Sous la gouverne de Joseph S. Blatter, la FIFA est devenue un monstre de corruption qui, après plus de 30 ans en poste, dont 17 à la présidence, l’a finalement mené à sa perte.

C’est ce qui ressort du documentaire FIFA Uncovered, paru mercredi sur Netflix. Une série de quatre épisodes qui étale la montée en puissance et la déchéance morale de l’organisation maîtresse du soccer mondial. Le Suisse Sepp Blatter est au centre du récit.

La Fédération internationale de football association (FIFA), lors de sa fondation en 1904, n’avait que de nobles intentions. Elle voulait organiser de grands tournois sportifs à but non lucratif.

Comment s’est-elle donc empêtrée dans l’un des plus grands scandales de corruption de l’histoire ? Notamment avec l’attribution de Coupes du monde controversées aux régimes autoritaires russe et qatari ?

Le documentaire établit l’élection à la présidence de la FIFA du Brésilien João Havelange, en 1974, comme point de départ.

À l’époque, l’organisation n’a pas d’argent. Et donc, pour l’aider à financer ses grandes idées de développement du soccer pour la jeunesse et dans les pays en développement, Havelange engage Sepp Blatter.

En quelques années, une organisation auparavant amateur devient résolument capitaliste, avec l’arrivée de commanditaires comme Coca-Cola et Adidas.

« Et quand tu as de l’argent, automatiquement, ça touche la politique », dit Blatter lui-même dans le premier épisode. Il participe au documentaire, mais il ne révèle pas grand-chose ni n’éprouve de remords pour ce qui a éclaté au grand jour au cours des années 2010.

La série ne nous apprend par ailleurs rien de nouveau. C’est plutôt la succession de faits rappelés et exposés, qui se sont produits sur plusieurs décennies, qui donne froid dans le dos.

Havelange et Blatter, qui finit par devenir le secrétaire général et le numéro 2 du président, règnent ensemble jusqu’en 1998. Le Suisse manigance le départ du Brésilien de la présidence tout en s’assurant de lui succéder.

Enveloppes brunes et promesses

Et sa campagne pour accéder à ce poste qu’il occupera jusqu’en 2015 est en soi le point d’ancrage de ce qui allait suivre.

C’est que le système de vote à la FIFA est problématique. Chaque pays membre a un vote pour élire le président. À titre d’exemple, la confédération de l’Amérique du Sud (CONMEBOL) compte 10 électeurs. Celle de l’Amérique du Nord, centrale et des Caraïbes (CONCACAF) en compte 30, ce qui comprend donc toutes les nations insulaires.

Le documentaire montre que si l’on veut devenir président de la FIFA, on doit s’assurer notamment d’avoir les votes des Caraïbes. Et, donc, de bien s’entendre avec Jack Warner, dirigeant de la CONCACAF issu de Trinité-et-Tobago.

Warner, aujourd’hui terré dans son pays et recherché par le FBI, est un des personnages les plus importants de toute cette saga.

Enveloppes brunes. Ententes financières douteuses. Et la promesse d’une Coupe du monde en Afrique. En 1998 commence le règne de 17 ans de Sepp Blatter. Il avance même dans son discours d’accession au pouvoir avoir joué un peu au-delà des limites des règles du jeu, donnant l’exemple d’un joueur qui fait faute sur le terrain. Malaise.

Au cours de ses années à la présidence, la corruption qui l’a mené jusqu’au sommet continue de pulluler sous lui.

Le Qatar, malgré Blatter

En 2008, Blatter et la FIFA décident d’attribuer les droits des Coupes du monde de 2018 et 2022 en un seul et même lot. Ce qui leur permet de doubler le prix de la vente des droits de diffusion, par exemple, et donc de faire de même avec leur profit.

En 2010, la Russie hérite du tournoi de 2018.

Et malgré les efforts de Sepp Blatter pour que le tournoi de 2022 se déroule aux États-Unis, c’est plutôt le Qatar qui en devient le pays hôte. Malgré une candidature considérée comme à « haut risque ». Malgré les rapports d’inspection négatifs. Le système instauré par et sous Blatter a eu raison de sa propre volonté.

Le troisième épisode du documentaire est riche en informations intéressantes au sujet de la candidature et de la victoire des Qataris. Négociations de pots-de-vin dans une chambre d’hôtel en Angola. Contrats géopolitiques conclus à travers le monde. Rachat du Paris Saint-Germain par le fonds étatique du Qatar. Tout y est.

Le FBI fait son entrée

En 2011, et bien qu’il soit réélu deux fois par la suite, c’est le début de la fin pour Sepp Blatter. Une autre histoire d’enveloppes brunes impliquant Jack Warner fait surface.

Cette nouvelle péripétie a des ramifications jusqu’au candidat à la présidence de la FIFA, le Qatari Mohammed Bin Hammam. Une élection a lieu cette année-là. Face à la controverse, Bin Hammam accepte en coulisses de retirer sa candidature. En échange, Blatter promet de ne plus s’opposer à ce que le Qatar soit le pays hôte.

Mais l’histoire ne finit pas là. Parce que maintenant, le FBI est impliqué. L’agence recrute Chuck Blazer, allié de longue date de Jack Warner, comme informateur.

Le dirigeant des États-Unis au sein de la CONCACAF fait face à près de 100 ans de prison s’il ne coopère pas. Il déballe donc son sac. Et le FBI est lui-même étonné de l’ampleur de la corruption qui a cours depuis des décennies.

Quatre ans plus tard, l’enquête aboutit à l’arrestation, à Zurich, de 14 membres du comité exécutif de la FIFA. Blanchiment d’argent. Extorsion. Fraude informatique.

Mais Sepp Blatter lui-même n’est pas accusé. Il est même réélu la même année. Sous pression, il finit par démissionner.

Et c’est finalement un de ses propres gestes qui viendra le couler. Une histoire de paiement de francs suisses à Michel Platini datant de plusieurs années. La commission d’éthique de la FIFA enquête et décide de bannir les deux hommes de la FIFA pendant huit ans. Blatter est encore suspendu à ce jour, et le restera au moins jusqu’en 2028.