« Je vais tourner ma caméra et te montrer la vue », nous dit Jack Stern de sa chambre d’hôtel, quelques instants après le début de notre conversation par Zoom. Il s’exécute. On aperçoit la belle plage de Brighton, ainsi que la jetée, ce quai qui fait office de parc d’attractions.

« Et juste de l’autre côté, c’est la France ! », ajoute-t-il en pointant la caméra vers la Manche. Il est souriant comme pendant toute l’entrevue.

C’est que l’ancien entraîneur des gardiens de l’Impact de Montréal est de retour en Angleterre, tout près d’où il a vécu dans sa jeunesse. Il s’est entendu avec Brighton & Hove Albion, club évoluant en Premier League, à titre d’entraîneur adjoint des gardiens.

« C’est drôle, dit-il. C’est une grande ville, mais pas si grande non plus. Je rencontre des agents immobiliers et je vois tellement de gens que je connais ! Deux des personnes qui m’ont fait visiter des appartements, c’étaient des gens avec qui j’avais joué dans ma jeunesse.

« J’ai vraiment l’impression d’être de retour à la maison. J’étais un grand supporter de Brighton quand j’étais plus jeune. »

Stern a été entraîneur des gardiens à l’Académie ainsi qu’au FC Montréal, de 2014 à 2017. À sa dernière année avec le club, il a été promu à l’équipe première.

Puis il a été emporté par la même vague issue du congédiement de Mauro Biello.

Mais l’homme est encore intimement lié à Montréal. Sa femme en est originaire. Il parle un excellent français, et indique converser un peu dans la langue de Félix Leclerc avec son enfant de 2 ans, à la maison.

« Ç’a toujours été important pour moi d’apprendre le français à Montréal, et c’est quelque chose que je continue maintenant, nous dit-il dans ladite langue. C’est bien pour moi de parler aux joueurs en français aussi. On a quelques joueurs qui le parlent ici. »

Mais l’essentiel de l’entrevue se passe en anglais.

« On ne sait jamais dans le soccer, mais il y a toujours la possibilité de revenir à Montréal un jour. On est intimement liés à la région. En fait, mes parents sont propriétaires d’une maison maintenant à Montréal ! Ils n’y étaient jamais allés avant qu’on y vive. »

« C’est certain que j’étais déçu »

Stern se serait vu rester à Montréal malgré le départ de Biello.

« Le club et moi avons encore une bonne relation. C’est certain que j’étais déçu de partir quand Mauro est parti. Mais je crois que ça dépendait un peu de qui allait prendre sa place. »

Rémi Garde est entré en poste, et il a fait venir son ami Joël Bats.

Il y a eu des discussions avec le club et en principe, ils auraient voulu me garder. Mais c’est l’entraîneur-chef qui prend la décision.

Jack Stern

Heureusement pour Stern, il n’a pas mis de temps à retrouver du boulot.

Il a été embauché en décembre 2017 à titre d’entraîneur des gardiens au FC Cincinnati, dans la MLS. Il y restera jusqu’en décembre dernier.

Et comme pour son apprentissage du français à Montréal, le Britannique a trouvé une façon de s’intégrer à la communauté de cette ville de l’État de l’Ohio.

« Cincinnati a un problème d’itinérance majeur, explique-t-il. […] On vivait dans un quartier du centre-ville qui s’appelle Over-The-Rhine. C’est l’endroit où il y a la plus grande population de sans-abri.

« On était impliqués dans un organisme venant en aide aux sans-abri qui vivaient dans notre quartier. On a donc appris à connaître plusieurs sans-abri de notre rue. On sentait qu’on faisait partie de la communauté là-bas. »

Stern explique que sa femme est psychologue et qu’elle offrait ses services gratuitement aux sans-abri aidés par cet organisme.

« C’est important pour nous. Ça sert nos propres intérêts aussi parce que ça nous aide à nous intégrer, mais on a en plus l’impression de redonner à la communauté. »

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Jack Stern (à droite) est encore intimement lié à Montréal.

Puis les choses à Cincinnati ont « naturellement pris fin ». Le club était en transition. Et il y avait cette ouverture de poste à Brighton.

Bien qu’il connaissait déjà le directeur technique Dan Ashworth, l’entraîneur est passé par un long processus d’entrevues. « Il y a eu une centaine de personnes » qui ont postulé, raconte Stern.

« C’était bien de passer à travers ce processus. Je voulais avoir le poste en fonction de mes compétences en tant qu’entraîneur, pas parce que je connaissais quelqu’un. »

Et quel est donc son rôle en tant qu’entraîneur adjoint des gardiens à Brighton ?

« Je vais superviser le développement de nos gardiens U23, de l’Académie à la première équipe. Ça implique de porter attention aux gardiens qui s’en vont en prêt, et de suivre leur intégration à leurs équipes.

« Je vais aussi entraîner les gardiens de la première équipe au quotidien. »

Brighton est un club de milieu de tableau en Premier League cette saison. Promue en première division anglaise en 2017, l’équipe avait jusque-là pour but d’y rester, tout simplement.

Mais la vision commence à changer.

« En tant que club, on arrive à un point où on peut se demander : qu’est-ce qui définit le succès ? Est-ce que c’est juste d’assurer notre survie en Premier League, ou bien c’est de pousser pour rester dans la première moitié du classement ? »

Brighton est actuellement 9e sur 20, avec 33 points. « On est en voie de connaître la meilleure saison de l’histoire du club », note Stern.

« Notre ascension a été draconienne. Quand j’étais jeune et que je suivais le club, on était en danger de faire faillite. On jouait dans les plus basses divisions d’Angleterre. Le club a vraiment évolué. »

La fierté du Québec, « un aspect unique »

Quand on vous disait que Stern aimait encore Montréal, on ne mentait pas.

Il est « impressionné par la trajectoire » que prend le CF Montréal, des succès de son ami Wilfried Nancy à l’introduction de tous ces joueurs canadiens et québécois au sein de l’alignement en passant par l’identité du club.

« Il y a tant d’éléments qui rendent Montréal spécial, estime-t-il. La culture francophone ainsi que le français. C’est bien de voir le club aller dans cette direction. Wilfried comprend cela tellement bien.

« Cette fierté d’être québécois, de venir de Montréal, c’est un aspect unique et propre à ce club. Aucun autre club de la MLS ne l’a. […] S’il peut puiser là-dedans et l’utiliser de la meilleure des façons, ça pourrait être un réel avantage dans les années à venir. »

Il note aussi la philosophie de jeu de Nancy, qu’il reconnaît de son temps à le côtoyer.

« Ce n’est pas une surprise pour moi de voir la façon dont l’équipe joue et ce qu’il lui demande de faire. Wil a une forte philosophie. Le fait qu’il n’en démorde pas me rend heureux.

« C’est bon de voir que le club fait preuve de patience. J’espère vraiment qu’il continue dans cette voie. C’est ce qui se passe ici à Brighton avec Graham Potter. On lui donne le temps d’instaurer son système de jeu, sa culture et sa philosophie. Sans cela, c’est très difficile d’entraîner. »