Le premier mot qu’elle a prononcé a été « ballon ». Depuis toujours, le soccer fait partie de sa vie.

Après avoir subi deux blessures majeures et abandonné le jeu, Jessica Silva s’est consacrée au coaching. Aujourd’hui directrice générale de la section féminine du FC Metz, en France, elle souhaite poursuivre sa carrière dans le milieu aussi longtemps que possible.

« Je suis vraiment amoureuse du foot. C’est quelque chose qu’on n’arrive pas à décrire. C’est tellement fort et unique », dit la jeune femme de 32 ans.

Chez les Silva, le soccer est une histoire de famille. Le père Dominic, né au Portugal et arrivé enfant au Québec, a joué pour le Club portugais de Montréal durant plusieurs années. Certains de ses coéquipiers de cette équipe semi-professionnelle ont ensuite tenté leur chance avec le Manic.

« Le foot, c’est dans notre sang », dit Jessica Silva.

Rencontré dans son restaurant Silva Grillades à Longueuil, Dominic Silva confirme que sa fille adore le soccer depuis son enfance. « Elle voulait toujours jouer avec les garçons au soccer. Elle pleurait pour y aller », dit-il.

Jessica s’inscrit à l’âge de 7 ans au Club de soccer de Longueuil. Dès le début, elle se démarque. Son père, qui était à ce moment gérant du restaurant Schwartz à Montréal, est son entraîneur.

Je devais souvent la mettre comme gardienne parce qu’elle comptait quatre ou cinq buts dans les premières minutes de jeu. C’était décourageant pour les autres, des fois.

Dominic Silva, père de Jessica

Jessica Silva fait sa place parmi les meilleures attaquantes. Elle participe aux Jeux du Québec. Mais vers 15 ans, elle se blesse gravement à une jambe en glissant sur une butte en hiver.

Elle commence alors à entraîner de façon bénévole. Notamment son frère plus jeune et son équipe. Elle œuvre sur les lignes de côté, un plâtre à la jambe. Mais elle veut surtout revenir au jeu le plus vite possible. Ce qu’elle fait. Mais l’attaquante se blesse à nouveau en jouant et se fracture neuf os de la jambe.

Elle en vient à abandonner l’idée de faire carrière comme joueuse. Le choc est difficile à absorber. « Très difficile. Ça a enrayé tous mes rêves de joueuse. Mais c’est peut-être arrivé pour une raison. Ça m’a ouvert. Ça m’a donné faim pour ma carrière d’entraîneuse », dit-elle.

Le saut en Europe

Une fois investie dans le coaching, Jessica Silva gravit les échelons rapidement. La jeune femme devient directrice technique adjointe du Club de soccer de Longueuil à 20 ans. Elle va à l’école et travaille à temps plein. Elle obtiendra son baccalauréat en éducation physique et santé à l’Université McGill.

Elle a aussi notamment été adjointe technique en formation et développement féminin à la Fédération de soccer du Québec, a obtenu sa licence d’entraîneur et a été entraîneuse adjointe avec trois sélections canadiennes.

En 2017, elle entraîne l’équipe U18 féminine du Québec. « Elle est devenue la première entraîneuse québécoise à gagner les Jeux du Canada », rappelle fièrement Dominic Silva.

PHOTO FOURNIE PAR JESSICA SILVA

Jessica Silva veut « pousser sa carrière de foot jusqu’au bout ».

À 29 ans, Jessica Silva fait le saut en Europe. D’abord à Orléans. Puis à Metz. C’est Hope Powell, entraîneuse de la sélection anglaise pendant 16 ans, qui lui a vendu l’idée. Jessica Silva l’avait rencontrée lors de deux stages de formation organisés par la FIFA.

« Elle m’a ouvert les yeux de venir en Europe. De considérer faire ma carrière là. Cette femme m’a donné la tape dans le dos pour m’encourager à faire un grand saut », dit-elle.

Jessica Silva voulait se mettre « dans un environnement d’inconfort ». « Ça a fonctionné. J’ai recommencé ma vie à zéro. Avec trois valises. »

Dominic Silva est impressionné par les compétences de sa fille. « Elle m’en apprend maintenant sur les systèmes de jeu. On en parle ensemble. Mais elle m’a clairement dépassé, constate-t-il. Je ne suis plus dans la même ligue ! L’intelligence du jeu de Jessica est flagrante. Elle pourrait facilement prendre la relève d’un coach professionnel homme. »

Force de caractère

Pour obtenir le poste qu’elle occupe actuellement, Jessica Silva dit avoir bûché dur. Suivi des tonnes de formations. Travaillé sans relâche. « J’ai investi beaucoup de temps. J’ai délaissé ma vie privée », dit-elle.

« Il faut vraiment l’avoir dans le sang pour arriver à ces niveaux. Pour progresser dans un sport contrôlé par des hommes », témoigne son père.

Le fait d’être une femme ajoute une couche de plus au défi, reconnaît Jessica Silva.

C’est un grand défi, être une femme dans le sport et faire ça à temps plein. […] Le milieu est très compétitif. Parfois trop. Il faut bien s’entourer. Ignorer le bruit. Et se contenter de travailler fort et avancer.

Jessica Silva

Jessica Silva se dit très inspirée par Becky Hammon, première entraîneuse dans la NBA, ou par Kim Ng, première directrice générale dans le baseball majeur. « Ce qui est le plus important, c’est la compétence », dit-elle.

Le monde du sport fait-il de la place assez rapidement aux femmes ? « Ce n’est pas une question de vitesse. C’est une question d’étapes. Plus on le voit, mieux que c’est. Il faut donner la chance aux gens compétents », dit-elle.

Pour l’instant, Jessica Silva n’a pas l’intention de revenir au Canada et veut « pousser sa carrière de foot jusqu’au bout ». Suspendu à cause de la COVID-19, le championnat auquel prend part son équipe doit reprendre en mars.

« On est en préparation. Après, on touche du bois. On espère vraiment que ça va reprendre », dit-elle.