Entre les chants et les insultes à caractère homophobe, il peut être difficile pour les membres de la communauté LGBT+ d'afficher leurs couleurs dans certains stades. Afin de favoriser l'inclusion et d'accroître leur visibilité, Samuel Bonnefont et Gabriel Girard ont entrepris de mettre sur pied un groupe de partisans, devenu un véritable îlot d'inclusion lors des matchs de l'Impact de Montréal. Intrusion dans la section 114 du Stade Saputo.

Après avoir constaté que plusieurs personnes issues de la communauté LGBT+ étaient plutôt réticentes à se rendre au stade pour encourager le Bleu-blanc-noir en raison de l'atmosphère plutôt hétéronormative qui y régnait, Bonnefont, Girard et quelques-uns de leurs amis ont décidé, en 2015, de plonger tête première. Leur but: mettre sur pied un tout nouveau groupe de supporters qui permettrait à tous de se rassembler autour d'une seule et même passion pour le ballon rond, en toute quiétude.

«Nous nous sommes dit que ça pouvait valoir le coup de se structurer un petit peu et de rendre visible le fait que nous sommes des personnes de la communauté LGBT+ qui assistent aux matchs de l'Impact, qui soutiennent le club et de là est venue l'idée», a raconté Girard, qui désirait permettre à sa communauté de se familiariser le monde du soccer professionnel tout en créant un sentiment d'appartenance et d'inclusion.

Insultes homophobes

Dans la culture du soccer, il n'est pas rare d'entendre s'échapper des gradins des insultes comme «fif» ou encore «faggot» pour critiquer les joueurs. Il y a aussi le fameux chant Puto - où les partisans s'époumonent en criant «Eh! Puto!» (qui désigne en espagnol un homme prostitué) - qui est utilisé lorsque le gardien de l'équipe adverse dégage le ballon et qui est vivement critiqué par les divers groupes LGBT.

Même si la situation est beaucoup plus atténuée dans les stades en Amérique du Nord qu'en Europe ou encore en Grande-Bretagne, il en demeure que ce genre de comportements crée une ambiance peu confortable pour les partisans qui souhaitent prendre part aux matchs tout en réconciliant leur amour du sport et leur orientation sexuelle.

Pour les membres fondateurs, il était primordial de se mettre en évidence afin de sensibiliser les autres supporters et de les conscientiser sur les réalités et les enjeux auxquels les gens issus de la communauté LGBT+ sont confrontés pour s'assurer qu'il y ait le moins de discrimination possible au stade Saputo.

«Nous voulions montrer au monde du soccer professionnel que les réalités LGBT+ existent, qu'il y a des gens de la communauté LGBT dans les clubs de partisans et sportifs et qu'il faut les prendre en compte, explique Girard. Pas parce qu'on demande un traitement particulier, mais plus pour faire attention, notamment quand il y a des chants dans les autres groupes de partisans.»

Malgré leur visibilité lors des matchs disputés au stade Saputo et leur présence active sur les réseaux sociaux, il leur arrive encore d'être victimes d'incidents malheureux.

«Nous n'avons pas été personnellement attaqués, mais nous avons souvent été témoins de chants homophobes, se souvient Bonnefont. Parfois, ç'a été violent pour nous parce que notre groupe existe depuis un certain moment déjà et, malgré tout, il y a des chants qui ont été menés autour de nous.»

Il n'est pas rare, lorsque la ferveur des partisans est à son comble, notamment lorsque le Toronto FC est en ville et que l'atmosphère est plus tendue, que les langues se délient et que les insultes fusent de partout.

«Soudainement, les gens se permettent de faire des commentaires sur les joueurs adverses, des commentaires homophobes, parce qu'on sent qu'il y a une tension plus grande», déplore Bonnefont.

«Les choses s'améliorent tranquillement, mais reste qu'il y a tout de même 20 000 spectateurs au stade et on ne peut pas toucher tout le monde encore, alors oui, il y a des choses qui arrivent et qui sont encore dites malgré tout.»

