La Grinta n’est plus. Jason Di Tullio, entraîneur adjoint du CF Montréal, a succombé à un cancer du cerveau. Le club en a fait l’annonce vendredi matin.

Di Tullio, âgé de 38 ans, se battait depuis plus d’un an contre un glioblastome de grade 4, la forme la plus agressive du cancer du cerveau.

« On vient de perdre un gros morceau de notre organisation », a indiqué le président du club, Gabriel Gervais, joint par La Presse au téléphone.

« Qu’on le veuille ou non, en toute transparence, on le sentait venir, malheureusement. On nous avait annoncé qu’il se battait contre un cancer fulgurant. Et même pour Jason, avec toute sa force de caractère, on savait que cette bataille allait être très difficile à gagner. »

Le CF Montréal a indiqué sur Twitter partager « l’immense peine que ce départ suscite chez les amateurs de soccer montréalais ».

« Ce passionné du sport laisse dans le deuil ses coéquipiers, ainsi que d’innombrables joueurs qu’il aura inspirés par ses fonctions d’entraîneur et d’entraîneur adjoint. »

« Un frère Impact »

La Presse a pu parler à différentes personnes qui l’ont côtoyé vendredi, sur le terrain comme à l’extérieur. Elles confirment toutes les propos du CFM.

« Si tu avais la chance de croiser son chemin, tu n’allais jamais oublier ce moment passé avec lui, a lancé son ancien coéquipier le gardien Greg Sutton. Il avait une énergie tellement positive. […] Il va nous manquer, mais on ne l’oubliera jamais. »

Sutton a pu le voir à l’hôpital à quelques reprises lors des dernières semaines. Sa voix casse lorsqu’il raconte son souvenir de ses visites.

Les dernières semaines ont été difficiles. J’ai tenu sa main et lui ai donné toute la force que je pouvais pour l’aider dans sa bataille. […] Il s’est bien battu, et il va nous manquer.

Greg Sutton

Pour Patrice Bernier, Jason Di Tullio restera à jamais « un frère Impact ».

« C’est lourd ce matin de savoir qu’à un si jeune âge, il n’est plus parmi nous, s’est désolé l’ancien capitaine de l’Impact. Il s’est battu jusqu’à la fin. »

« Les gens avaient tendance à être plus souriants et légers autour de lui. Il mettait de la bonne humeur, beaucoup de passion. »

Lorsque l’on joint Nick de Santis au bout du fil, il a la voix chevrotante. Et nous demande de poursuivre la conversation par messages textes, prévoyant que l’émotion allait prendre le dessus.

« Il était toujours prêt à aider tout le monde, écrit l’ancien joueur, entraîneur et directeur sportif du club. Il a toujours eu de grands défis devant lui, rien n’était facile. Mais il se tenait toujours debout et fonçait vers l’avant. »

Patrick Leduc estime quant à lui que Di Tullio « a les valeurs du club inculquées en lui ».

« Il était loyal envers le club, décrit le directeur de l’Académie. Il avait beaucoup de passion. Il était humble. Il était très, très, très combatif. »

« C’est comme ça qu’il a vécu sa vie en général », estime Gabriel Gervais, qui a joué avec Di Tullio dès 2002. « Ç’a été une personne, un collègue, un coéquipier, un ami qui nous a tellement remplis de bonnes choses. »

Obstacles

Jason Di Tullio a commencé sa carrière de joueur professionnel à 18 ans, en 2002. Il a aussi porté les couleurs du Canada chez les moins de 20 ans, participant au Championnat du monde junior de la FIFA en 2003.

PHOTO FOURNIE PAR LE CF MONTRÉAL

Jason Di Tullio

Au fil de son parcours au sein du club montréalais, le défenseur a marqué coéquipiers et entraîneurs notamment par sa force de caractère. D’où son surnom de La Grinta, une expression italienne employée dans le domaine du sport qui signifie intensité et combativité face aux épreuves.

Il est arrivé, et tout de suite il a été en feu. Dès ses débuts, c’était un joueur marquant. Il communiquait et amenait de l’énergie. Les vétérans s’abreuvaient à ça.

Patrick Leduc

Mais il a subi une dure blessure à un genou qui a nettement ralenti sa carrière. Il prendra finalement sa retraite cinq ans plus tard, en 2007.

« Je m’en souviens, de cette blessure-là, raconte Leduc. C’est arrivé à Calgary sur un mauvais terrain synthétique. C’était quelqu’un qui était tellement généreux dans son effort que de le voir en difficulté, ç’avait été touchant déjà. Mais il était capable de trouver un côté positif. […] Il a toujours mis l’équipe en premier. Ses efforts pour revenir au jeu ont été impressionnants. »

Gabriel Gervais y était, aussi. « Croyez-moi, ce n’était pas beau à voir », se rappelle-t-il.

« Il se battait constamment pour revenir de ses blessures. […] Jusqu’à ce que ton corps te dise que tu ne peux plus. La fin de sa carrière est venue prématurément, comme sa vie maintenant. »

En plus d’avoir été formateur à différents niveaux de l’Académie de l’Impact, Di Tullio a aussi été l’adjoint de Mauro Biello, de 2015 à 2017. Avant de retrouver son poste en mars 2021, sous Wilfried Nancy. Son diagnostic de cancer est tombé au mois de juin suivant. Lors de son entretien avec La Presse en décembre 2021, il disait avoir subi deux opérations pour enlever toute trace visible du cancer.

« Mais le problème avec ce cancer, c’est que ça revient souvent », expliquait-il.

PHOTO FOURNIE PAR LE CF MONTRÉAL

Jason Di Tullio

« Il s’est battu comme joueur pour avoir une carrière, parce que les blessures l’ont rongé, explique Patrice Bernier. Il s’est battu comme entraîneur pour atteindre les hauts cieux. Il s’en allait dans la direction qu’il voulait. »

En tant que coach, « il a tout donné », ajoute Patrick Leduc.

« Tous les jeunes joueurs qui l’ont connu vont être extrêmement reconnaissants de ce qu’il a apporté. »

« Pendant longtemps, il y avait une quête d’identité du club. […] Ce n’est pas qu’on n’avait pas d’identité, c’est juste qu’on avait de la misère à se regarder dans le miroir. Quand on pense à Jason, c’est une bonne partie de l’identité du club. Aujourd’hui, c’est triste, mais c’est la mémoire qu’on doit conserver. C’est la richesse qu’il a apportée à l’organisation. »

Tous parlent d’une discussion de groupe sur Whatsapp, y compris plusieurs anciens du club avec des parcours remontant même jusqu’aux années 1990. C’est un signe de « la force de gravité » qu’il avait autour de lui, estime Gervais.

« Il nous a réunis, les anciens. C’est triste à dire, mais sa lutte contre le cancer nous a ramenés tellement proche, les anciens joueurs, entraîneurs, gérants d’équipe, dirigeants. Il a pu nous réunir et faire revivre cette histoire. On lui doit beaucoup pour ça. »

Une cérémonie « modeste » devrait avoir lieu pour le match de samedi du CF Montréal contre le New York City FC, au stade Saputo.

Gervais assure aussi que le club pense « à des choses pour qu’il reste à tout jamais dans nos mémoires ».