(Toronto) « On voulait avoir de l’espoir. Je suis un gars optimiste, alors je crois que c’est ce qui m’a aidé à continuer à travers les années. »

Rob Notenboom a de la difficulté à comprendre ce qui se passe avec l’équipe canadienne masculine de soccer, en ce moment.

Le membre de longue date des Voyageurs, groupe de supporters des équipes canadiennes de soccer, suit l’unifolié depuis plus d’une décennie. Il sera au BMO Field, ce dimanche, alors que le Canada aura une nouvelle occasion de confirmer sa participation à la Coupe du monde pour la première fois depuis 1986.

Notenboom regardait le match contre le Costa Rica, jeudi soir. Chez lui, à Regina, il « n’arrivait pas à se faire à l’idée » que le Canada domine autant une rencontre, même avec un joueur en moins, devant la foule hostile de San José.

C’est une équipe qui joue à un niveau que nous n’avions jamais atteint.

Rob Notenboom, partisan de l’équipe canadienne de soccer

Je lui avais donné rendez-vous près de nos hébergements respectifs, au centre-ville de Toronto, samedi après-midi. Une pluie fine dans une grisaille et un froid printaniers faisait en sorte que nous cherchions un endroit à l’abri pour discuter. Encore une fois dans ce périple, je me retrouve dans un café à l’enseigne verte et blanche bien connue.

Surplombé par la tour CN et aux abords du Rogers Centre, Rob Notenboom tente de m’expliquer la différence entre encourager une équipe éternellement décevante – comme l’ancienne équipe du Canada – et celle qui s’apprête à se qualifier avec panache au plus grand évènement sportif de la planète.

« C’est une dynamique complètement différente », estime l’homme de 50 ans. Il porte une chemise à carreaux avec un écusson des Voyageurs. Son écharpe et sa tuque aux couleurs du groupe de supporters sont déposées à côté de lui.

Et il me raconte une anecdote qui décrit parfaitement la passion inébranlable d’amateurs suivant une équipe médiocre.

« À la Gold Cup, en 2013, on jouait contre la Martinique à Los Angeles, raconte-t-il. C’était 0-0. À la 92minute, un défenseur adverse de 37 ans, qui ne jouait même pas pro, a marqué d’une bombe tirée à 25 verges du filet. On a perdu 1-0.

« La journée suivante, un de mes amis de Regina et moi devions partir pour un roadtrip de 5500 km. On s’en allait voir le Canada jouer à Seattle contre le Mexique, puis contre le Panamá à Denver. On revenait ensuite à Regina en voiture. On regardait le match contre la Martinique et on s’est demandé : “Est-ce qu’on veut vraiment faire ça ?” »

Ils y sont allés, pour le plaisir. Et le Canada n’a pas marqué un seul but de tout le tournoi. En 2015, l’histoire se répétait : aucun but en trois matchs.

« C’était lamentable. […] On ne créait aucune chance de marquer, rien ne se rendait au filet. »

PHOTO JEAN-FRANÇOIS TÉOTONIO, LA PRESSE

Rob Notenboom, un vrai partisan de l’équipe nationale !

Et il compare cela au match contre le Costa Rica de jeudi dernier. En l’espace de trois secondes, un tir est bloqué par le gardien Keylor Navas. Tajon Buchanan prend le retour et frappe le poteau, puis tente un autre tir qui rate au-dessus du filet. Tout cela à 10 contre 11.

« On a eu plus de chances de marquer là que pendant des matchs entiers, précédemment », lance-t-il, souriant comme pendant toute l’entrevue.

« Ces gars-là jouent avec flair, ils se font confiance. Ça n’a aucun sens. C’est un tout nouveau monde. »

« Je serai probablement juste sous le choc »

Jusqu’à récemment, les Voyageurs « n’étaient pas officiellement un groupe », explique-t-il. « C’était assez informel. Tu étais un Voyageur si tu te considérais comme un Voyageur. »

C’est maintenant un organisme à but non lucratif, qui offre des abonnements pour les membres. Le prix ? 19,86 $, comme l’année 1986.

Mais « il y a encore beaucoup d’étapes à franchir », explique Notenboom.

« Le dernier cycle de qualifications nous a forcés à mettre de nombreux projets sur la glace. Nos abonnements ont explosé. On passe beaucoup de temps à simplement éteindre les feux et faire en sorte que les gens aient une expérience agréable au stade. »

Le groupe ne savait pas combien il avait de membres avant qu’il ne devienne un OBNL, notamment parce que le site web a été piraté « en 2012 ou 2013 ».

Ils ont commencé à offrir des abonnements en juin dernier. En neuf mois, « environ 4000 à 5000 » personnes se sont inscrites, pour entre autres recevoir les offres de billets en primeur.

« La dernière année a été folle.

« La grosse différence, c’est qu’il y a maintenant nettement plus de jeunes et de nouvelles personnes qui viennent aux matchs. Ils se sont clairement identifiés aux jeunes joueurs de l’équipe. Les membres de longue date des Voyageurs, on est tous un peu plus vieux. »

Rob Notenboom se rappelle qu’il y a 10 ans, « il reconnaissait toujours les mêmes visages à travers le Canada ».

« On n’avait aucune chance de convaincre un jeune de 21 ans de venir aux matchs ! Ça ne les intéressait tout simplement pas. Mais maintenant, les gradins sont remplis de jeunes. »

Le Canada s’apprête maintenant à offrir le cadeau ultime à ses partisans de longue date. Quelle sera l’émotion de Notenboom, ce dimanche, si l’unifolié concrétise le tout ?

« Je serai probablement juste sous le choc, répond-il simplement. Il y a tellement de gens qui ont mis tant d’efforts, qui ont versé tant de larmes et qui ont vécu tant de frustrations. Ça pourra justifier tout ça. »