Encore adolescent, Ballou Tabla a été recruté par le club réserve du FC Barcelone. La suite a été plus difficile et après un retour en demi-teinte à Montréal, il tentera de relancer sa carrière en Première Ligue canadienne avec l’Atlético Ottawa.

Ballou Tabla croit avoir « encore beaucoup dans son sac à donner ». L’ancien prodige de l’Académie de l’Impact de Montréal se dit « en pleine forme physiquement » après des blessures qui l’ont ennuyé ces dernières saisons.

Le joueur de 22 ans, qui a vu son association avec le CF Montréal prendre fin en décembre dernier, s’est entendu récemment avec l’Atlético d’Ottawa pour un contrat de trois ans. C’est donc dans la Première Ligue canadienne (PLC) qu’il tentera d’exaucer son souhait de finalement disputer un calendrier complet chez les pros.

Ballou Tabla nous avait donné rendez-vous au September Café de la rue Notre-Dame, dans le sud-ouest de Montréal, un après-midi de la fin de février.

Les bottes pleines de slotch, on entre dans ce sympathique établissement, qui a pignon sur rue en face du Théâtre Corona. De la musique rythmée met l’ambiance dans la petite salle bien remplie. On a bien fait d’arriver à l’avance.

À son arrivée, Ballou Tabla, en athleisure, vient s’asseoir sur la banquette en bois peinte en blanc, près de la fenêtre. Nous faisons face à un mur de briques qui donne sur le comptoir où les baristas concoctent de savoureux cafés… et, évidemment, des toasts à l’avocat.

Il est souriant, naturel. On le sent serein de se lancer dans son nouveau défi dans la capitale canadienne.

Et il ne se défile pas lorsqu’on l’interroge sur la fin de son parcours avec le CF Montréal l’automne dernier.

PHOTO BILL STREICHER, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Ballou Tabla lors d’un match contre l’Union de Philadelphie, en octobre 2020

Tabla n’a jamais pu s’imposer dans la métropole après son retour de l’équipe B du FC Barcelone, en 2020. Certains ont critiqué son engagement à l’entraînement, sa motivation.

« J’ai eu des blessures quand je suis arrivé [à Montréal], explique Ballou Tabla. Comment c’est vu de ces gens-là, c’est qu’il est parti au Barça, il revient, il est blessé, il ne nous donne pas ce dont on a besoin, le club ne va pas bien, les résultats ne sont pas forcément là, on attendait quelque chose de lui. Mais moi, je suis un humain, je suis un jeune joueur, je suis toujours en train de me développer. C’est comme ça que je le vois de mon côté. »

Je ne blâme personne. Je ne suis pas fâché contre ce que les gens disent, mais ils ne peuvent pas comprendre et ce n’est pas à moi de leur faire comprendre, à part sur ce que je fais sur le terrain.

Ballou Tabla

En octobre dernier, soit à la fin de la dernière saison, Wilfried Nancy avait décidé de laisser vacante la 20place de son effectif face à l’Union de Philadelphie, au stade Saputo. En d’autres mots, l’entraîneur avait préféré avoir un effectif incomplet plutôt que d’avoir Ballou Tabla en option en tant que substitut.

« C’est un choix, simplement, avait alors justifié Nancy. […] Si je n’ai pas pris Ballou, c’est qu’il ne le méritait pas. »

Tabla maintient qu’il est en bons termes avec Wilfried Nancy, encore aujourd’hui.

« Pour être honnête, la vérité sur cette question, je ne pourrais même pas vous répondre, concède le joueur de 22 ans. Même moi, je ne sais pas pourquoi. Il y a des choses que j’entends qui ont été dites. »

« Wilfried a toujours été comme un grand frère pour moi. On n’a jamais été en mauvais termes, on ne s’est jamais pris la tête. J’ai tellement de respect pour Wilfried, parce qu’il m’a eu à l’Académie. »

Tabla se met même dans les souliers de son ancien coach.

Ce sont des choix de l’entraîneur. Il faut aussi comprendre que c’est sa première année en tant qu’entraîneur-chef. Il a la pression. Il y a plein de trucs. Il doit tout faire pour que l’équipe roule bien. J’ai toujours eu du respect pour Wilfried et je le respecte aujourd’hui.

