Joseph Blatter a incarné à lui seul la toute puissante FIFA pendant 17 ans, surmontant scandales et crises à répétition, mais n'a finalement pas survécu au plus gros séisme ayant ébranlé l'institution, quatre jours à peine après sa réélection pour un cinquième mandat.

Depuis son arrivée à la tête de l'instance suprême du football en 1998, Blatter était habitué aux traitements dignes d'un chef d'État partout où il se déplaçait dans le monde. Après 17 années de pouvoir sans partage, il apparaissait tout bonnement insubmersible.

Mais le dirigeant, âgé de 79 ans, acculé, a fini par se retirer mardi sous le poids d'une trop forte pression née d'un énième scandale planétaire de corruption qui, depuis le 27 mai, secoue la FIFA, cette barque qu'il s'est évertué à faire devenir paquebot en 40 ans de présence.

Lorsque le Suisse y entre en 1975 comme directeur des programmes de développement, la FIFA ne compte qu'une dizaine d'employés et loge dans un petit immeuble de Zurich. La légende veut même que Blatter soit un jour allé emprunter de l'argent à une banque pour payer leurs salaires.

Aujourd'hui, les réserves de l'instance suprême du soccer mondial se montent à 1,5 milliard de dollars. Car en quatre décennies, ce sport est passé du quasi-artisanat au business mondialisé. Une révolution que Blatter a accompagnée pas à pas.

«La FIFA a commencé à grandir au moment où le foot est devenu mondial, universel», avait-il souligné vendredi avant sa quatrième réélection. «Joao Havelange, mon prédécesseur, m'avait dit: "tu as créé un monstre". C'est le mariage de la télévision et du foot qui a fait cette explosion économique de la FIFA».

Un peu prématuré

Entré en 1975, Blatter a occupe le poste de numéro 2 (secrétaire général) entre 1981 et 1998, date à laquelle il succède à la présidence au Brésilien Joao Havelange, lui aussi contesté et dont il est resté proche.

«Mon plus grand succès? Avoir rendu le football universel», s'est longtemps félicité Blatter, qui a toujours pu compter sur le soutien inaliénable de sa fille, Corinne. Et de souligner que le foot «jamais attaqué par les belligérants, se joue en Irak, en Afghanistan et même en Syrie».

Le développement de ce sport en Asie lui doit beaucoup, de même que la première Coupe du monde organisée en Afrique (du Sud, en 2010). «Fidèle et reconnaissant», selon un membre de son entourage, il gardera de ces années-là des relais puissants qui le soutiennent face aux critiques venues d'Europe.

Généreux avec beaucoup de petites fédérations dont il est s'est ainsi assuré l'appui, via de généreux programmes d'aides, Blatter dit les avoir accompagnées «avec un principe, inspiré de Confucius: ne donne pas un poisson à ton frère mais apprends-lui à le pêcher!».

Né «un peu prématuré, à sept mois», selon ses confidences, le natif du canton du Valais, dans les Alpes, est un ancien modeste joueur amateur - «au poste d'attaquant» -, qui a même fait des piges dans la presse pour financer ses études de commerce dans sa jeunesse.

Il quitte le navire

Président de l'instance depuis 1998, il pensait pouvoir défier le temps malgré ses 79 ans. «Je me sens en forme, l'âge pour moi ce n'est pas un problème», assurait ce polyglotte lors d'un entretien récent avec quelques médias, dont l'AFP.

Mais il n'a pu résister à l'ultime séisme qui a frappé la FIFA, déclenché deux jours à peine avant son élection pour un cinquième mandat et suivi de nombreuses répliques.

Mercredi dernier, neuf élus de la FIFA et cinq partenaires de l'instance mondiale du football ont été inculpés par la justice américaine enquêtant sur des faits de corruption depuis 1990.

Et ce mardi, Blatter a fini par donner sa démission quelques heures à peine après de nouvelles accusations du New York Times visant cette fois le Français Jérôme Valcke, son bras droit et secrétaire général de la FIFA, soupçonné d'être le responsable d'un virement de 10 millions de dollars sur des comptes gérés par l'ancien vice-président de l'organisation Jack Warner, mis en cause par la justice américaine dans un scandale de corruption.

Éclaboussé par cette vague de trop, Blatter a finalement quitté son navire. Jusque-là, il avait tout fait pour ne pas l'abandonner.