Quentin Paumier était assis dans le vestiaire des Carabins aux côtés de son entraîneur Pat Raimondo ainsi que de ses coéquipiers Félix Goulet et Guy-Frank Essome Penda lorsqu’il s’est mis à souligner les noms des joueurs absents lors de cette entrevue.

« Quand je regarde tous les noms qu’il y a là, ils ont chacun leur truc. C’est notre force. »

L’équipe de soccer masculine des Carabins de l’Université de Montréal a remporté dimanche le championnat canadien U Sports contre les Ravens de Carleton, l’équipe hôte. Et ils l’ont fait de la façon la plus dramatique qui soit.

Un coup franc magistral du capitaine Paumier a égalisé la marque à 1-1 à la 90minute. Après avoir pris les devants en prolongation, les Carabins ont subi le retour du balancier dans les arrêts de jeu. C’était 2-2, direction tirs au but.

Et qui d’autre qu’Essome Penda, joueur par excellence du circuit universitaire canadien cette année, pour tirer le penalty qui a donné la victoire à Montréal ?

Ce coup de pied victorieux était non seulement le dernier du match, mais aussi le dernier de la carrière universitaire d’Essome Penda.

C’est un moment que je vais chérir très longtemps, toute ma vie. En même temps, pour moi, c’est la fin d’un chapitre où j’ai appris beaucoup de choses.

Guy-Frank Essome Penda

Mais c’est une des seules fois de notre entretien dans le vestiaire des Carabins où un joueur allait parler de ses succès individuels.

« La force de l’équipe, c’est non seulement les joueurs qui sont sur le terrain, mais aussi les joueurs qui sont à l’extérieur de celui-ci, ajoute Essome Penda. Malgré leur déception personnelle, ils réussissent à passer à travers et à baisser leur tête, à travailler pour le bien de l’équipe. »

Goulet, gardien nommé au sein de la première équipe d’étoiles du réseau U Sports en 2021, cite notamment le défenseur Charles Raymond, qui s’est blessé au début de la saison et qui a finalement dû subir une opération.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

De gauche à droite : le milieu de terrain Quentin Paumier, l’attaquant Guy-Frank Essome Penda, l’entraîneur Pat Raimondo et le gardien Félix Goulet

« Avant le championnat canadien, il nous a écrit un mot pour toute l’équipe, raconte Goulet. Il est arrivé avec ses cartes, un peu comme ce que le Canadien avait fait en 1993. Ça l’a inspiré un peu. »

Pour la petite histoire, Jacques Demers et Patrick Roy avaient remis des cartes sur lesquelles ils avaient écrit des messages inspirants aux joueurs, qu’ils devaient garder dans leur portefeuille pendant les séries de la Coupe Stanley.

« Ç’aurait été facile d’être frustré avec ça, de passer à autre chose et faire ses affaires, ajoute le gardien. Mais il a trouvé un moyen d’amener sa contribution. Ça a poussé tout le monde dans la même direction. Si le gars est blessé, qu’il ne peut pas jouer et qu’il fait ça, toi, tu n’as pas le choix de tout donner sur le terrain. »

« Engagés » et « humbles »

Cette leçon d’« humilité » vient de l’entraîneur Raimondo, selon Goulet.

« Pour l’avoir côtoyé pendant les cinq dernières années, c’est ce qu’il donne à l’équipe : les joueurs passent en premier. Il donne tout pour qu’on soit dans les meilleures conditions. »

Raimondo a remporté le titre d’entraîneur de l’année au niveau provincial en 2021. Il était passé à côté de cet honneur lors des dernières saisons, dont l’année du premier championnat de l’histoire des Carabins, en 2018.

Mais le fait qu’il ne soit pas nommé passait toujours au second plan, au profit des « expériences » que devaient vivre les joueurs, selon Goulet.

Par ses propos, on sent que Raimondo est bien caractérisé par son portier.

« Ce groupe a été formidable toute l’année », se réjouit l’entraîneur en poste depuis la formation de l’équipe de soccer masculin des Carabins, en 2001.

J’ai tellement d’admiration pour eux, pour le travail qu’ils font sur le terrain, à l’école, comment ils se tiennent ensemble, comment ils s’entraident.

Pat Raimondo, entraîneur des Carabins

Les champions canadiens ont eu la meilleure fiche pour ce qui est des buts marqués et des buts concédés cette saison dans le Réseau du sport étudiant du Québec (RSEQ). Leurs 9 victoires en 12 matchs les ont menés au premier rang du classement, avec le même nombre de points que le Rouge et Or de l’Université Laval.

« Le nombre de buts qu’on compte, la qualité qu’on a, comment on défend, tout ça ne me surprend pas, explique l’entraîneur au ton posé. Je vois le travail pendant toute la semaine. Ils sont là, ils sont engagés, ils sont présents, ils sont humbles. »

Passer le flambeau

Goulet et Essome Penda en étaient à leur cinquième et dernière année d’admissibilité. Qu’elle se termine de cette façon ne pouvait mieux tomber pour l’attaquant, présent lors du titre de 2018.

« Tout ce que je voulais, c’était de gagner avec cette équipe-ci, souligne Essome Penda avec passion. Je voulais faire vivre l’expérience que j’avais vécue aux autres. Moi, j’en ressors une personne bien plus épanouie que je ne l’étais quand j’ai commencé avec l’équipe. »

Ils laissent maintenant toute la place à Paumier pour porter le leadership de cette équipe lors des prochaines années.

« Je suis capitaine, mais en réalité, je suis les traces de Guy et de Félix, explique Paumier. […] Ce sont des gars incroyables, de qui je m’inspire. »

« Au dernier match, je disais : “Les gars, il faut qu’on gagne pour ces deux mecs-là parce que tout ce qu’ils ont fait pour nous, c’est incroyable.” C’est nous qui avons le ballon maintenant, ils ne sont plus là, il faut qu’on prenne la relève. »

Paumier est marseillais d’origine, et jouait au soccer en France. Mais il avait perdu le plaisir de jouer dans son pays, citant le manque de « solidarité » à l’entraînement, notamment. Il l’a finalement retrouvée à Montréal, lui qui disputait sa deuxième année chez les Carabins.

« Quand je suis venu ici, je me suis dit que j’allais redonner une chance. Au final, je n’ai pas eu tort parce que c’est complètement ce que je cherchais. De trouver de vrais amis, de vrais coéquipiers, de vraies émotions. »

Des émotions qu’ils sont allés chercher grâce à une équipe qui avait les atouts pour aller loin, selon Raimondo.

« Mon gut me disait que c’était un groupe qui pouvait être très spécial. Ça n’a rien à voir avec le talent, mais plus avec les personnalités, les caractères, le leadership, la maturité de ces gars. »

Et Raimondo d’ajouter, à la fin de notre entretien : « C’est une belle gang. »