Ballou Tabla

N’empêche, le CF Montréal a finalement décidé de ne pas activer l’option à son contrat au terme de la saison. L’aventure de Ballou Tabla à Montréal prenait ainsi fin, en décembre 2021.

Mauro Biello, « un père spirituel »

Ballou Jean-Yves Tabla est né en Côte-d’Ivoire. Il est arrivé à Montréal à l’âge de 8 ans.

« Mon père était déjà là, raconte-t-il. Il a fait la procédure pour que ma mère, mes deux sœurs, mon grand frère et moi puissions arriver au Canada. »

« Il faisait déjà froid, souligne-t-il avec le sourire. On a dû s’adapter. Pour moi, ç’a été vraiment facile. »

La famille Tabla vit alors dans Hochelaga. Après un premier passage avec l’Académie de l’Impact en 2012, il y retourne pour de bon en 2015.

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Ballou Tabla, avec l’Académie de l’Impact, en janvier 2015

Déjà à l’époque, il se faisait « courtiser par des clubs comme Liverpool », dit-il. Il est allé « faire des essais à Marseille ».

« C’était une période vraiment difficile, mais je me suis vraiment concentré sur la formation et l’Académie, avec le projet qu’ils avaient. »

Tabla fait ses débuts professionnels en 2016 avec le FC Montréal, ancien club-école de l’Impact en USL. Il marque même un but à son premier match, contre le Toronto FC II. Il partage aussi la pelouse avec son compatriote ivoirien Didier Drogba (avec qui il a une « relation grand frère, petit frère », dit-il) lorsqu’il s’entraîne avec l’équipe première.

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Ballou Tabla, lors de d’un match contre les Sounders de Seattle, en mars 2017

Il avait alors 17 ans, et il était pressenti comme la prochaine grande vedette du club. Était-ce trop jeune pour avoir tous ces projecteurs braqués sur lui ?

Franchement, je me sentais bien, je me sentais libre, assure-t-il. Je m’exprimais bien sur le terrain, et à l’extérieur aussi. Tout était bien encadré. […] À cet âge-là, je n’avais pas tant de pression. Je n’avais que des gens autour de moi qui me donnaient l’opportunité de m’exprimer sur le terrain. Et l’extérieur, on n’en parlait pas.

Ballou Tabla

Il cite au passage Mauro Biello, entraîneur-chef de l’Impact à l’époque. Une figure marquante de son parcours.

« C’était quelqu’un qui a cru en moi, et qui croit en moi encore aujourd’hui. C’est comme un père spirituel pour moi. Il me conseillait beaucoup, il me défiait, il m’encourageait. »

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Mauro Biello et Ballou Tabla, en mai 2017

Biello le fait jouer une trentaine de minutes lors d’un match amical contre l’AS Roma, en août 2016. Un « élément déclencheur » dans sa carrière.

« Si ce n’était pas de Mauro, je ne pense pas qu’aujourd’hui, on aurait Ballou dans le niveau professionnel. »

« La pression a commencé à venir de partout »

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En mars 2017, Ballou Tabla est devenu le plus jeune joueur de l’Impact à jouer en MLS. On le voit ici en action contre les Sounders de Seattle, au Stade olympique.

Ballou Tabla est alors sur une bonne trajectoire. Il devient le plus jeune joueur de l’Impact à jouer en MLS, en mars 2017. Il marque son premier but contre le Fire de Chicago un mois plus tard.

Une courbe de progression qui le mène jusqu’à son fameux transfert au FC Barcelone B, en janvier 2018. Une affaire qui s’est réglée en un claquement de doigts, raconte-t-il.

« J’ai été contacté par un agent. Il me dit : « Il y a le Barça qui te suit depuis un moment. Ils aimeraient t’offrir un contrat. » »

Après quelques tergiversations au téléphone, cet agent « a pris le billet le lendemain ». « Il s’est rendu à Montréal, on s’est rencontrés au centre-ville, on a discuté, il m’a montré plusieurs trucs qui montraient l’intérêt du club. Ça m’a vraiment fasciné, à cet âge-là. C’était mon club de rêve. C’était le club de rêve de mes frères aussi. Ça s’est fait en moins de cinq jours, je dirais. »

Comment l’Impact a-t-il réagi ?

