Le Montréalais Noah Eisenberg joue au soccer professionnel à Gibraltar. Il espère un jour avoir la chance de jouer pour le CF Montréal. Votre intérêt est piqué ? Attendez de lire la suite.

Il a quitté le Québec à 19 ans avec une bourse en poche pour jouer au soccer au Birmingham-Southern College, en Alabama.

Après un an, Eisenberg a eu « la conversation la plus malaisante de [sa] vie » avec son entraîneur à Birmingham, quand il lui a annoncé qu’il renonçait à sa bourse pour tenter sa chance en Europe.

« J’ai fait trois mois en Belgique », raconte le Montréalais joint à Marbella, en Espagne. Chez les Belges, il réalise un essai avec Waasland-Beveren, ancien club d’un certain Rudy Camacho. « C’était le meilleur coaching que j’ai eu et le meilleur niveau que j’ai joué. »

« Ensuite, je suis allé en Irlande du Nord, où j’ai signé mon premier contrat. »

Il s’entend avec Deriaguy, une équipe semi-pro de la quatrième division irlandaise, avant de signer en troisième division avec Lurgan Celtic. Mais l’équipe déclare faillite. « Vraiment de la malchance », se rappelle-t-il.

« Je n’avais pas d’argent à ce point-là. Un ami m’a mis en contact avec une équipe de deuxième division au pays de Galles, qui s’appelait Llangefni Town. »

C’était en 2019. Eisenberg avait 21 ans. Après le premier entraînement, l’équipe lui annonce qu’elle veut lui faire signer un contrat. Mais la fenêtre des transferts doit se fermer de façon imminente. « J’avais 10 jours pour signer mon contrat, trouver où je voulais vivre, avoir un visa. Je n’avais pas le temps. »

« J’étais vraiment triste. Je suis revenu au Canada à ce moment-là. »

Il continue à s’entraîner et finit par s’entendre avec le Fusion du Dakota, une équipe semi-pro de la quatrième division américaine, associée au Minnesota United FC, en MLS.

On est en 2020. Vous vous imaginez la suite.

« La saison a été annulée à cause de la COVID-19. »

À son retour au Canada, Noah Eisenberg engage un agent. « Mon agent a rappelé l’équipe du pays de Galles. […] En juillet 2020, j’ai signé avec Llangefni Town. »

Comment décrire le niveau ?

« Le pays de Galles, c’est une guerre. Quand tu sautes pour un duel 50-50 dans les airs, sois prêt à te battre pour ta vie. Ce sont des fous là-bas. C’est la plus grande différence que j’ai vue entre le Québec et l’Europe. »

« Quand on fait un drill à l’entraînement au pays de Galles, le niveau technique est moins bon qu’en Belgique. Ce n’est pas le plus beau foot. Mais l’intensité, c’était fou. »

Mais qui dit 2020 dit mauvaises nouvelles.

« La saison a été annulée, mais j’étais là pour deux mois et on a eu quelques matchs amicaux. »

Après plusieurs reports, puis l’annulation encore pour la saison 2021, il se résigne à chercher de nouveaux horizons avec son agent. La possibilité d’être prêté à une équipe de première division, dont la saison n’était pas annulée, se pointe. Mais voilà que le Brexit vient fermer cette porte.

« Le Brexit et la COVID, les deux ensemble, ça n’a pas aidé. Les règles étaient très strictes. Ils m’ont demandé sur quel visa j’étais et je n’avais pas le bon. Le visa pour jouer au Royaume-Uni, pour une personne qui n’a pas le passeport, ça n’existe pas. »

« J’étais très fâché. J’aimais le pays de Galles, j’aimais le style, j’aimais mon équipe. J’avais l’option d’aller jouer en première division. Ça aurait changé ma carrière. Ils jouent en Ligue des champions et en Ligue Europa. »

À Montréal, Noah Eisenberg, qui a un passeport israélien, discute avec son agent de la possibilité d’aller en Israël. « Mi-juillet 2021, je reçois un texto. Il me dit que c’est fermé, Israël. »

« À ce point-là, je voulais tuer quelqu’un, lance-t-il, moitié rieur, moitié exaspéré. Je m’entraîne chaque jour, j’attends. Et les portes se ferment une après l’autre. Pendant cinq, six jours, je ne voulais plus m’entraîner. »

C’est à ce moment que l’offre de Gibraltar tombe du ciel. Le président du club Europa Point FC le contacte pour lui annoncer qu’il aurait un contrat pour la saison. « Ça a juste fonctionné », se rappelle-t-il, avec un soupir de soulagement.

Mais était-il seulement soulagé de pouvoir jouer, ou bien le défi de Gibraltar l’intéressait vraiment ?

« Je dis à tout le monde que la première division, ça peut être le plus petit pays, mais tu dois être un bon joueur pour pouvoir y jouer. »

Sous le soleil, au pied du rocher

Un véritable chemin de croix, donc, pour aboutir dans ce minuscule État tout au sud de l’Espagne. C’est d’ailleurs du côté nord de la frontière qu’Eisenberg est installé.

« Je vis à Marbella. C’est magnifique, c’est fou. Je suis très content. »

« On s’entraîne plus en Espagne qu’à Gibraltar. L’appartement est moins cher. Quand [mon propriétaire] m’a offert de vivre à Marbella, je n’ai pas hésité. Oui, je fais 45 minutes de voiture pour aller à l’entraînement, mais pour moi, c’est 10 fois mieux. »

Et le salaire, ça ressemble à quoi ?

« Mon appartement et mon auto sont payés, et ils m’offrent un peu d’argent de poche. Mais ce n’est pas vraiment un salaire. Si on additionne le tout, c’est environ 15 000 $ par année. »

« Mais je joue en première division. L’objectif, c’est d’être pris par une plus grande équipe. Rendu là, tu es sur un salaire. »

À Gibraltar, tous les clubs jouent au même endroit : le stade Victoria, au pied du rocher. Les premières équipes au classement participent aux qualifications de la Ligue des champions, de la Ligue Europa et de l’Europa Conference League l’année suivante. Cette saison, Les Lincoln Red Imps jouent la phase de groupe de cette dernière compétition, qui en est à sa première saison d’existence.

Le rêve montréalais

Noah Eisenberg ne s’en cache pas : il veut « à 100 % » jouer pour le CF Montréal.

« Dans ma vie, si je jouais devant ma famille, mes amis, mes rêves seraient réalisés. »

Mais le joueur de 23 ans estime qu’il fait mieux de faire ses classes de l’autre côté de l’Atlantique avant d’envisager l’Amérique du Nord.

« C’est mieux de jouer en Europe, de me faire un nom là-bas, et ensuite de revenir. […] C’est difficile à 26, 27 ans de retourner en Europe. En Amérique du Nord, c’est correct parce qu’il y a beaucoup de joueurs du collège. Ils ont 25, 26 ans. J’ai seulement 23 ans, j’ai du temps. »

Pas question toutefois de lever le nez à une occasion en Canadian Premier League, par exemple. « Si l’offre est bien, si j’ai une option, je ne vais pas dire non. Je suis ouvert. »

D’ici là, Dieu sait où le soccer va le mener.