(Brasilia) « Championnat de la mort » avec pour mascotte « Covidinho » : les critiques ont fusé au Brésil après l’annonce lundi du choix de ce pays pour organiser au pied levé la Copa América de soccer alors que la COVID-19 y a fait plus de 460 000 morts.

« Un évènement de cette ampleur va causer d’innombrables déplacements, même si les matchs sont à huis clos. Et cela va contribuer à la recrudescence de la pandémie », avec la menace d’une troisième vague dans les prochaines semaines, déplore pour l’AFP José David Urbáez du Centre d’Infectiologie de Brasilia.

« Ce tournoi aurait dû être annulé, un point c’est tout », ajoute-t-il.

La Confédération sud-américaine de soccer (Conmebol) a annoncé lundi matin que la compétition qui doit mettre aux prises des stars mondiales comme Neymar, Messi ou Cavani aurait lieu au Brésil aux dates prévues initialement (13 juin au 10 juillet), après les désistements successifs de la Colombie et de l’Argentine.

« Dans d’autres pays, comme le Chili, la vaccination est bien plus avancée et la pandémie est beaucoup mieux contrôlée. Il est difficile de comprendre d’où est venue cette décision », estime pour sa part l’épidémiologiste Pedro Hallal, de l’Université fédérale de Pelotas.

Le Brésil affiche le deuxième bilan le plus meurtrier au monde après les États-Unis, et seulement 11 % de la population a reçu deux doses de vaccin.

Au moment d’annoncer ce choix surprenant de pays-hôte, la Conmebol a tenu à remercier le président d’extrême droite Jair Bolsonaro pour avoir « ouvert les portes de son pays à l’évènement sportif le plus sûr du monde ».

Bataille juridique en vue

De quoi susciter des réactions acerbes de ses opposants politiques, qui lui reprochaient déjà d’avoir constamment minimisé l’ampleur de la crise sanitaire, avec son discours anticonfinement à contre-courant des orientations scientifiques et le refus d’offres de vaccins.

Le sénateur Renan Calheiros, rapporteur d’une commission d’enquête parlementaire du Sénat qui se penche sur la gestion chaotique de la pandémie, a qualifié la Copa América au Brésil de « championnat de la mort ».

« Les offres de vaccins ont moisi dans des tiroirs, mais ils n’ont pas tardé à accepter d’organiser la Copa América », a-t-il lancé sur Twitter.

Le vice-président de cette commission, Randolfe Rodrigues, a réclamé l’audition devant les sénateurs de Rogerio Caboclo, président de la Confédération brésilienne de soccer, pour qu’il explique « quelles mesures sont prévues pour garantir la sécurité des Brésiliens ».

Le député de gauche Julio Delgado a pour sa part annoncé son intention de saisir la Cour suprême pour faire annuler le tournoi, dont les villes-hôtes n’ont pas encore été définies.

Les gouverneurs de deux États du Nord-est, le Pernambouc et le Rio Grande do Norte, qui possèdent des stades modernes ayant accueilli le Mondial-2014, ont déjà annoncé qu’ils refuseraient d’accueillir des matchs par « manque de sécurité sanitaire ».

Du public au Maracana ?

Au Brésil, les matchs ont lieu à huis clos depuis le début de la pandémie, même si la finale de la Copa Libertadores, fin janvier, s’est jouée en présence de quelques centaines de supporters invités par les clubs et les fédérations.

Selon la presse brésilienne, la Conmebol souhaiterait faire de même pour une éventuelle finale de Copa América au mythique stade Maracana de Rio.

Sur les réseaux sociaux, les internautes s’en sont donné à cœur joie, avec des montages montrant une mascotte de la Copa América appelée « Covidinho » ou « Cloroquito », une allusion à l’hydroxychloroquine, médicament dont Jair Bolsonaro ne cesse de vanter les mérites malgré les études scientifiques prouvant son inefficacité contre le virus.

Dans les rues de Sao Paulo, les Brésiliens se montraient également très critiques. « Il ne faudrait pas organiser un évènement aussi important en ce moment. C’est bon pour l’économie, mais ça va faire augmenter le nombre de contaminations. Je suis contre, même si j’adore le soccer », a dit à l’AFP Guilherme Beserra da Silva, qui travaille dans l’import-export.