« C’était 50-50. D’un côté, ils disaient que c’était bien pour moi, pour ma progression. De l’autre, ils me disaient : « Ballou, je pense que tu peux rester une année de plus. » Ou bien : « Prends ton temps, mais à la fin de la journée, c’est ta décision. » »

« Là, la pression a commencé à venir de partout. Tout venait dans mon cerveau. À 17 ans, le Barça vient te voir, je ne pense pas que tous les jeunes de mon âge refuseraient ce train-là. Ç’a été rapide et j’étais content, c’est pour ça qu’on a pris cette décision. »

Il s’est donc dirigé vers la Catalogne, en Espagne, en début d’année 2018, pour y jouer en deuxième division. La transition a été difficile.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER DU FC BARCELONE

Ballou Tabla lors d’un entraînement de l’équipe première
du FC Barcelone en avril 2018, en compagnie notamment
de Lionel Messi

« Ce n’est pas comme si j’allais à Villeray, je vais au Barça ! lance-t-il en riant. J’ai été formé ici au Canada et je n’ai pas eu de temps pour me prouver. »

Je suis arrivé en mi-saison, il y avait déjà un effectif, déjà un groupe. Du jour au lendemain, je devais directement m’adapter. […] Je devais apprendre la langue, la communauté, je devais apprendre plein de trucs.

Ballou Tabla

Il concède donc que « ça n’a pas été facile au début » à Barcelone.

« Ça m’a pris deux ou trois semaines pour m’adapter à l’extérieur du terrain. Sur le terrain, ç’a été vraiment facile. Chaque week-end avant la fin de la saison, j’ai eu des 20 minutes, des 15 minutes. L’entraîneur avait besoin de moi pour apporter offensivement. J’ai marqué aussi, j’ai assisté à des buts. »

En janvier 2019, un an après son transfert à Barcelone, il est prêté à Albacete Balompié, autre club de deuxième division espagnole.

« Avec [le Barça B], ça n’allait vraiment pas. On risquait de se faire reléguer en troisième division. J’étais un des piliers de l’équipe. On a discuté avec mon agent, mon entraîneur. Il m’a conseillé d’aller à ce club de deuxième division. »

Aujourd’hui, les gens voient ça comme si j’étais allé dans un club pas bon, mais c’était un club qui était au-dessus du Barça B. J’y suis allé pour le temps de jeu et pour l’intérêt que le club avait pour moi.

Ballou Tabla

Ballou Tabla veut aussi émettre une clarification.

« Ce n’est pas le Barça qui m’a transféré, c’est moi qui ai pris la décision d’aller en prêt pour avoir du temps de jeu et parce que le niveau était plus élevé. »

L’épopée espagnole s’achève en août 2019, lorsqu’il est rapatrié par l’Impact de Montréal, alors dans une course aux séries.

« Livrer des réponses » à Ottawa

Son seul vrai moment de réjouissance à son retour à Montréal s’est produit en Championnat canadien, en septembre dernier. Tabla a marqué deux buts en toute fin de match contre les Wanderers d’Halifax, club de PLC, en quarts de finale. Il a propulsé le CF Montréal en demies, et célébré de façon marquée. Le club finira par remporter le trophée.

PHOTO VINCENT CARCHIETTA, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Ballou Tabla célèbre après avoir marqué dans les arrêts de jeu dans une défaite de 3-2 contre le Revolution de la Nouvelle-Angleterre, en octobre 2020.

L’avenir allait faire en sorte qu’il se joindrait à un club de PLC quelques mois plus tard. À l’Atlético d’Ottawa, Tabla veut « livrer des réponses » sur le terrain.

« Je suis bien physiquement, je suis optimiste. J’ai une bonne relation avec le directeur. Le projet a été bien expliqué. J’essaie de me concentrer pour profiter du temps de jeu et avoir une saison complète. Malheureusement, je n’ai pas encore eu de saison sans blessure. »

« Si j’ai du temps de jeu, je sais ce que je serai capable de faire. »

Envisage-t-il un retour en MLS ?

« Ça, je ne sais pas. Pas forcément. Je veux revenir au niveau que moi-même, je sais que je peux atteindre. »