Pour le match de samedi soir, le CF Montréal a offert un accès privilégié à notre journaliste et notre photographe. Ils ont pu assister à la rencontre à partir des lignes de côté, à quelques mètres du banc montréalais… et de l’action.

(Montréal) 19 h 17. Les joueurs des deux équipes s’échauffent sur le terrain du stade Saputo. Et suent déjà à grosses gouttes. La petite brise au niveau de la pelouse n’aide en rien à contrebalancer la chaleur et l’humidité ambiantes.

Au retour de l’échauffement, Romell Quioto pousse un cri aigu de relâchement près de la ligne de côté. Il a chaud. Et le verbalise. Pas besoin de comprendre l’espagnol pour saisir le sens de ses propos. Il repère alors un partisan qui danse au rythme de la musique qui résonne dans l’enceinte, derrière la barrière. Le Hondurien lui répond avec ses propres petits mouvements de danse latine.

De notre point de vue à la droite du banc de Wilfried Nancy, on voit que l’attaquant étoile du CF Montréal est déjà de bonne humeur. Et cette énergie positive allait le suivre au cours de la première mi-temps.

19 h 40. Les partisans, encore une fois nombreux, sont installés. Les joueurs sont à leurs positions, leurs maillots déjà mouillés d’un mélange de sueur et d’eau qu’ils se sont versée sur le cou pour se rafraîchir. L’officiel porte le sifflet à sa mâchoire : le match peut commencer.

PHOTO SARKA VANCUROVA, LA PRESSE

L’officiel Ian McKay regarde attentivement l’action qui se déroule sous ses yeux.

La première chose que l’on remarque n’est même pas la vitesse — bien réelle — à laquelle on s’échange le ballon sur le terrain. Ce sont plutôt les nombreuses courses de l’arbitre auxiliaire tout juste devant nous. On sent le sol vibrer au rythme de ses sprints.

Mais notre attention est aussitôt portée ailleurs. Vers Romell Quioto, en l’occurrence. Du côté complètement opposé du terrain, Samuel Piette envoie un brillant centre vers l’attaquant à la 4minute. D’une petite touche dans la surface qu’il nous est difficile de discerner d’ici, Quioto fait se lever le stade Saputo en portant la marque à 1-0. À notre gauche, le gardien substitut Sebastian Breza se lève de son banc et regarde la reprise sur l’écran géant. Lorsqu’il aperçoit la célébration traditionnelle de Quioto, les deux doigts dans les oreilles, il esquisse un sourire.

Après la rencontre, Samuel Piette s’est félicité d’un « centre parfait » qui a donné lieu à une « finition parfaite de Romell ».

Mais au stade Saputo à la 6minute, les festivités sont de courte durée. Voilà que l’attaquant adverse Gonzalo Higuaín réplique instantanément de l’autre côté. Breza et Mathieu Choinière quittent le banc des joueurs et font savoir à l’arbitre auxiliaire en sueur qu’ils ne sont vraiment pas d’accord avec la décision d’accorder le but. Leurs récriminations sont vaines.

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Le défenseur Ryan Sailor, de l’Inter Miami, garde les yeux rivés sur son adversaire.

Le jeu continue. On entend Wilfried Nancy demander à James Pantemis de remettre le ballon vers Kamal Miller à sa gauche pour relancer le jeu. Ce qu’il fait avec succès. Il dit ensuite à Mason Toye de reculer un peu vers le milieu de terrain, question de s’offrir en option pour une passe. Le joueur l’écoute.

Si vous avez l’impression, à la télévision ou dans les hauteurs du stade, que le soccer se joue lentement, ce n’est qu’illusion d’optique. Entre les joueurs, il y a une vitesse de percussion du ballon bien réelle. Ils enchaînent les courses pour se rendre disponibles, se créer des ouvertures. Lorsqu’ils tentent de subtiliser le ballon à l’adversaire, ils ne craignent pas le contact. Comme on dit, ça rentre au poste. Amateurs s’abstenir.

Montréal continue d’offrir son jeu de possession typique. Ce qui mène à une chance de marquer à la 19e. Kei Kamara, au banc des joueurs, se lève et crie de déception comme les partisans, en s’accrochant au haut de l’abri.

Mais attendez. On va à la reprise vidéo. Wilfried Nancy en profite pour ajuster certaines choses avec ses joueurs, qui profitent de ce moment pour s’abreuver.

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L’entraîneur-chef Wilfred Nancy donne ses directives durant un arrêt de jeu, dont les joueurs en profitent pour s’hydrater.

Après vérification, on accorde un penalty au CF Montréal. Qui d’autre que Romell Quioto, meilleur marqueur de l’équipe, pour s’en charger ? Le Hondurien fait 2-1, Sebastian Breza se lève et met lui aussi les deux doigts dans ses oreilles. Nancy, lui, reste de glace.

