Ils sont ingénieur, étudiant, employé en aménagement paysager ou entraîneur. Ce sont surtout une bande d'amis et des coéquipiers qui espèrent bien vivre une extraordinaire aventure au cours des prochaines semaines.

Pour la première fois, le vainqueur de la Première Ligue de soccer du Québec (PLSQ), l'AS Blainville, participera au Championnat canadien avec un duel aller-retour face à son homologue de l'Ontario, les Blue Devils d'Oakville. Le premier match aura lieu mercredi soir au Centre sportif Bois-de-Boulogne de Laval.

La suite pour le club semi-professionnel en cas de qualifications successives? Un rendez-vous contre le Fury d'Ottawa (USL), le Toronto FC, puis une finale contre l'Impact ou les Whitecaps de Vancouver. Pour simplifier les choses à l'extrême, ils sont sur la toute première marche d'une compétition qui mène à la Ligue des champions et au Mondial des clubs. Mais gardons les pieds sur terre et disons que leur simple participation est déjà une belle avancée.

«C'est six ans de travail acharné pour en arriver là. Quand on a commencé en 2012, on rêvait, un jour, de championnat canadien. Wow! on est rendus là et on se pince encore pour voir si on y est vraiment, lance le président Sylvain Pereira. C'est un gros accomplissement et une fierté quand je pense à tout le travail fait par les joueurs dans les dernières années.»

Justement, il est presque 21h en cette chaude soirée lorsque les joueurs arrivent au parc Blainville par petits groupes. Le milieu offensif Maxime Leconte est l'un des premiers au rendez-vous. Cela fait 10 ans qu'il est dans le club et qu'il est aux premières loges pour assister à l'évolution du club.

«On est passés du AA à la Première Ligue au Championnat canadien. C'est historique et c'est une belle vitrine pour nous, pour le Québec et pour tous les jeunes. Le plus beau des rêves, ce serait d'aller en finale, d'affronter l'Impact et que ce soit deux clubs du Québec. Il y a beaucoup de chemin, mais il faut rêver pour avancer. On peut se le permettre.»



Photo François Roy, La Presse

Sylvain Pereira, président de l'AS Blainville

«Papouche»

Dans l'équipe, un visage est plus connu que les autres. Il s'agit de celui de Pierre-Rudolph «Papouche» Mayard, ancien joueur de l'Impact à l'époque de la deuxième division. Il rigole quand, au détour d'une question, on parle de lui comme de la «star» de l'équipe. Il est pourtant le Ballon d'or et le Soulier d'or de la PLSQ avec ses 14 buts en 16 matchs l'an dernier. Il est aussi celui vers qui ses coéquipiers se tournent puisqu'il a déjà disputé le championnat canadien avec le Fury d'Ottawa et l'Impact. Alors, que pense-t-il du scénario de son coéquipier?

«C'est un bon parcours, mais le bon parcours, ce serait de gagner la Coupe. Il faut être optimiste aussi. Mais on va y aller un match à la fois avec Oakville d'abord, et après si on peut croiser Ottawa et Toronto... Il y a du chemin à faire.»

Chaque joueur a sa réponse, plus ou moins prudente, au moment de se prononcer sur ce que serait une bonne aventure en Championnat canadien. Mais il y a un dénominateur commun: tous ont constaté que cette compétition avait piqué la curiosité de leurs proches.

«Mon entourage a souvent gravité autour du soccer, donc, ils ont compris à quel point ce moment était historique. Tout le monde a vu le parcours de l'Impact en Ligue des champions, souligne le défenseur et capitaine Nafi Dicko-Raynauld. Dès que je leur ai dit qu'on pouvait se rendre là, ils ont compris à quel point c'était important. C'est sûr qu'on en parle entre nous et que mes amis seront au stade.»

Un doublé en 2017

L'AS Blainville a intégré la PLSQ dès la première saison en 2012. Après un premier titre, la Coupe PLSQ, au cours de l'automne 2016, l'équipe a réalisé le doublé coupe-championnat la saison dernière. Cette année, l'AS Blainville, devenue l'équipe à battre, domine encore un championnat qui s'étale du mois d'avril à octobre. Huit équipes y participent.

«Il y a beaucoup plus de qualité dans tous les clubs. La ligue a pris de l'expansion puisqu'au début, on était six, rappelle le gardien et directeur technique Jean-Lou Gosselin, actuellement blessé. Les deux-trois premières années, ça vivotait avec des équipes qui entraient, qui sortaient et qui n'arrivaient pas à se soutenir et se structurer. Le niveau de jeu s'est beaucoup amélioré. Depuis que les gens savent qu'il y a le Championnat canadien au bout, ça travaille mieux.»

Le Championnat canadien est donc un rêve devenu réalité, mais il a aussi un coût. Par exemple, l'équipe a repris l'entraînement à la mi-janvier avec davantage de séances en gymnase, de courses à l'extérieur et de matchs amicaux, dont un contre un adversaire de l'Ontario.

«Oui, ça nous coûte de l'argent de faire ça. Ce sont des dépenses supplémentaires qu'on n'avait pas prévues. On est contents de les payer, mais il n'y a aucun gain de revenu du côté amateur, reconnaît Pereira. On joue pour l'honneur et pour donner l'exemple aux jeunes. Il ne faut pas oublier qu'on fait partie d'un club avec 2000 jeunes filles et garçons. Quand ils peuvent voir ce qui se passe avec la Première Ligue, c'est une inspiration pour eux autres.»

Évoluer au niveau semi-professionnel signifie aussi de jongler avec un travail -  certains occupent une fonction au club -, des obligations personnelles et une activité sportive composée de trois entraînements et d'un match par semaine. Il y a bien une coupure entre les mois de novembre et janvier, mais les joueurs doivent conserver une bonne forme physique.

«Cette année, c'était peut-être encore plus motivant avec la perspective du Championnat canadien. Le groupe a compris que, pour avoir des résultats, il fallait s'entraîner et performer. Mais ç'a été facile d'amener les gars à l'entraînement, souligne Leconte. On a eu beaucoup de travail physique avec deux courses à l'extérieur chaque semaine. On y allait malgré les tempêtes ou la pluie verglaçante. On n'avait qu'un objectif: être prêts pour mercredi.»

Et pourquoi pas pour les autres mercredis lors des tours suivants? «En Coupe de France, on a vu que les Herbiers, un club amateur, avait atteint la finale. Juste de voir ça, ça fait rêver même si ça n'arrive que tous les 10 ou 15 ans», conclut Gosselin.

Entre rêve et réalisme, le champion de la PLSQ s'amène, enfin, sur la scène canadienne.

Photo François Roy, La Presse

Pierre-Rudolph «Papouche» Mayard