(Lusail, Qatar) J’ai visité mon lot de villes étranges. Des cités troglodytes. Des villages flottants. Las Vegas. Mais rien comme Lusail, une lubie de 45 milliards US qui pousse dans le désert, en banlieue de Doha.

Comment la décrire en un mot ? Démesurée ? Excessive ? Pharaonesque ? Non. Tous ces qualificatifs sont trop modestes pour rendre justice à cette ville de 200 000 habitants, aux airs de mégalopole futuriste.

Dès la sortie du tramway, à la station Marina Promenade, on se projette en 2072. Un immense croissant en or, haut comme le mont Royal, brille dans la nuit. On dirait une base de l’Empire, dans Star Wars. Je ne serais d’ailleurs pas surpris que Darth Vader séjourne dans le penthouse pendant la Coupe du monde.

PHOTO ALEXANDRE PRATT, LA PRESSE

La ville de Lusail se donne des airs de mégalopole futuriste.

Je poursuis ma marche vers le nord. Sur ma gauche, une cinquantaine de restaurants sont installés dans des conteneurs, au milieu d’un stationnement. Sur ma droite, sur une presqu’île, tourne la grande roue de Winter Wonderland. Aucune trace de neige dans ce parc d’attractions. Il fait tellement chaud que les portes n’ouvrent qu’au coucher du soleil, à 17 h.

Un kilomètre plus loin, j’atteins le centre-ville de Lusail. Ici, des tours jumelles ressemblent à un jeu de Jenga géant. Là, un édifice épouse la forme d’un œuf. Tout près, des clips sont projetés sur la surface de bâtisses rappelant des bottes de cowboy. C’est lumineux. C’est clinquant. C’est fascinant.

Un peu plus loin, une arche, comme celle de St. Louis, surplombe la route. Une grande avenue bordée de cafés, inspirée des Champs-Élysées, mène jusqu’au stade de 80 000 sièges où sera disputée la finale de cette Coupe du monde. Au-dessus de nos têtes, une sculpture de requin scintille.

Pourquoi ?

Pourquoi pas.

Le nec plus ultra de Lusail ? C’est le centre commercial Place Vendôme. Une reconstitution fidèle d’un quartier de Paris, dans un quadrilatère grand comme celui du Stade olympique. Ici, pas de toc. Juste des matériaux et des céramiques de qualité. Ça sonne kitsch, mais je vous assure que ce ne l’est pas. C’est somptueux. Vraiment.

PHOTO ALEXANDRE PRATT, LA PRESSE

Lusail ou Paris ?

Chaque construction, considérée individuellement, est envoûtante. Mais l’ensemble ? Comment vous dire… J’aime les olives. J’aime les cornichons. J’aime les betteraves. J’aime les guimauves. J’aime les bonbons. J’aime le sirop d’érable. Maintenant, ajoutez tous ces ingrédients sur une pizza déjà toute garnie, est-ce que ça goûte bon ?

Pas sûr.

J’erre dans le Paris qatari, à la fois subjugué et épuisé par Lusail.

C’est fou, tout ce qu’on peut construire en payant les ouvriers 15 $ par jour.

C’est fou, toutes ces infrastructures pour une ville moins peuplée que Gatineau. Bon, les travaux ne sont pas encore terminés. Une réplique du quartier de Beverly Hills s’en vient. À terme, Lusail comptera 450 000 habitants. Ce sera quand même moins que la ville de Québec.

Enfin, c’est fou, toutes les ressources qui seront nécessaires pour alimenter cette aventure mégalomane. Le Qatar surchauffe. Il fait déjà de 40 à 45 degrés Celsius, quatre mois par année. Des scientifiques estiment que dans 50 ans, la température dans la région pourrait devenir insupportable pour la vie humaine.

Alors, quel avenir pour Lusail, me demandez-vous ?

Désolé, je n’ai pas compris votre question.

La clim était trop forte.