Quioto a expliqué son geste signature par la suite, devant les médias : « C’est très important de ne pas écouter ce que les autres ont à dire sur toi, a-t-il dit. Tu dois te concentrer sur toi pour aller chercher le meilleur de ce que tu peux donner. »

On vous parlait de puissance et de vitesse. La frappe de Gonzalo Higuaín à la 25minute en était un bon exemple. Son tir est passé avec une féroce vélocité tout juste au-dessus du filet de James Pantemis, ce qui a grandement surpris, et même brusquement inquiété, la foule rassemblée derrière.

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Le gardien du CF Montréal, James Pantemis, a eu chaud quand la frappe de Gonzalo Higuain est passé tout juste au-dessus de son filet.

Ce qui frappe aussi, c’est la qualité et le talent des joueurs de part et d’autre. Un geste de Victor Wanyama qui serait sans doute passé inaperçu en temps normal nous subjugue. En réception de balle dans le dernier tiers à la 49e, il lui donne un effet incongru, surprenant, qui lui permet de relancer l’attaque instantanément.

Nous sommes maintenant en deuxième mi-temps. Montréal continue de dominer l’engagement, ce qui ramène l’action à quelques mètres de notre position.

Les joueurs sont aussi plus près de Wilfried Nancy, et l’entendent beaucoup mieux. « Yes, Ali, yes ! », lance-t-il pour souligner la montée offensive du défenseur Alistair Johnston. « Well done, Victor ! », ajoute-t-il lorsque Wanyama parvient à conserver la possession du ballon.

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Le gardien Drake Callender face à Wanyama

De l’autre côté de la barrière située derrière nous se trouve une dizaine de partisans, majoritairement jeunes, et debout. Ils encouragent les joueurs qui passent devant eux. Huent les méchants. Et les décisions fâcheuses de l’arbitre.

La tension du match est palpable. La chaleur est suffocante.

« C’est très, très dur physiquement, a noté Samuel Piette. […] Il faisait très chaud. Et tu sues. Ton maillot pèse encore plus. Veut, veut pas, ce sont des petits trucs qui font la différence. Tu perds beaucoup d’eau, tu perds beaucoup de sel. Ce que tu fais à la mi-temps est super important. »

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Samuel Piette s’offre une douche froide bien méritée durant un arrêt de jeu !

Les joueurs de Miami étaient-ils moins dépaysés par cette chaleur, habitués à la température floridienne ? Ils ont profité d’un cafouillage défensif de la part des remparts montréalais pour niveler la marque à 2-2 à la 79e, gracieuseté d’Emerson Rodríguez.

Nancy, pas très impressionné, se retournait et fermait les yeux, dépité.

Ainsi, après s’être échangé leurs gouttes de sueur, les deux équipes se sont finalement partagé les points.

Le sifflet final a vibré. Les joueurs ont rejoint leurs coéquipiers au banc. Pour ensuite faire le tour de la pelouse en saluant les partisans. Un autre match de cette belle saison du CF Montréal se concluait. Et la machine du soccer professionnel suivait son cours. Aux douches, aux vestiaires, au repos.

ILS ONT DIT

On aurait pu être plus tranchants. On doit finir l’action parce qu’on a l’opportunité de la finir. On est un peu trop collectif, ou on pense trop. Ils savent que l’idée, c’est de jouer un peu plus à l’instinct. De finir les actions, tout simplement.

Wilfried Nancy, à propos du manque d’opportunisme de ses joueurs, et de leurs occasions ratées

Je suis très heureux, très fier. Quand je suis arrivé ici, j’ai dit tout haut que j’étais venu travailler, que je n’allais pas décevoir le club, les supporters.

Romell Quioto, à propos de ses 11 buts cette saison en MLS

Je me rappelle au début, quand le club a pris la décision de prendre Romell, il y avait beaucoup d’incertitudes. […] Mais il est fort dans l’environnement dans lequel on travaille. Romell, il s’exprime, il prend du plaisir. Je suis content pour lui. Il rejoint de grandes personnes qui ont joué au club. Tant mieux pour lui.

Wilfried Nancy, à propos de l’arrivée de Romell Quioto dans le club sélect des 10 buteurs du CF Montréal, avec Marco Di Vaio, Ignacio Piatti et Didier Drogba

Romell, il apporte énormément. Même si dans un match il ne marque pas ou n’obtient pas de passe, c’est quelqu’un qui pèse très lourd sur la défense adverse. Très costaud, très dur, très fort. Il attire les défenseurs vers lui. […] Il apporte énormément, et c’est ce que tu veux pour un attaquant.

Samuel Piette, sur les qualités de Romell Quioto