Lors d'un match face à la formation torontoise le 27 août dernier, l'administration de l'Impact avait dû intervenir auprès du groupe de partisans 1642, qui avait lancé une insulte à caractère homophobe dans les gradins. À la suite de cet incident, le groupe avait été contacté par l'équipe et avait écopé d'un avertissement, puisqu'il s'agissait de leur premier écart disciplinaire.

Un comportement totalement rejeté par le club montréalais et le 1642.

«C'est certain que nous voulons décourager ce genre de comportements là, a souligné le vice-président exécutif de l'Impact, Richard Legendre. La meilleure façon de passer le message est d'être proactifs nous-mêmes, de montrer que ce sont des choses que nous désapprouvons totalement et c'est pourquoi, lorsque des incidents se produisent, nous donnons un avertissement.

«Si ça continuait, comme pour n'importe quoi d'autre dans le stade, il y aurait des sanctions, c'est clair», a-t-il soutenu.

L'exemple de l'Impact n'est pas unique et l'homosexualité demeure un sujet délicat et sensible dans le monde du ballon rond.

À ce jour, aucun joueur actif n'a assumé ouvertement son homosexualité. Quelques joueurs comme Thomas Hitzlsperger, Olivier Rouyer et l'ancien joueur de l'Impact avant que l'équipe ne fasse le saut en MLS David Testo sont sortis du placard à la fin de leur carrière. Seul Robbie Rogers, qui s'était confié via son site internet après avoir pris sa retraite en 2013, a disputé quatre années supplémentaires avec le Galaxy de Los Angeles, en MLS, avant de prendre sa retraite pour de bon en novembre 2017.

On pense aussi à Jesus Tomillero, un arbitre pour de jeunes joueurs en Andalousie dont l'histoire avait fait le tour du monde parce qu'il avait reçu des menaces de mort pour avoir dénoncé des insultes homophobes dont il était victime.

Ensemble contre la discrimination

Pour le vice-président exécutif du club montréalais, il allait de soi que l'Impact soutienne le groupe de partisans LGBT+. «Ça nous tient beaucoup à coeur, a-t-il affirmé. C'est important pour nous, le message qu'on envoie, le caractère inclusif non seulement de l'Impact, mais du soccer en général.»

«S'il y a un sport qu'on veut qui rassemble tout le monde, c'est bien le soccer», a admis Legendre.

D'abord développé en Angleterre, le groupe «Football VS Homophobia» s'est récemment étendu à travers l'Amérique du Nord. Ce mouvement encourage la tenue d'initiatives visant l'inclusion des minorités dans le monde du soccer.

La Premier League s'est également efforcée d'offrir une atmosphère plus inclusive envers la communauté LGBT+ en signant une nouvelle entente avec Stonewall, l'organisme le plus prolifique du Royaume-Uni en la matière.

De son côté, la MLS se démarque notamment en faisant la promotion d'une campagne intitulée Don't cross the line, qui lutte contre les discriminations liées au racisme, au sexisme et aux LGBT-phobies.

«À travers la MLS, il y a des sanctions prévues en rapport aux commentaires et gestes discriminatoires sur le terrain, affirme Legendre. Au-delà du message global, nous essayons aussi de poser des gestes concrets.»

En ce sens, l'Impact, en partenariat avec l'organisme Fierté Montréal, organise depuis trois ans le Fier match, présenté dans le cadre des festivités entourant la fierté gaie de Montréal, afin de célébrer la diversité et de lutter contre les LGBT-phobies dans les milieux sportifs amateurs et professionnels. C'est l'occasion aussi pour l'organisation montréalaise de revêtir les couleurs de l'arc-en-ciel tant au niveau du logo de l'équipe que les drapeaux sur les poteaux de coin.

Bien qu'aucune date n'ait encore été fixée, le Fier match se déroulera une fois de plus cette année au mois d'août.

En plus d'ériger leur tout premier drapeau officiel, le groupe LGBT+ prévoit étendre sa présence au domicile du club dans diverses sections en vue de la prochaine saison de l'Impact, qui s'amorcera ce samedi.

Photo archives Reuters

Le stade St Mary's, à Southampton, en Angleterre, affiche les couleurs inclusives de la communauté LGBT+.