Les nouvelles sont bonnes dans le soccer amateur québécois. Après des années pandémiques difficiles, « on voit un retour pratiquement aux chiffres de 2019 » au chapitre des inscriptions.

« Si on se compare aux autres années, on est très bien, estime Mathieu Chamberland, directeur de la fédération Soccer Québec. On est en avance. En date de [mercredi] matin, on avait 117 000 inscriptions. L’an dernier, on a fini l’année avec un petit peu plus de 145 000. En 2019, prépandémie, on était à 162 000. »

Le constat est le même au provincial que sur le plan régional. Notamment dans les deux grandes associations de la région de Montréal.

« On voit une augmentation, un intérêt », selon Stéphane Clementoni, directeur général de l’Association régionale de soccer Concordia (ARSC), qui couvre un territoire allant de l’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce à Pointe-aux-Trembles.

« On n’est pas encore revenus aux chiffres d’avant la pandémie, nuance George Tissot, DG de l’Association de soccer de Lac St-Louis, qui couvre l’ouest de l’île. Cela dit, il y a un retour au jeu qui est intéressant. Il faut continuer d’encourager les enfants à revenir jouer. »

Évidemment, cette série d’appels de La Presse se déroule somme toute tôt dans la saison. Des pelouses du Québec sont encore cachées sous la neige, ce qui ralentit le processus. C’est le cas à Québec, notamment.

« Il y a quand même un léger retard présentement, concède Philippe Bernard, de l’Association régionale de soccer de Québec (ARSQ). Ce matin, j’ai 18 000 inscriptions. […] En 2019, j’avais tout près de 20 000 joueurs. Je suis en retard de 1900 sur mon année 2019.

« Mais il y a plusieurs choses qui expliquent ça. À Québec, il reste encore de la neige. Ça a fondu vraiment tard cette année, et on sait que les petits s’inscrivent tardivement. […] Normalement, après la fonte, il y a toujours un petit boom. »

Philippe Bernard note néanmoins des signaux « encourageants ». « Cette semaine, je vois que les chiffres augmentent de jour en jour », indique-t-il.

J’aimerais vraiment qu’on revienne au même niveau. Mais de façon réaliste, j’ai l’impression qu’on va perdre un 500 à 700 membres au total. Ce qui ne serait pas une catastrophe en pourcentage par rapport aux années qu’on a connues.

Philippe Bernard, de l’Association régionale de soccer de Québec

Il y a toutefois une région qui bat les pronostics.

« La belle surprise cette année a été l’Estrie », se réjouit Mathieu Chamberland, de Soccer Québec.

Selon des statistiques fournies par Soccer Québec à La Presse, l’Estrie compte déjà 5685 inscriptions, filles et garçons, en date du 21 avril. C’est 442 joueurs de plus que pour toute la saison 2021. Et on ne s’est pas encore découvert d’un fil.

« C’est vraiment de bon augure », souligne Chamberland.

« Un clivage » chez les filles

Ce qui l’est moins, c’est le taux d’inscription chez les filles.

Stéphane Clementoni, de l’ARSC, en parle sans qu’on l’interroge directement là-dessus. « Malheureusement, on sent qu’il y a des dommages collatéraux de la pandémie au niveau du sport féminin. »

Il fait référence à cette étude pancanadienne, publiée en juillet 2021, réalisée par l’organisme Femmes et sport au Canada. On y apprenait notamment qu’« une fille canadienne sur quatre n’était pas décidée à reprendre le sport » après la pandémie.

« En date du 26 avril, j’ai 1767 filles inscrites, explique Clementoni. À pareille date, en 2019, j’en avais 1957. »

Une baisse de 190 joueuses, soit environ 10 %.

« Il y a un clivage là. C’est assez important pour l’instant. Mais il est encore très tôt dans la saison. Il reste encore un gros mois de mai d’inscriptions chez les tout-petits. »

La Presse avait rencontré la ministre fédérale des Sports, Pascale St-Onge, à Toronto en mars, en marge du match de qualifications des Canadiens pour la Coupe du monde de soccer. Elle s’inquiétait, elle aussi, des conclusions de ce rapport.

PHOTO YAN DOUBLET, ARCHIVES LE SOLEIL

Pascale St-Onge

Avant la pandémie, déjà, les filles et les jeunes femmes pratiquaient moins de sport dans les milieux organisés que les hommes, que les garçons en général. Avec la pandémie, cet écart-là s’est accentué parce que tout le monde a été mis à l’arrêt pendant un certain temps. Et le nombre de jeunes filles qui ont dit qu’elles ne voulaient pas revenir dans l’activité physique, c’est vraiment préoccupant. […] Il y a du gros travail devant nous après cette pandémie.

Pascale St-Onge, ministre fédérale des Sports, lors d’une entrevue en mars

Soccer Québec a aussi remarqué ce « clivage ». Mais on n’est pas certain que la pandémie en est la seule cause.

« On remarquait que chez les filles, on perdait de petits pourcentages, indique Mathieu Chamberland. […] Est-ce que c’est l’effet de la pandémie ? Est-ce parce qu’il y a plus de sports offerts pour les filles, ce qui est en soi une très bonne nouvelle ? »

Ça n’empêche pas la fédération provinciale de prendre le taureau par les cornes.

« On trouvait que les filles manquaient peut-être de modèles sur le terrain à qui s’identifier. Chez Soccer Québec, notre axe de travail a surtout été au niveau de la valorisation des entraîneuses. On fait du mentorat auprès d’entraîneuses partout au Québec. Et aussi pour celles qui veulent avoir des diplômes de plus haut niveau. On offre des bourses avec notre partenaire Respect et Sport. C’est notre initiative. »

La situation ne semble toutefois pas généralisée. L’Association de Lac St-Louis et celle de Québec ne voient pas le même écart entre les inscriptions des filles et des garçons.

« Notre abonnement féminin a toujours été fort, expose George Tissot, de Lac St-Louis. Fort dans le nombre, et fort dans le niveau de jeu. »

« C’est assez la même chose, croit Philippe Bernard, de l’ARSQ. Bon an, mal an, j’avais 58-59 % chez les garçons, 42-41 % chez les filles. On est encore dans ces statistiques-là. »

Mais au-delà de tout cela, et malgré les apparences trompeuses, la saison des crampons et du gazon approche.

« Tous les arguments sont là pour s’inscrire », rappelle Mathieu Chamberland.

« Les femmes ont remporté la médaille d’or olympique. Les hommes sont qualifiés pour la Coupe du monde. C’est un sport qui est intégrateur, qui rassemble les communautés. C’est le temps de faire partie de l’aventure et de l’essayer. »