Marie Levasseur s’apprêtait à rejoindre le camp de présaison des Red Stars de Chicago, dans la National Women’s Soccer League (NWSL), quand le téléphone s’est mis à sonner. « Une équipe de Finlande aimerait t’avoir », lui glisse son agent au bout du fil.

On est au mois de mars. L’attaquante de 22 ans n’a pas le luxe de prendre son temps pour réfléchir. Elle doit donner sa décision la journée même.

« J’ai appelé mes parents et on a essayé de voir les pour et les contre. Il n’y avait rien de certain avec Chicago, alors que la Finlande m’offrait une stabilité. Je savais que ce serait un bon premier contrat professionnel. Aller aussi loin, ça n’a pas affecté ma décision. Je suis habituée à l’éloignement ou aux voyages à travers les équipes nationales. »

Et donc, au milieu du mois de mars, elle débarque à Oulu, ville portuaire de 200 000 habitants située à un peu plus de 150 kilomètres au sud du cercle polaire arctique. Elle n’est pas déstabilisée par la neige et le froid même si elle a passé les quatre dernières années avec le club de l’Université de Memphis, dans le Tennessee.

« Ce qui était difficile, au début, c’est que j’étais toute seule dans une grande maison. C’était le silence complet. Les entraînements n’étaient qu’en soirée, alors, j’avais des journées plutôt longues et vides. Il fallait que je me trouve des choses à faire. Je regardais des séries ou je partais explorer la ville. J’ai même commencé à tricoter », dit-elle en souriant.

La barrière de la langue

Côté soccer, elle a vite vu que l’ONS, pour Oulu Nice Soccer, n’avait pas forcément de gros moyens. Le terrain est partagé avec plusieurs autres équipes. Le personnel d’entraîneurs et les infrastructures ne sont également pas au niveau de ce qu’elle avait connu dans la NCAA. Mais, qu’importe, elle s’est sentie très bien accueillie par des coéquipières avec qui elle pouvait parler en anglais. Disons que le finnois est à ranger dans les langues difficiles à apprivoiser.

« C’est illogique. J’ai vraiment essayé de faire des efforts pour comprendre. Je savais quelques mots comme les chiffres, les couleurs, mais c’était compliqué de le parler de manière fluide. La structure des phrases est tellement différente. Quand tu les entends parler vite, ça ne ressemble à rien. »

« Ç’a a été un peu dur, parce que le coach ne parlait pas vraiment anglais. Il y avait toujours quelqu’un pour faire la traduction, mais ça a fait qu’on n’était pas tant proche de lui. Il y avait toujours un intermédiaire. »

— Marie Levasseur

Après un mois et demi, sa sœur jumelle, Catherine, a également signé un contrat à Oulu. Elle joue en défense et Marie évolue, dans le secteur offensif. Au total et avec un repositionnement dans l’axe, l’attaquante – qui a aussi joué comme milieu en fin d’année – a inscrit 13 buts en 24 matchs. Soccer Québec l’a d’ailleurs désignée comme la joueuse professionnelle par excellence en 2019.

« C’est difficile de faire une comparaison avec la NCAA tant le style de jeu est différent. En NCAA, c’est le physique et la vitesse. En Finlande, c’est vraiment basé sur la possession. Chaque fois que l’équipe récupère le ballon, elle prend le temps de construire. Il fallait que je sois patiente dans les courses. D’habitude, je suis davantage une passeuse, et là, c’était mon rôle de mettre le ballon au fond du but. »

Retourner avec l’équipe nationale

Au terme de la saison qui s’est achevée en octobre, elle a reçu une offre d’une autre équipe en Finlande. Non seulement les clauses du contrat n’étaient pas plus avantageuses, mais elle rêve surtout de jouer dans une ligue plus reconnue.

« Mon but est de retourner avec l’équipe nationale [NDLR : sa dernière sélection remonte à 2017] et, après réflexion, j’ai compris qu’il fallait que je sois dans un championnat supérieur. La Finlande a une ligue de bonne qualité, mais il faut que j’augmente le niveau de jeu. »

De retour au Québec, après un crochet par Memphis, elle attend donc que le téléphone sonne de nouveau. « C’est un jeu d’attente. Souvent, tu dois attendre la dernière minute et tu ne sais jamais ce qui peut arriver. » Dans tous les cas, elle n’oubliera pas Oulu où elle a lancé le premier chapitre de sa carrière professionnelle.