Joseph Blatter, président démissionnaire et suspendu de la FIFA, a été entendu environ 8 heures jeudi devant les juges de son instance, à Zurich, pour s'expliquer notamment sur le paiement controversé de 2 millions de francs suisses à Michel Platini en 2011, qui pourrait valoir une radiation à vie aux deux hommes.

Blatter est reparti comme il était venu, dans sa Mercedes noire, sans dire un mot. La phrase de la journée est venue pendant son audition de... Russie! Vladimir Poutine a lancé lors de sa conférence de presse annuelle: «La contribution de Joseph Blatter dans le domaine humanitaire est colossale. Voilà la personne à qui il faut donner le prix Nobel de la Paix».

Convoqué à 9h (3h heure du Québec) devant la chambre de jugement de la commission d'éthique, «Sepp», 79 ans, est arrivé au siège de la Fédération internationale avec une quarantaine de minutes d'avance. Le Suisse est apparu avec un énorme pansement sous l'oeil droit, en compagnie de son avocat, son compatriote suisse Lorenz Erni. La vingtaine de journalistes présents n'a pas eu droit à un seul commentaire au départ des deux hommes en voiture vers 17h (11h heure du Québec).

Blatter, réélu au printemps pour un cinquième mandat avant d'annoncer dans la foulée qu'il allait remettre son mandat lors d'un congrès électif le 26 février devant les scandales à répétition frappant son instance, est suspendu provisoirement depuis le 8 octobre et jusqu'au 5 janvier.

«Inquisition»

Cette mesure disciplinaire est tombée quelques jours après l'ouverture de procédures judiciaires en Suisse à son encontre pour ce paiement à Platini, mais aussi parce qu'il est soupçonné d'avoir signé un contrat de droits de télévision présumé déloyal envers la FIFA concernant les Coupes du monde 2010 et 2014.

Le Valaisan, qui a toujours clamé son innocence, a occupé le terrain ces derniers jours en multipliant les apparitions médiatiques, s'élevant contre les propos d'Andreas Bantel, porte-parole de la chambre d'instruction de la commission d'éthique.

Ce dernier avait lâché vendredi au journal L'Équipe: «Platini va sûrement être suspendu plusieurs années, et en ce qui concerne Blatter, il n'y a pas de différence entre une suspension de quelques années ou une suspension à vie». Bantel avait par la suite précisé que la publication de cette interview était «non autorisée».

«Ce procès me rappelle l'Inquisition», a dénoncé Blatter, évaluant qu'il risquait «deux ans de suspension et 160 000 francs suisses (environ 225 000 $ CAN) d'amende, ou suspension à vie» dans trois journaux européens.

Boycott de Platini

Cette même chambre de jugement de la commission d'éthique avait prévu d'entendre Michel Platini vendredi. Mais le Français de 60 ans a décidé de ne pas s'y rendre et sera représenté par ses avocats. L'ancien capitaine de l'équipe de France estime que «le verdict a déjà été annoncé dans la presse par un des porte-parole» (Bantel, ndlr) de la justice interne de la FIFA, au «mépris de la présomption d'innocence».

Ce boycott vise à «signifier sa plus profonde indignation» face à une procédure que l'ex-star de la Juventus considère comme «uniquement politique et visant à l'empêcher de se présenter à la présidence de la FIFA».

Blatter n'aspire officiellement qu'à bien achever sa présidence, tandis que pour Platini, qui brigue sa succession mais dont la candidature est de fait gelée, le calendrier est serré puisque le dépôt des candidatures est fixé au 26 janvier au plus tard.

Le camp Platini compte sur la note interne à l'UEFA datée de 1998, qui fait état d'un possible futur travail salarié à la FIFA du triple Ballon d'Or, pour avancer «la preuve écrite d'un contrat oral».

Le verdict est attendu à partir de lundi prochain. En cas de suspension ou radiation, les deux hommes pourront faire appel en interne, avant de se tourner vers le Tribunal arbitral du sport. Ils pourront saisir directement le TAS, sans passer par la case appel en interne, seulement si la FIFA donne son accord.

Dans le cadre de la vaste opération anticorruption lancée par la justice américaine, la Suisse a par ailleurs bloqué plus de 46 millions d'euros (environ 70 millions $ CAN) sur des comptes bancaires à la demande des États-Unis, selon le journal zurichois Tages Anzeiger.