Dans l’esprit de Mathieu Choinière et de son frère David, il n’y avait pas d’autre option : « On savait qu’on voulait jouer au foot dans la vie. »

Et les deux garçons de Saint-Alexandre n’ont pas mis de temps à faire les premiers pas pour atteindre ce rêve.

« Mon frère et moi, on est partis de la maison pour aller [en appartement] à Montréal avec ma mère, raconte Mathieu, milieu de terrain pour le CF Montréal, au bout du fil. Lui avait 13 ans, moi j’en avais 11. »

« C’était notre passion, c’était ce qu’on voulait faire. À cet âge-là, on s’est dit : “Peu importe, on prend nos affaires et on va à Montréal.” »

Et ça a rapporté.

Formé à l’Académie du CF Montréal, David a fait ses débuts en MLS en 2016. Il joue maintenant en CPL avec le Forge de Hamilton, qui sera justement opposé aux Montréalais en demi-finale du Championnat canadien, mercredi.

Mathieu a gravi les échelons de l’Académie à partir de 2011, devenant le premier joueur du club à jouer pour toutes ses équipes, des moins de 13 ans à l’équipe première. Il a fait ses débuts en MLS en juillet 2018. Aujourd’hui une figure habituelle du onze partant de Wilfried Nancy, il détient le record de matchs disputés en une saison pour un joueur formé au club, soit 23. Il est aussi au premier rang historique pour les départs et les minutes jouées.

Son sentiment après qu’on lui eut énuméré ces succès ? La gratitude.

« Je suis vraiment choyé, se réjouit-il. J’aimerais remercier tous les coachs que j’ai pu avoir à l’Académie et même avant. Je veux surtout remercier ma famille qui m’a soutenu. […] C’est grâce à tout le monde que je suis là en ce moment. »

Quand David et Mathieu ont eu respectivement 16 et 14 ans, leur mère est repartie à Saint-Alexandre, retrouver leur père. Les deux frères sont restés en appartement à Montréal. Un autre académicien, Raphaël Garcia, les a rejoints en colocation.

« Pendant ces années-là, c’était parfois difficile, explique Mathieu Choinière. On était loin de la maison, de nos parents. Mais ils ont fait en sorte qu’on soit à l’aise là-dedans et qu’on puisse s’épanouir à l’école et à l’Académie sans manquer de rien. »

Guérir et rebondir

L’année 2021 est un parfait contraste de l’année 2020 pour le joueur de 22 ans. Ennuyé par une grosse blessure au pied droit, il n’a disputé aucune minute de jeu sous Thierry Henry. Mais ne comptez pas sur lui pour s’apitoyer sur son sort.

« La saison 2020 n’a pas été la meilleure pour moi. […] Cette blessure-là m’a permis de travailler sur moi. J’ai perfectionné quelques aspects physiques qui manquaient à mon jeu pour mieux entrer dans mes contacts. J’ai passé beaucoup de temps dans le gym en essayant de me renforcer le plus possible, pour gagner plus de duels, pour gagner en force et en puissance. »

Le directeur de l’Académie, Patrick Leduc, connaît bien Mathieu Choinière. Il l’a entraîné notamment avec Saint-Hubert, son dernier club amateur avant qu’il ne rejoigne l’école de soccer de ce qui était l’Impact de Montréal, à l’époque.

« Il était déjà surclassé […] avec Saint-Hubert, se souvient Leduc au téléphone. Il était plus fort. Physiquement, il était en retard par rapport aux autres : c’est normal, il avait un an de moins. C’est une autre de ses qualités. Il n’a pas les mêmes aptitudes que d’autres dans l’équipe, mais il a beaucoup travaillé. »

« Ce que Mathieu amène, c’est différent de ce qu’un Zach Brault-Guillard ou qu’un Mustafa Kizza peut amener, ajoute le directeur de l’Académie. On joue sur les forces, la vision du jeu, une bonne aisance technique, un calme avec le ballon. Ça procure une autre dimension à notre attaque. C’est moins axé sur la puissance physique, mais ce n’est pas moins intéressant ou moins efficace. Ça dépend de l’animation qu’on veut donner au jeu. »

Choinière, un milieu de terrain, a été utilisé en tant que latéral récemment. Cette « capacité d’adaptation » est un atout « intéressant » pour son entraîneur Wilfried Nancy.

« J’aime avoir des joueurs offensifs dans les couloirs, explique Nancy. […] Il est capable de s’ajuster par rapport au plan de match, quand il change. »

« C’est ce que j’aime chez lui, qu’il joue à gauche ou à droite. Ça me permet d’avoir une flexibilité tactique. »

« Le coach a des idées très claires de ce qu’il attend de certains de ses joueurs, ajoute Patrick Leduc. Mathieu comprend très bien ce qu’on cherche à faire. Il apporte une sorte de sérénité avec le ballon à une position qui, au départ, n’est pas la sienne. »

La nomination de Wilfried Nancy a donc été salutaire pour Mathieu Choinière.

« On se connaissait avant, indique-t-il. […] Je savais déjà ce qu’il voulait mettre en place en termes de tactiques et de philosophie de jeu. Ça m’a facilité la tâche. »

Et voilà que Choinière a fait partie de l’alignement partant sans interruption depuis le 15 mai dernier.

Raison de plus pour que Patrick Leduc le cite dans ses présentations à l’Académie.

« Son exemple à lui est encore plus frappant en matière de résilience et de persévérance, souligne l’ancien joueur de l’Impact. C’est quelqu’un qui a joué hors position, qui a été blessé l’an dernier. Il a connu trois entraîneurs et chaque fois, il a l’impression qu’il faut convaincre encore qu’il a sa place. »

Le rêve du Qatar

Le contrat de Mathieu Choinière avec le CF Montréal se termine le 31 décembre 2021. Il dit toutefois « ne pas vraiment [se] concentrer là-dessus en ce moment ».

« Je veux continuer de jouer mes matchs et de faire de bonnes performances. Je ne pense pas vraiment à ça. »

S’il est donc bien établi à Montréal et en MLS, il a un but bien précis dans sa ligne de mire : la sélection canadienne.

« J’aimerais l’intégrer le plus vite possible. C’est un objectif qui est vraiment dans ma tête, et je pense qu’il est réalisable. »

Mais il ne se « stresse pas du tout avec ça », notant devoir « continuer à bien travailler » et « montrer [ses] qualités sur le terrain ».

Quand même. L’équipe canadienne, avec des vedettes internationales comme Alphonso Davies et Jonathan David, est plus près que jamais de se qualifier pour la Coupe du monde de 2022, au Qatar. L’envie d’en faire partie est bien présente pour le joueur de 22 ans.

« Les Coupes du monde, il n’y a rien de plus gros dans le monde du foot. Si une équipe va être là, je veux entrer dans cette équipe-là le plus vite possible. »