Comme des millions d’Allemands, Julien Latendresse-Lévesque avait les yeux rivés sur son écran, le week-end des 16 et 17 mai derniers, pour le retour de la Bundesliga.

Mais l’homme de 29 ans est plus qu’un simple partisan. En tant que gardien du Chemie Leipzig, équipe de quatrième division, il est directement concerné par le déroulement d’un match de soccer à l’ère de la COVID-19.

« On voulait observer comment ça allait se passer avec toutes les règles mises en place. Par exemple, les remplaçants étaient dans les gradins, portaient un masque et étaient séparés les uns des autres. Les équipes avaient aussi le droit de faire cinq changements. Les 20 à 30 premières minutes de chaque match étaient bizarres parce qu’il n’y avait pas d’atmosphère. On voyait aussi que ça faisait un bout que les joueurs n’avaient plus joué. »

La Bundesliga a été le premier grand championnat à reprendre ses activités après une pause de plus de deux mois. Le cadre est néanmoins strict avec des tests hebdomadaires et une prise de température au moment de l’arrivée au stade. Les contacts sont également limités lors des célébrations.

Si les deux premières divisions ont pu reprendre leur saison avec des cotes d’écoute records, ce n’est pas le cas pour les championnats de niveau inférieur. Le reste de la campagne de quatrième division, la Regionalliga, a été tout simplement annulé. Le Chemie Leipzig a aussi réduit le salaire des joueurs, ce qui pousse Latendresse-Lévesque à travailler chez l’un des commanditaires. 

Je suis chanceux parce que je suis encore assez bien financièrement. Ce n’est pas forcément le cas des plus jeunes joueurs.

Julien Latendresse-Lévesque

Faute de matchs et de terrains d’entraînement, il garde donc la forme chez lui depuis cette pause forcée. Il s’entraîne une ou deux fois par jour, passe du temps en famille et prépare un mariage qui approche à grands pas.

Au fil des semaines, et en voyant que l’Allemagne était moins touchée que beaucoup d’autres pays européens, Latendresse-Lévesque avait toutefois l’espoir de reprendre la compétition. L’arrêt de la saison a été prononcé à la fin du mois d’avril.

« Oui, je pensais que, peut-être, on allait recommencer. Mais on est dans un championnat amateur et les conditions liées à une reprise ne favorisaient pas notre club. On devait rejouer à huis clos alors que de 3000 à 5000 personnes assistent à nos matchs. »

De 3000 à 5000 spectateurs pour la quatrième division ? Bienvenue à Leipzig, ville reconnue pour son amour du ballon rond. Il y a le RB Leipzig, propriété de Red Bull, mais également le Lokomotive et le Chemie. Latendresse-Lévesque a évolué pour ces deux dernières équipes depuis 2013.

« C’est ma deuxième maison. C’est une ville jeune avec beaucoup de culture, dit-il à propos de Leipzig. Je suis là depuis sept, huit ans ; ma copine et moi adorons la ville. »

Une blessure inopportune

Comment un garçon originaire de Chambly, en Montérégie, aboutit-il dans l’est de l’Allemagne ? Adolescent, l’ancien pensionnaire du Centre national de haute performance (CNHP) a eu un avant-goût du monde professionnel en s’entraînant avec l’Impact dans la période pré-MLS.

« Au CNHP, je côtoyais l’entraîneur des gardiens de l’Impact, Youssef Dahha, qui m’a invité à rejoindre l’équipe. C’est incroyable, pour un jeune de 16 ans, de s’entraîner avec les professionnels et même de faire un camp au Portugal. »

Peu après, il prend le chemin de Vancouver où il retrouve chez les Whitecaps plusieurs coéquipiers de l’équipe nationale. Lors d’un camp en Europe, il se fait remarquer par l’Energie Cottbus qui le fait jouer au sein de son équipe des moins de 19 ans. La première année se passe bien. Il peut viser la première équipe.

Le coach m’avait dit que, si je n’avais pas été aussi jeune et sans le nombre de gardiens [déjà sous contrat], j’aurais pu peut-être jouer comme deuxième ou troisième gardien.

Julien Latendresse-Lévesque

« Les plans ont été chamboulés quand je me suis cassé le poignet. J’avais de la douleur, mais ils ne trouvaient rien. Ce n’est qu’après quelques mois de recherche qu’ils ont vu une cassure. C’était le mauvais moment pour avoir une blessure aussi grave. Je n’ai pas joué pendant un an, un an et demi. Par la suite, je pense que je n’ai jamais retrouvé le niveau qui était le mien. Mon poignet n’est pas aussi flexible et il y a plein de problèmes qui viennent avec. »

Si cette période a été difficile, Latendresse-Lévesque ne regrette rien de sa vie en Allemagne. « Ça fait 11 ans que je suis actif dans le foot et que je gagne ma vie. C’est le plus important, au final. »

Et ce n’est pas la COVID-19 qui va refermer cette parenthèse, même si le virus oblige le soccer à s’adapter. Une offre de contrat d’une saison l’attend pour 2021-2022. « Les clubs attendent toujours pour savoir comment on va recommencer la saison prochaine. Ça ne devrait pas reprendre avant septembre. »