(Barcelone) Dans un contexte tendu, avec une brève interruption du match par des revendications indépendantistes et une charge de police près du Camp Nou, Barcelone et le Real Madrid ont fait match nul 0-0 mercredi dans un Clasico accroché, et continuent, plus égaux que jamais, de se partager la première place du Championnat d’Espagne.

Avec Messi, Benzema, certaines des plus grandes stars du ballon rond présentes sur la pelouse, et les deux meilleures attaques de Liga, on attendait des buts, et du spectacle… Mais c’est un constat évident qui s’est imposé : presque à mi-saison, les deux géants du foot espagnol font jeu égal, et ont fini par se neutraliser à 0-0, pour la première fois depuis 2002.

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Karim Benzema, du Real Madrid et Clément Lenglet, du Barça

« Au classement, on est toujours à égalité, mais cette Liga est ainsi : depuis le début, on constate qu’il y a beaucoup d’équité entre les équipes », a résumé le coach blaugrana Ernesto Valverde au coup de sifflet final.

Si le Barça reste leader au prix d’une victoire supplémentaire, le Clasico a été équilibré, engagé, rugueux… et parsemé d’erreurs techniques, car les joueurs ont semblé quelque peu timorés par l’enjeu sportif et le lourd contexte politique.

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Un ballon de plage lancé par la foule est retiré du terrain par un gardien.

Tifo géant, banderoles, cris « Llibertat ! » : le public du Camp Nou a fait entendre ses revendications indépendantistes avant le coup d’envoi et pendant le match, brièvement interrompu à la 55e minute pour dégager les dizaines de ballons de plage lancés sur la pelouse depuis les gradins, pour protester contre les balles en gomme tirées par la police pour réprimer les manifestations indépendantistes.

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Aux abords du stade, les autorités ont chargé des centaines d’indépendantistes qui avaient mis le feu à une barricade. Des heurts qui ont occasionné une cinquantaine de blessés (dont huit hospitalisés) et cinq arrestations selon les derniers bilans communiqués par les autorités à l’AFP.  

Le volet politique a été moins important que prévu, et le jeu, plus bridé que prévu. Le Real Madrid a eu la maîtrise du ballon pendant une grosse heure de jeu, multipliant les situations de danger dans la surface de Marc-André ter Stegen, en enchaînant les centres.

Des Français engourdis

Mais à l’instar d’un Raphaël Varane chahuté tour à tour par Ivan Rakitic, Sergi Roberto, et Gerard Piqué, le Barça n’a jamais su imposer suffisamment son physique pour faire la différence.

« Il nous a manqué un but, on méritait mieux aujourd’hui (mercredi). Mais c’est le soccer, on a manqué de clairvoyance dans les derniers moments du match », a analysé Zidane après le match, se déclarant « fier de (s) es joueurs ».

Les Barcelonais, eux non plus, n’ont pas eu les occasions suffisantes en contre : les coups de génie de Lionel Messi, récemment couronné d’un sixième Ballon d’Or et qui disputait son 42e Clasico (un de moins que le recordman madrilène Sergio Ramos, 43), n’ont pas suffi cette fois.  

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Le Français Antoine Griezmann

Comme sur cette reprise de volée opportune (30e) ou cette louche bien sentie pour Jordi Alba (40e), finalement infructueuses, « la Pulga » a manqué l’occasion de conclure sa fabuleuse année 2019 en beauté.

Entre les attaquants Karim Benzema ou Antoine Griezmann, pour sa première, un joueur français aurait pu s’illustrer, pour le clasico le plus tricolore de tous les temps (cinq joueurs français ont été alignés pour la première fois sur les 22 titulaires mercredi, avec Lenglet, Griezmann côté blaugrana ; et Benzema, Mendy et Varane côté merengue, sans compte Zidane).

Tifo, ballons et cris « Llibertat ! »

Mais il n’en a rien été. Si les joueurs étaient engourdis, les revendications politiques sont restées assez froides, elles aussi, et n’ont pas été aussi importantes que ce que redoutaient les forces de l’ordre, qui avaient déployé un dispositif sans précédent, avec 3000 agents dont mille policiers.

Ciblée par des manifestations indépendantistes, la rencontre, initialement prévue le 26 octobre à Barcelone, avait dû être repoussée pour « raisons exceptionnelles » selon la fédération espagnole de soccer (RFEF), en raison d’incessantes mobilisations et de violents heurts en Catalogne.

Les 5000 manifestants recensés par la police ont bloqué la circulation autour du stade dès la fin d’après-midi, dans une ambiance festive.

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Dans les gradins, la seule différence par rapport à une autre rencontre de haut-niveau a été le déploiement de milliers de banderoles bleues et une grande jaune affichant « #spainsitandtalk » (Espagne, assieds-toi et dialogue, en anglais) et « Freedom » (liberté), le slogan de la plateforme indépendantiste Tsunami Démocratique, à l’origine de cette action.

Et, à la 55e minute, les quelques dizaines de ballons lancés sur la pelouse depuis les tribunes, alors que le jeu était déjà arrêté pour un remplaçant catalan.

Malgré la pression populaire et politique, c’est le soccer qui a régné : un soccer rugueux, accroché, mais qui consacre deux rois, deux géants qui font jeu égal.