffisamment d’occasions contre le Japon et l’Espagne. »

« Ça ressemble à un film d’horreur », s’est énervé Havertz.

« C’est une catastrophe absolue, a quant à lui réagi Thomas Müller. Ça fait incroyablement mal, parce que notre résultat aurait pu suffire. On a un sentiment d’impuissance. »

Avec l’Agence France-Presse