Un instant de recueillement à la 14e minute, son numéro fétiche: le match amical entre les Pays-Bas et la France sera l'occasion vendredi à Amsterdam d'un vibrant hommage au légendaire Johan Cruyff, monument du soccer mondial décédé à l'âge de 68 ans des suites d'un cancer du poumon.

« Je ne savais rien du soccer avant de connaître Cruyff »: la phrase de Pep Guardiola, membre de la « dream team » de Barcelone, championne d'Europe en 1992 sous les ordres du Néerlandais, dit tout de l'aura de l'ex-joueur et technicien.

Les adieux que lui a préparés le « peuple oranje » devraient être à la hauteur de la place singulière qu'il occupe dans l'histoire de la discipline et l'émotion sera à son paroxysme dans la soirée à l'ArenA, entre de l'Ajax que Cruyff a porté au sommet de l'Europe (1971, 1972, 1973) et de la sélection nationale.

Le finaliste de la Coupe du monde 1974, perdue face à l'Allemagne, a longtemps personnifié à lui seul le soccer néerlandais et sa disparition laisse un vide immense. La brève cérémonie du souvenir en l'honneur de ce joueur hors norme, qui a révolutionné le poste de meneur de jeu, devrait donc largement occulter l'enjeu strictement sportif du match Pays-Bas - France, placé sous le signe du deuil.

Juste avant le coup d'envoi prévu à 20 h 45 (15 h 45, heure de Montréal), une autre minute de silence sera, en effet, observée à la mémoire des victimes des attentats de Bruxelles mardi, dont le bilan s'élève à au moins 31 morts et 300 blessés.

Choc aux Pays-Bas

Le décès de Cuyff, qui doit être incinéré vendredi à Barcelone dans l'intimité, est un choc aux Pays-Bas et dans sa ville natale d'Amsterdam, à la mesure du personnage et de son exceptionnelle carrière.

Les unes de la presse néerlandaise, largement consacrées à Cruyff, sont sans équivoque: « Icône du siècle » titre le quotidien populaire Algemeen Dagblad (AD) qui lui dédie 20 pages alors que pour De Telegraaf, dans lequel l'ex-étoile de l'Ajax et du Barça tenait une chronique hebdomadaire, celui-ci était « bien plus qu'un joueur ».

Le journal télévisé de la chaîne publique NOS a quant à lui attiré 2,8 millions de téléspectateurs jeudi, très au-dessus de son audience moyenne (1,5 million).

Dès l'annonce du décès du triple Ballon d'Or jeudi, les fans de l'Ajax se sont rendus en pèlerinage déposer des bouquets de fleurs, des ballons ou des portraits de la vedette devant la résidence d'une partie de sa famille à Amsterdam ou au pied de sa statue, située près du vieux stade olympique. Un site internet de condoléances a déjà recueilli plusieurs milliers de messages.

Car ce n'est pas un homme comme les autres qui s'en est allé, mais un génie ayant inventé une autre manière de jouer et incarné le fameux « soccer total » dans les années 70. Un legs que le monde du ballon rond a salué à sa juste valeur.

« Nous ne t'oublierons jamais »

« Nous avons perdu un grand homme. Poursuivons avec son excellence qui était exemplaire », a réagi le « roi » Pelé.

« Nous ne t'oublierons jamais », a lancé Diego Maradona, pourtant avare en compliments pour ses « collègues ». Son compatriote argentin Lionel Messi, qui illumine le Barça où Cruyff a aussi bâti une partie de son prestige en tant que joueur et entraîneur, a évoqué la perte d'« une légende ».

« Il était non seulement un très bon ami mais aussi comme un frère pour moi », s'est de son côté désolé le « Kaiser » Franz Beckenbauer, son bourreau du Mondial 74.

L'hommage du Barça samedi

Pour Michel Platini, dont Cruyff fut l'idole de jeunesse, le Néerlandais volant était tout simplement « le meilleur joueur de tous les temps ». Gianni Infantino, son ex-N.2 à l'UEFA devenu président de la FIFA, a déploré la mort d'un « joueur magnifique ».

Plus cocasse, le défenseur suédois Jan Olsson, ridiculisé sur un drible de Cruyff à la Coupe du monde 74 et dont les images passent en boucle sur les réseaux sociaux depuis jeudi, a écrit dans le Times: « Je chérirai à jamais ce jour où 20 000 fans néerlandais se sont moqués de moi ».

Signe de la trace et de l'héritage laissés à jamais par le N.14, la ville d'Amsterdam souhaite rebaptiser l'ArenA, « stade Johan Cruyff ». Une campagne dans le même sens a été lancée sur twitter par des partisans du FC Barcelone, où il a évolué entre 1973 et 1978 avant de l'entraîner de 1988 à 1996, pour remplacer le nom du mythique Camp Nou par celui de Cruyff.

Après l'hommage du soccer oranje et de la « famille » Ajax vendredi, ce sera au tour du Barça d'honorer l'un de ses plus illustres serviteurs. Le président Josep Maria Bartomeu a estimé que Cruyff avait « changé l'histoire de notre club » et mis en place un lieu de recueillement « dans la tribune principale du Camp Nou » accessible aux fans à partir de samedi.